Archives de catégorie : Commentaires déplacés

Vincennes : les sabotages s’immiscent dans la fan-zone des J.O. [MàJ]

Situé à deux kilomètres de la capitale, le château de Vincennes est un lieu dont chaque pierre suinte l’oppression. Villégiature par excellence de nombreux Rois de France, puis prison du XVe siècle jusqu’à 1944, ou encore forteresse et arsenal militaire, et depuis 2010 plan-bis en cas d’évacuation d’urgence du Palais présidentiel et de ses larbins (en cas de crue exceptionnelle de la Seine ou d’insurrection gilet-jaunesque), on peut dire que ses murs empestent littéralement l’ordre et la servitude.

Le château de Vincennes, actuellement toujours affecté au ministère de la Défense, était donc assurément le lieu idéal pour que puissent s’exprimer les plus hautes valeurs de l’olympisme. Avec d’un côté une « fan-zone » de 3000 zombies scotchés sur deux écrans (ceux géants qui retransmettent les épreuves et celui de leur laisse électronique), et avec de l’autre l’exposition « Une armée de champions, le sport sous les drapeaux », mettant en lumière deux siècles d’activités physiques et sportives pratiquées par les militaires*. Le tout, sous la bonne garde de 45.000 policiers et 18.000 soldats qui quadrillent Paris à l’occasion de ces J.O., rassurant le monde sur le fait que les trouble-fête nocturnes ne se déplacent qu’en de lointaines provinces (ou dans les colonies comme la Kanaky, serait-on tenté d’ajouter).

Sauf que voilà, cinq jours après que des mauvais joueurs aient incendié une antenne-relais et un nœud internet en Haute-Garonne, cinq jours après qu’une délégation inattendue ait saboté les lignes de trains à grande vitesse reliant Paris aux quatre coins du pays, et moins de 24h après l’attaque coordonnée contre des artères de la fibre optique dans dix départements, les sabotages ont fini par s’immiscer aux portes de la capitale…
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A propos du sabotage coordonné contre le réseau de fibre optique en plein J.O. [MàJ]

Alors que la SNCF commence tout juste à se remettre du sabotage contre le réseau des trains à grande vitesse, les Jeux Olympiques  de Paris 2024 ne semblent pas au bout de leurs peines, puisqu‘un nouveau « sabotage massif » s’est produit la nuit de dimanche à lundi 29 juillet, en frappant cette fois le réseau longue distance de la fibre optique à haut-débit (backbone).

Concrètement, entre 1h et 3h du matin, des autoroutes numériques de la fibre optique ont été volontairement coupées dans au moins dix départements (Ain, Aude, Ardèche, Drôme, Hérault, Bouches-du-Rhône, Oise, Marne, Meuse, Vaucluse), avec de vastes conséquences, puisque la section de ces câbles du réseau longue distance de l’opérateur d’infrastructure SFR a impacté de nombreux autres opérateurs telecoms. Parmi eux, on peut citer notamment Free, Bouygues, Orange (prestataire télécoms des JO de Paris 2024), TDF, OVH, SFR, Netalis, Axione mais aussi Vodafone, British telecom et Colt (opérateur britannique desservant 28 pays européens).

Mardi 30 juillet, l’estimation officielle était ainsi de 195 antennes-relais touchées par ces sabotages, et au moins 17 départements qui avaient éprouvé des problèmes, allant de la coupure internet à une latence plus élevée que d’habitude (dont l’Oise, les Bouches-du-Rhône, la Meuse, la Drôme, l’Aude, l’Hérault, la Seine-et-Marne, l’Essonne, l’Ain, l’Allier, la Vendée, l’Ardèche, la Loire, la Creuse et le Lot-et-Garonne). Et pour illustrer ce que signifie une latence élevée, soit un fort ralentissement de la connexion internet, un geek a publié sur un site spécialisé le trajet effectué par ses paquets de données : « Pour faire Lyon (réseau Orange) <> Roubaix (data center OVH), Les données font : Lyon → Marseille → Singapour → Canada → Londres → Roubaix »…
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Fenouillet (Haute-Garonne) : cinq balles et le compte est bon ?

Fenouillet, nuit du 25 au 26 juillet : incendie de quatre camions-toupie du cimentier Lafarge

Que vaut la vie d’un conducteur de 28 ans, issu de la « communauté des gens du voyage » comme on dit pudiquement dans la presse, et qui tente avec dignité d’échapper à un contrôle policier au volant de son véhicule ? Elle vaut cinq balles tirées par les gendarmes, dont l’une ira traverser l’appuie-tête puis exploser le crâne du jeune gitan. C’est arrivé dans la banlieue nord de Toulouse jeudi 25 juillet, peu après 22h, à Fenouillet. Il s’appelait Maïky et venait du camp de Ginestous, situé à deux pas de là.

Avant d’être déclaré décédé dans la nuit, près de 200 personnes s’étaient immédiatement rendues devant l’hôpital de Purpan, notamment pour savoir si Maïky avait une chance de s’en sortir, et pour attendre la sortie de sa compagne et de leur môme âgée de quelques mois, qui se trouvaient à ses côtés dans la voiture. Non contents d’avoir commis un assassinat de plus, les uniformes réunis en nombre devant l’hosto ont alors tiré des gaz lacrymos sur les proches, pour tenter de contenir la colère montante une fois l’issue fatale connue. Sauf que la vengeance est parfois aussi un plat qui se déguste bien chaud, et que les cibles ne manquent pas : dès la nuit de jeudi à vendredi 26 juillet, c’est le bétonneur Lafarge, dont le site se trouve proche du camp de Ginestous, qui a été attaqué : quatre camions-toupie ont été incendiés en quelques minutes.
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A propos du sabotage coordonné contre les lignes TGV à quelques heures des J.O.

Vandières (Meurthe-et-Moselle), 26 juillet 2024. Les câbles de fibre optique incendiés lors du sabotage coordonné du réseau TGV.

La nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juillet, quelques heures avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, les lignes de trains à grande vitesse (TGV) ont été attaquées dans toutes les directions menant à la capitale. Soit une « attaque massive et coordonnée pour paralyser le réseau », comme l’ont titré de nombreux journaux. Rien que le vendredi, ce sont « 250 000 clients » qui ont été touchés par ces actes de sabotage, et « près de 800 000 sur le week-end », selon la compagnie ferroviaire. « A travers la SNCF c’est un bout de la France qu’on attaque et c’est les Français qu’on attaque » a immédiatement déclaré Jean-Pierre Farandou, le patron de la SNCF, tout en dénonçant les saboteurs comme « une bande d’illuminés, d’irresponsables ». De son côté, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera n’a pu contenir sa colère : « C’est les Jeux des athlètes qui en rêvent depuis des années et qui se battent pour le Graal de monter sur ces podiums, et on va leur saboter ça à eux ! Jouer contre les Jeux, c’est jouer contre la France, c’est jouer contre son camp, c’est jouer contre son pays ».

Carte des sabotages opérés sur les lignes à grande vitesse dans la nuit du 25 au 26 juillet 2024 (Le Monde)

Concrètement, dans le Nord, c’est à Croisilles, près d’Arras (Pas-de-Calais) que le réseau des TGV a été saboté, coupant également le trafic ferroviaire international vers Londres, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. Dans l’Est, c’est en deux endroits distincts qu’il a été coupé : entre la gare de Meuse TGV et Lamorville (Meuse), ainsi qu’entre Pagny-sur-Moselle et Vandières (Meurthe-et-Moselle). A l’Ouest, c’est à Vald’Yerre, près de Courtalain (Eure-et-Loire) qu’il a été coupé, touchant aussi bien la direction vers la Bretagne (Rennes, etc.) que vers la Gironde (Bordeaux etc.). Et sur la ligne Sud-Est (Paris-Lyon-Marseille), c’est à Vertigny (Yonne) qu’a eu lieu une tentative de sabotage, qui aurait échoué après que les saboteurs aient été surpris « par des cheminots qui menaient des opérations d’entretien pendant la nuit », conduisant les gendarmes à mettre la main sur « des engins incendiaires » non-allumés et aussitôt expédiés au labo.

En outre, en banlieue parisienne concernant également le réseau Ouest, un caténaire a été arraché entre la gare Montparnasse et Vanves-Malakoff (Hauts-de-Seine) par un TGV qui a tenté de passer par une ligne plus classique et pas adaptée (la N du Transilien), en aggravant encore la conséquence du sabotage…  ce qui donne pour la SNCF un incident « en lien avec les actes de malveillance commis sur la ligne grande vitesse Atlantique ». Quant au fond, son PDG a déploré « la volonté évidente de couper Paris de ses principales lignes à grande vitesse juste avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques », dans une conférence de presse tenue le samedi 27 juillet. Lire la suite de la synthèse

Grise mine dans les labos de la plaine du Pô…

Sans remonter au vieux débat entre marxistes et anarchistes pour savoir si « les individus sont le simple produit de l’histoire » ou si ce sont à l’inverse « les individus qui font l’histoire », il est un petit jeu de l’esprit auquel certains se sont peut-être déjà adonnés. Non pas celui –certes plaisant– consistant à se demander quel super-pouvoir on choisirait si on pouvait n’en adopter qu’un, mais celui –qui l’est tout autant– de savoir quelle figure du passé on supprimerait volontiers de la surface de la terre grâce à une machine à remonter le temps. Beaucoup citeraient alors probablement le nom de Staline ou de Hitler, tandis que d’autres, plus iconoclastes, n’hésiteraient pas à prononcer celui de nucléaristes prestigieux comme Albert Einstein ou Marie Curie. Sauf que si la catastrophe n’est pas réservée au passé ou cantonnée au futur, mais est bien cet éternel présent où tout devrait continuer de la sorte, on pourrait aussi s’intéresser à quelques êtres humains nés il n’y a pas si longtemps que cela. Question de responsabilités individuelles oblige.

Il y a quatre ans, en pleine pandémie de confinements liés au covid-19, un journal anarchiste publiait un article passé un peu inaperçu, titré « Le Prix Nobel est une ordure » (1), et qui n’est pas sans rapport avec le petit jeu évoqué ci-dessus. Il mettait en avant les co-lauréates du trophée de chimie décerné à Stockholm en octobre 2020, pour la mise au point en 2012 d’un système universel d’édition du génome (« Crispr-Cas9 »), soit rien moins qu’un « outil pour réécrire le code de la vie » dont « seule l’imagination peut fixer la limite de l’utilisation », selon le jury du prix Nobel lui-même. Appelé plus prosaïquement « le couteau suisse du génome », ce Crispr-Cas9 élaboré par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna permet en effet de tailler aisément dans le vif de l’ADN de toutes les espèces vivantes, afin d’en supprimer une portion ou d’en rajouter d’autres, c’est-à-dire de modifier à volonté le patrimoine génétique de n’importe quelle cellule végétale ou animale (2).
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Nouvelle-Calédonie : 17000 kilomètres… et l’insurrection s’étend dans l’archipel

24 juin. Quartier de la Vallée du Tir (Nouméa)

22 000 kilomètres séparent Nouméa de Marseille par voie maritime (via le canal de Panama et Gibraltar), et 17 000 kilomètres éloignent la Kanaky de Paris par voie aérienne. C’est cette distance qu’ont parcourus sept indépendantistes enchaîné.es pendant une trentaine d’heures de vol avant d’être conduits dans plusieurs taules métropolitaines, après avoir été raflé.es le 19 juin par les troupes d’élite de l’Etat français. Alors que l’archipel du Pacifique-Sud est parcouru depuis le 13 mai par une insurrection sociale kanak qui a largement échappé à ses dirigeants politiques, ces sept femmes et hommes (et quatre autres) sont accusé.es d’en être à l’origine à travers la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) *.

Aussitôt connu la « déportation » nocturne par avion militaire des membres de la CCAT, vers une mère-patrie qu’ils conchient et rejettent, inutile de dire que les braises de l’insurrection kanak ont été ravivées de plus belle. La journée de dimanche et les suivantes ont ainsi vu des barrages être (re)montés partout, sans oublier les nombreuses attaques contre les forces de l’ordre ou les incendies qui ont frappé de nouveaux bâtiments institutionnels, commerces ou villas, y compris et de façon notable en dehors du grand Nouméa (c’est-à-dire « en brousse »). De plus, face à cette vague répressive venue la frapper de plein fouet, la CCAT qui a souvent été dépassée par les insurgés ces dernières semaines, a lancé deux nouveaux mots d’ordre dans un communiqué du 23 juin : « les mines [de nickel] resteront fermées », et « nous promettons de fortes perturbations » lors de cette dernière semaine d’élections législatives.
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Nouvelle-Calédonie : deux journées particulières [mis à jour]

Juin 2024. Lycée professionnel Petro Attiti (Nouméa) après son incendie

[Note : article d’hier complété le 21 juin, en rajoutant des infos sur les destructions de collèges, sur les enquêtes judiciaires en cours, sur les tirs d’armes à feu contre les gendarmes, sur les dégâts dans la ville de Nouméa, et sur la poursuite des blocages et affrontements la nuit du 20 au 21 juin…]

Décidément, depuis le début de l’insurrection kanak du 13 mai dernier, le moins que l’on puisse dire, est que si les jours (et les nuits) se suivent, ils ne se ressemblent pas. Alors que certains commençaient à se rassurer sur une baisse de la tension dans l’archipel depuis une semaine, force est de constater que ce n’est absolument pas le cas. Plutôt que de revenir en détail sur tout ce qui s’est passé depuis le dernier article publié ici, nous avons choisi de nous attarder sur deux journées : le 17 juin avec sa rentrée scolaire incandescente, et le 19 juin et ses suites, avec l’arrestation de 11 personnes présentées comme des leaders de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT). En commençant par les événements survenus il y a deux jours.

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Nouvelle-Calédonie : barrages, sabotages et tambouilles politiques

Le week-end dernier, à l’occasion des élections européennes, de nouveaux barrages ont été montés à Nouméa par des insurgés kanak dès la nuit de samedi à dimanche 9 juin, en perturbant fortement ces dernières. Pourtant, l’État avait tout fait pour tenter de préserver un semblant de normalité, quitte à regrouper les 57 bureaux de vote habituels de Nouméa au sein de 6 lieux (et les 296 bureaux des 33 communes du territoire sur 50 sites) ou à avancer l’horaire d’ouverture à 7h du matin. Sauf que dans les quartiers nord du Grand Nouméa, à Dumbéa sur mer, le Pic aux Chèvres, Koutio et Apogoti, les affrontements avec les flics ont repris dès l’aube, la quatre voies Savexpress a été bloquée, et même l’école Robert-Abel (Dumbéa) prévue pour accueillir les votards a été incendiée le 5 juin, suite à l’annonce de son affectation électorale.

De son côté, la maison des jeunes du quartier de Tuband (Nouméa) a cramé la veille du grand cirque, tandis qu’aucun vote n’a pu se dérouler dans les mairies bloquées de Kouaoua (celle où la serpentine de nickel est régulièrement incendiée) et d’Ouvéa (l’île où les militaires avaient assassiné 19 kanak en 1988, puis où les deux dirigeants du FLNKS avaient été tués l’année suivante par un indépendantiste kanak opposé à leur signature des accords de Matignon avec la France).
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Nouvelle-Calédonie : l’insurrection kanak et l’industrie du nickel

13 mai 2024. Le centre commercial « Kenu In » part en fumée dès la première nuit de l’insurrection

Malgré le volontarisme des autorités coloniales françaises, qui annoncent jour après jour à grand renfort de communiqués un retour à la normale, la situation en Nouvelle-Calédonie est loin d’être réglée quatre semaines après le déclenchement de l’insurrection d’une partie de la jeunesse kanak. Et certains signes ne trompent pas, comme le maintien du couvre-feu (18h-6h) au moins jusqu’au 17 juin, la réquisition de stations-service à destination exclusive des flics et militaires qui vient seulement d’être levée le 8 juin, ou encore le fait que l’aéroport international de La Tontouta reste fermé « jusqu’à nouvel ordre ». Seul l’aérodrome de Magenta est de nouveau ouvert aux vols commerciaux depuis le 5 juin, soit aux vols internes à la Nouvelle-Calédonie vers Lifou, Ouvéa et Maré, et près de 500 touristes français sont ainsi toujours bloqués sur l’île depuis trois semaines. Quant au Nord de la Nouvelle-Calédonie, c’est l’armée qui se charge directement de l’approvisionnement (et donc du rationnement et des priorités) des magasins, en gérant les containers qui arrivent par barge jusqu’à Koné.

A l’heure actuelle, malgré la pression des 3500 flics et militaires envoyés sur place, une partie des barrages sont encore remis en place par des insurgés kanak après leur démantèlement, dans les quartiers de Nouméa ou le long de la route de 50 kilomètres qui mène à l’aéroport, sans oublier parfois de les piéger avec des bonbonnes de gaz ou même de préparer quelques surprises-maison pour les bleus : le 4 juin à Dumbéa, un gendarme est par exemple tombé au fond d’une bouche d’égout, en marchant sur des branchages placés dessus afin d’en masquer l’ouverture. « D’une profondeur de 1m20, des fers à béton de 2 mm de diamètre avaient été positionnés au fond à la verticale pour créer des pieux. Le gendarme s’est empalé au niveau d’une jambe et un pieu métallique s’est infiltré entre le gilet pare-balles et le gilet de corps qui a été percé mais sans pénétration, grâce à la plaque en kevlar ».
Au total, sur cet archipel de 270 000 habitants, ce sont 212 policiers et gendarmes qui ont été blessés depuis le 13 mai, mais aussi un nombre important de Kanak que les autorités se refusent officiellement à comptabiliser, mais dont on sait qu’il est important et de façon parfois très grave : plusieurs insurgés ont perdu un œil ou ont les os du visage fracassés suite à des tirs policiers de flash ball, d’autres présentent des blessures par balles et sont dans le coma.

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Nouvelle-Calédonie : l’Etat colonial face aux prisonniers kanak

La prison du Camp-Est à Nouméa, construite sur les vestiges du bagne colonial, dont l’État français a tenu à conserver la chapelle, comme une insulte permanente aux prisonniers…

Trois mois avant l’insurrection kanak de mai 2024, un ministre en décalage horaire annonçait fièrement son nouveau projet, évidemment indispensable à l’archipel du Pacifique Sud, assurant même qu’ « avec un budget estimé à 500 millions d’euros, il s’agira du plus important investissement public jamais réalisé en Nouvelle-Calédonie ». Mais quel pouvait bien être l’objet de ce déluge monétaire d’une ampleur sans précédent, en tout cas depuis l’accord de Nouméa, signé en 1998 entre l’État français, les loyalistes et les partis indépendantistes ? Eh bien, rien moins que la construction d’une future prison de 600 places sur la presqu’île de Ducos, avec une mise en chantier en 2028 pour une livraison prévue en 2032. Cette annonce du ministre de la Justice en date du 22 février dernier, a été faite lors de son inauguration du centre de détention de Koné, situé en province Nord, un an après sa mise en service et 56 millions d’euros de travaux (pour 120 places). « En Kanaky, l’Etat investit pour votre avenir carcéral », a donc été le message sans ambiguïté distillé par Éric Dupond-Moretti, quelques mois à peine avant le vote au Sénat d’une nouvelle loi électorale visant à pérenniser la colonisation de l’île. Celle qui allait déclencher émeutes, barricades, pillages et incendies sur fond de misère et de relégation de la jeunesse kanak urbanisée.

Pourtant, en Nouvelle-Calédonie, il existe déjà une grande prison : celle de Nouville, construite –ô surprise – sur les vestiges du bagne colonial, et plus communément appelée le « Camp-Est » depuis ce temps pas si lointain.
Car la Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement basée sur la spoliation foncière et la mise en « réserves autochtones » des Kanak concomitante à l’importation massive de colons et de bagnards européens, a ainsi vu passer entre 1864 et 1931 près de 21 600 « transportés » (condamnés aux travaux forcés), qui devaient ensuite doubler leur peine en étant placés dans des fermes pénitentiaires et, une fois libérés, obtenaient une terre en concession pénale arrachée aux populations kanak. Mais également 3 300 hommes et 460 femmes « relégués », suite à la loi de 1885 entraînant l’internement à perpétuité des condamnés récidivistes de métropole sur le sol d’une colonie. Ainsi que plus de 4000 « déportés » (condamné.es politiques), envoyés sur l’archipel suite à la Commune de Paris de 1871, aux différentes insurrections kabyles de 1864 à 1882 contre l’occupation française en Algérie, sans oublier les insurgés de Hanoï en 1913 contre l’occupation française au Vietnam, ou Cheikou Cissé, un ancien tirailleur arrêté à Dakar en 1917 pour « excitation à la guerre civile » (soit auto-organisation contre l’occupation française au Sénégal), déporté de 1924 à 1931 au bagne de Nouvelle-Calédonie, avant de finir tristement ses jours dans celui de Guyane.
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En Kanaky, rien n’est fini… [mis à jour]

Vendredi 24 mai, dans une Nouvelle-Calédonie placée sous état d’urgence depuis plus d’une semaine par l’Etat colonial français, alors que les autorités mettent inlassablement en avant le lent démantèlement des barrages tenus par des insurgés kanak et le retour à l’ordre à l’aide de l’armée et des troupes d’élite (GIGN, RAID), la situation n’est pas revenue à la normale, loin s’en faut. A titre d’exemple, l’ensemble des vols commerciaux sont annulés depuis le 14 mai et le resteront au moins jusqu’au 2 juin, afin de laisser la priorité de l’aéroport international de La Tontouta aux militaires, aux flics, et à la gestion administrative de l’approvisionnement de l’île, tandis que toutes les écoles ont été fermées sur ordre le 19 mai, avec une rentrée qui n’est pas prévue avant le 17 juin. De la même façon, toutes les visites des proches aux 133 patients de la clinique de Nouville restent interdites depuis 10 jours. Après un premier bilan (imagé) des destructions en cours paru ici il y a quelques jours, voici un nouveau point de la situation, forcément partiel.

Selon le Haut-Commissaire –équivalent du préfet, dont le titre jusqu’en 1981 était officiellement celui de « gouverneur »–, 115 policiers et gendarmes ont été blessés depuis le 12 mai (dont trois BAC gravement, lors d’une intervention contre des émeutiers qui pillaient une armurerie, et qui ont dû être évacués vers un hôpital parisien), et 2 gendarmes ont été tués : l’un à Plum le 15 mai alors qu’il était au volant d’une voiture de patrouille en intervention, et le second le 16 mai, par le tir de mitrailleuse d’un collègue alors qu’ils étaient en train d’équiper un véhicule blindé pour partir en mission. Officiellement, 281 personnes ont aussi été placées en garde-à-vue, et 18 incarcérées.
Enfin, un Caldoche a été tué depuis le début du soulèvement (lors de son attaque armée contre un barrage kanak le 18 mai à Kaala-Gomen, au nord de la grande île), mais aussi quatre Kanak : Jybril Salo, un étudiant de 19 ans tué d’une balle dans le dos le 15 mai par des colons loyalistes, sur un barrage dans le quartier de Tindu à Nouméa. Deux autres Kanak, Chrétien Neregote (36 ans) et une jeune femme, Nassaïe Doouka (17 ans), tués chacun.e d’une balle dans la tête le 20 mai dans le quartier de Ducos, tirées par un gérant d’entreprise alors qu’ils tentaient de voler un véhicule dans son entrepôt. Auxquels il faut désormais ajouter ce Kanak de 48 ans, assassiné vendredi 24 mai dans le quartier de Koutio (Dumbéa), abattu par un flic hors service qui tentait de forcer un barrage. « L’ordre républicain sera rétabli en Nouvelle-Calédonie quoi qu’il en coûte », avait déclaré il y a quelques jours le Haut-Commissaire Louis Le Franc, en présence du commandant des forces de gendarmerie et du directeur de la police territoriale…

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Pößneck (Allemagne) : « mieux vaut commettre un désordre… »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la petite bourgade de Pößneck, située à une trentaine de kilomètres au sud de la ville de Jena (dans la région de Thuringe), n’est pas connue pour ses frasques.

A l’inverse de sa petite sœur, les murs de Jena ont par exemple subi au fil des siècles la fureur des paysans révoltés qui, entre 1524 et 1526, détruisirent et pillèrent des centaines de châteaux et d’édifices religieux au sein du Saint-Empire romain germanique. Cette insurrection, nommée « Soulèvement de l’homme ordinaire » (Erhebung des gemeinen Mannes) ou plus simplement « Guerre des paysans » à la suite de l’étude de Engels, déchaîna jusque l’ire du pape du protestantisme, Martin Luther, qui conseilla à la noblesse de massacrer les 300 000 gueux insurgés jusqu’au dernier. Ce qui donne pour tout remède dans son pamphlet, titré Contre les hordes de paysans voleurs et assassins (mai 1525) : « Que tous ceux qui le peuvent frappent, tuent et poignardent, secrètement ou ouvertement, en se rappelant qu’il n’y a rien de plus empoisonné, de plus nuisible ou de plus diabolique qu’un rebelle. C’est comme lorsqu’il faut tuer un chien enragé : si vous ne le frappez pas, il vous frappera, et tout un pays avec vous. »

Mais de nos jours, la bonne ville de Jena est surtout connue dans les manuels de la domination comme ayant été l’un des berceaux du romantisme allemand, dont l’université a vu passer Goethe et de prestigieux enseignants comme Fichte, Schiller ou Hegel, sans parler d’un célèbre étudiant, Karl Marx, qui y a terminé son doctorat de philosophie en 1841. Un peu plus tard, c’est aussi là que Ernst Haeckel, eugéniste patenté et inventeur du terme « écologie » en 1866 (auquel l’anarchiste Elisée Reclus lui préférait celui de « mésologie ») fit toute sa carrière. Sauf qu’il serait dommage d’en rester au ciel universitaire des idées bourgeoises de la Jena du 19e siècle, sans évoquer une autre révolte plus méconnue qui a fait redescendre la ville sur terre.
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San Francisco (Etats-Unis) : à l’assaut des robots-taxi !

Los Angeles (Etats-Unis), 10 février 2024 : le robot-taxi autonome de Waymo (Google) pris d’assaut puis incendié lors du Nouvel An lunaire

Que leurs concepteurs les nomment « robot-taxi », « voiture auto-pilotée » ou « taxi autonome sans conducteur », ce qui est certain est qu’ils sont en train de se multiplier dans les rues de Californie depuis quelques temps. Initialement autorisés dans cet État nord-américain en février 2022 avec toutefois un « chauffeur de sécurité » à bord pour reprendre le contrôle en cas de gros pépin, ces véhicules électriques sans conducteur ont finalement reçu l’autorisation de circuler tous seuls en août 2023. Deux opérateurs ont alors envahi les rues de San Francisco avec 600 robots-taxis, Cruise (filiale de General Motors) et Waymo (filiale de Google, plus précisément de sa maison-mère Alphabet), en les faisant tourner de jour comme de nuit pour réaliser des trajets à réserver et payer sur smartphone.

Afin de rassurer les braves citoyens tout en assurant les profits de la techno-industrie, le régulateur californien publie régulièrement des rapports d’incidents en contrepartie de ses autorisations de circuler, indiquant par exemple qu’au cours des cinq premiers mois de 2023, il en avait enregistré plus de 240 à San Francisco, au cours desquels un véhicule de Cruise ou de Waymo « aurait pu créer un risque pour la sécurité » (des piétons, cyclistes et autres véhicules). Mais comme il ne faut pas exagérer, ces deux entreprises peuvent en même temps conserver au chaud les chiffres à propos des accidents réellement causés par leurs voitures sans conducteur, cette fois au nom du sacro-saint « secret commercial ».

Sauf que voilà, le réel, plus sensible que les plans d’ingénieurs et les rapports de bureaucrates, plus réceptif que des capteurs motorisés dirigés par Intelligence Artificielle, a fini par rattraper les pontes du progrès à tout prix.
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Houdeng (Belgique) : se servir dans les entrepôts de l’ennemi

Houdeng-Goegnies : un hangar de la douane incendié et des armes volées
RTBF/RTL (Belgique), 18 décembre 2023

Le dépôt des douanes de Houdeng (La Louvière), sur le site de Garocentre, a été la cible d’un incendie dimanche matin. Le parquet de Mons a confirmé ce lundi l’origine criminelle de l’incendie du bâtiment, évoquée dans la presse locale, ainsi qu’un vol avec effraction.

Les individus sont entrés via un grillage. Ils ont ensuite disqué la porte sectionnelle. Le hangar a été incendié. Plusieurs véhicules du service des douanes se trouvant à l’intérieur ont été retrouvés calcinés. Des armes, notamment, ont également été dérobées, ajoute le parquet. Il reste à préciser si ces armes étaient le fruit de saisies ou si elles étaient propriétés des douanes.

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Meuse : la tradition du relai de la flamme enfin reconnue

[Article repris du site Manif-Est, 7 décembre 2023. Note : nous avons ôté le lien cliquable vers le site du Ministère des sports]

On a dit beaucoup de mal des Jeux Olympiques – à juste titre – et ce depuis longtemps. C’était déjà de la merde à Londres et à Rio, à Albertville ou à Pékin, c’était déjà le lieu de l’exaltation des nationalismes à Berlin en 1936 et il y a fort à parier qu’on aurait même trouvé ça nul dans la Grèce antique. Pourtant, force est de constater que le Comité olympique n’est pas toujours dépourvu de bon sens et qu’il sait reconnaître, apprécier et valoriser les coutumes locales. Il en va ainsi de la venue prochaine de la Flamme olympique dans le sud du département de la Meuse.

Le 29 juin 2024, le « Relai de la flamme » traversera en effet nos verdoyantes campagnes. On pourrait légitimement se demander pourquoi. C’est vrai qu’un événement de moins d’une journée dont le coût (à la charge du département) excède le budget annuel du Conseil général pour le sport, ça peut sembler surprenant. Et puis quand on pense à la Meuse, on ne pense pas directement à l’athlétisme ou au lancer de javelot, encore moins au tennis ou au breakdance (oui, c’est un sport olympique désormais). Certes, la pédale de bicyclette a été inventée à Bar-le-Duc mais ça ne peut pas suffire pour labelliser tout ça « Terre de Jeux ».

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