Crolles/Bernin (Isère) : pas de retour immédiat à la normale

Unité de fabrication des semi-conducteurs de ST-Microelectronics

[Suite au double sabotage des nuits du 4 puis du 5 avril contre les lignes à haute-tension, qui ont mis temporairement à l’arrêt les usines de semi-conducteurs ST-Micro et Soitec, il semble que le retour à la normale ne soit pas aussi simple que cela. Petit aperçu à travers quelques articles tirés de la presse économique.]

La Silicon Valley grenobloise de nouveau « rebranchée »
après un incendie sur ses lignes électriques

La Tribune Auvergne-Rhône Alpes, 6 avril 2022 (extrait)

La coupure de courant, provoquée par l’incendie de plusieurs lignes à haute tension qui transitaient par le pont de Brignoud (Isère) dans la nuit de lundi à mardi, aura été à la fois inédite, mais aussi particulièrement impactante pour le bassin du Grésivaudan, un secteur proche de Grenoble, qui accueille plusieurs grands industriels de la microélectronique comme STMicroelectronics et Soitec.

« Ces deux entreprises ont pu commencer à redémarrer, mais en mode dégradé, car hormis les pertes de fabrication dont il faudra probablement reparler plus tard, on sait que ce secteur dispose d’équipements qui n’aime pas les coupures de courant intempestives », traduit le vice-président délégué en charge de la promotion économique pour la communauté de communes du Grésivaudan, Jean-François Clappaz.

Les salles blanches, utilisées notamment dans le processus de production de l’industrie de semi-conducteurs, dépendent notamment de systèmes de ventilation filtrés et de différents capteurs (température, humidité, etc) en vue de garantir un niveau de concentration très faible de particules et de poussières en suspension dans l’air, qu’il faut pouvoir recalibrer notamment lors de leur remise en route. Sans compter les réglages des équipements de production eux-mêmes, qui sont chargés de combiner un haut niveau de qualité et une production en volume, tout en produisant à une échelle très petite, de l’ordre du namomètre.Un incident qui aura lui-même déjà eu un impact sur les cours des deux sociétés en Bourse également, puisqu’après une première journée de baisse suite à l’annonce de cet épisode (à -5,3% pour ST et -3,8% pour Soitec), le cours de STMicroelectronics s’affichait encore en baisse de -3,2% ce mercredi, et de -3,2% pour Soitec ce matin.

Une ligne provisoire mise en place pour rebrancher Soitec

« Une ligne appropriée pour alimenter le site a été mise en place depuis 20h30 hier soir, et depuis ce même moment, toutes nos équipes ont repris le travail. Le processus de reprise de la production est en cours depuis 21 heures mardi soir et prendra un peu de temps, car nous avons des protocoles à respecter, mais il se fera dans les heures et les jours qui viennent », confirme Thomas Piliszczuk, vice-président du business global chez Soitec. « Etant donné que nous avons aussi plusieurs lignes de production sur ce site, leur redémarrage pourra se faire progressivement, en fonction des priorités et de nos engagements pris auprès de nos clients ».

Pour l’heure, le fabricant de substrats semi-conducteurs n’évoque toujours aucun impact financier ni dégâts matériels suite à cet épisode, et se dit confiant que les livraisons à ses clients pourront être tenues, en s’appuyant notamment sur un stock de production déjà disponible.

Une reprise également chez STMicroelectronics

De son côté, STMicroelectronics, qui dépendait d’un autre poste électrique géré par RTE, comprenant notamment une ligne à très haute tension (220.000 volts), a confirmé le retour d’une alimentation dès mardi matin, et avait alors recommencé à procéder à un « redémarrage progressif des installations ». Selon nos informations, celui-ci serait actuellement toujours en cours. Le groupe, qui emploie près de 3.700 salariés à Crolles, précisait alors que «  tous les systèmes et procédures assurant la sécurité des salariés et des installations ont été déclenchés ».

Aucun élément n’a cependant filtré sur les pertes qui pourraient être générées par cet arrêt brutal de l’alimentation sur site, ni sur d’éventuels retards qui pourraient ainsi être générés, sur des lignes de production fonctionnant habituellement 24h/24, alors même que STMicroelectronics fait face à une très forte demande en matière de composants électroniques et à des objectifs de production ambitieux.

Une source connaissant bien le fonctionnement du site de ST-Micro indiquait au Figaro mardi matin 6 avril l’important travail désormais nécessaire pour redémarrer les installations : « Il va falloir reprogrammer toutes les machines et nettoyer les salles blanches, qui ont été en contact avec de la poussière, à cause de l’arrêt des recycleurs d’air. Ça peut prendre un certain temps. »


Unité de fabrication de semi-conducteurs de Soitec

Des usines de STMicroelectronics et Soitec à l’arrêt après
un incendie de lignes électriques en Isère

L’Usine Nouvelle, 5 avril 2022 (extrait)

Les deux usines de STMicroelectronics à Crolles et trois usines de Soitec à Bernin, près de Grenoble, en Isère, ont subi un arrêt brutal dans la matinée du 5 avril 2022. En cause : l’incendie des lignes électriques haute et moyenne tension sous un pont de l’Isère reliant les communes de Crolles et Bernin, ayant coupé l’alimentation électrique à la plupart des entreprises de la Silicon Valley française du Grésivaudan.

Cet incident intervient après l’incendie d’un centre de transformation électrique de RTE à Froges dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 avril. Les deux sinistres sont attribués à des activistes qui ciblent tout particulièrement STMicroelectronics, une entreprise à laquelle ils reprochent de consommer beaucoup trop d’énergie. L’alimentation électrique a été rétablie, mais la procédure de sécurité a contraint les deux entreprises à évacuer le personnel de production et à mettre les installations techniques (énergie, gaz, produits chimiques…) en sécurité.

Evaluation en cours des dégâts

Selon un communiqué de STMicroelectronics, l’entreprise a enclenché la phase d’évaluation des dégâts et de vérification de l’état des équipements pour un redémarrage progressif de la production. L’industrie des semi-conducteurs est très sensible aux perturbations électriques... Le redémarrage de la production prend du temps car il faut inspecter toutes les machines et les remettre si besoin en état de fonctionner. Ce qui peut prendre des jours, voire des semaines.

Situation similaire chez Soitec où l’équipe de nuit a pu prendre le travail.  » Tout le monde a été mobilisé pour vérifier l’état des machines, changer les cartes électroniques qui ont grillé et les joints abimés, souligne à L’Usine Nouvelle Cyril Menon, directeur des opérations. Tous les lots de production vont être vérifiés et la production va reprendre progressivement. L’enjeu pour nous est de minimiser l’impact de cet incident sur nos salariés, nos clients et l’entreprise.  »

Cet incident tombe mal, à un moment où le monde connaît une pénurie sans précédent de puces, qui pénalise tout particulièrement l’industrie automobile. STMicroelectronics met les bouchées doubles pour accroitre ses capacités de productions à Crolles avec l’ouverture d’une extension Gateway 1 en 2021 et bientôt Gateway 2 et la mise en chantier de Gateway 3. Des projets qui s’inscrivent dans l’objectif du groupe d’augmenter ses capacités de production 15 à 20 % cette année après les avoir accru de 25 % en 2021 selon Jean-Marc Chéry, le président du directoire et directeur général.

Activité très énergivore

Crolles est le site industriel le plus important de STMicroelectronics en Europe, avec plus de 4 300 salariés. La particularité du processus de fabrication de semi-conducteurs et le coût élevé des équipements de production (la moindre machine coûte plusieurs millions de dollars) font que la production ne doit jamais s’arrêter. Les usines tournent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, avec cinq équipes sur le site de Crolles : trois en semaine et deux le week-end. La fabrication de puces est extrêmement énergivore. Le site de Crolles dispose d’une puissance électrique de 25 MW. Le site de Soitec à Bernin est plus modeste avec 1 600 salariés et une puissance électrique d’environ 10 MW.

Cet incident pose le sujet de la sécurité d’alimentation des sites industriels sensibles comme ceux des semi-conducteurs où les coupures de courant peuvent provoquer des dégâts importants, voire des accidents industriels majeurs, et où les usines ne peuvent pas être remises en activité rapidement.  » Cet épisode révèle un point de faiblesse, reconnaît Cyril Menon.La redondance des sources d’alimentation électrique n’a pas suffi à nous protéger car les malfaiteurs s’en ont pris à toutes les lignes d’alimentation électrique. Nos partenaire Enedis et RTE et les collectivités publiques ont pris les mesures nécessaires pour éviter que ce problème se répète. »