Archives de catégorie : Colombie

Un mois de révolte incendiaire en Colombie

Tuluá (Colombie), 25 mai : Beau comme un tribunal ravagé par les flammes de la colère

En Colombie, la révolte qui s’est emparée des rues depuis le 28 avril dernier, soit maintenant plus d’un mois, ne semble pas près de s’arrêter. Le président conservateur Iván Duque, dont le mandat s’achève en 2022, a bien tenté nombre de manœuvres classiques pour apaiser les émeutiers, mais rien n’y a fait : ni la suspension de la réforme fiscale qui en avait été l’étincelle initiale (comportant par exemple une hausse de la TVA de 5 à 19 % sur les biens de base), le 2 mai ; ni la démission du ministre des Finances qui l’avait portée, le 3 mai ; ni l’ouverture de négociations avec le Comité national de Grève le 10 mai (suivie  d’un pré-accord le 24 mai en cours de validation) ; ni le rejet par le Congrès du projet de loi sur la réforme du système de santé qui se calquait sur le modèle libéral nord-américain (ce rejet était demandé par de nombreux manifestants), le 19 mai ;  ni quelques miettes lâchées à des catégories particulières, comme l’extension de la gratuité de l’université pour les plus pauvres pendant… un semestre, ce qui n’a pas calmé les étudiants ; ni bien entendu la terreur policière contre les protestataires.

Dans un contexte colombien marqué par la pauvreté et l’économie informelle, le chantage gouvernemental des confinements et du couvre-feu contre la propagation du covid-19 ne fonctionne pas non plus depuis un bail pour empêcher les manifestants de se regrouper en masse, si bien que le gouvernement a même officiellement levé nombre de restrictions le 19 mai, qui n’étaient de toutes façons pas respectées (le couvre-feu étant toutefois maintenu avec un objectif anti-émeute à Medellin et Bogota, et tout le week-end à Santa Marta et Carthagène). Depuis un mois, ce sont ainsi blocages de rue et barrages routiers qui parsèment l’ensemble du pays, avec des manifestations et rassemblements plus tranquilles en journée (près de 10.400 en un mois), souvent suivis d’émeutes, de pillages et saccages à la nuit tombée.
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Colombie : septième jour d’émeutes malgré la répression

Colombie, Beau comme un des 25 comicos de quartier cramés la nuit du 4 mai

Au septième jour des manifestations antigouvernementales dans les principales villes de Colombie (Cali où la mobilisation – et la répression – est la plus intense, Bogotá, Medellín, Barranquilla, Bucaramanga, Manizales, Ibagué, Pasto), plusieurs journaux locaux parlent de la nuit du mardi 4 mai comme l’une des plus tendues depuis le début, notamment dans la capitale Bogotá, bien que le président conservateur Iván Duque Márquez ait retiré partiellement son plan d’augmentation des taxes (dont la hausse de la TVA) qui avait été l’étincelle des protestations le 28 avril. A présent que le sang a coulé, beaucoup demandent la démission du Président élu (en 2018) et pas seulement de son ministre des Finances, tandis que les plus pauvres saisissent l’occasion pour détruire et saccager les structures immédiates de l’Etat et du capital (à commencer par les postes de police et les bus, ou encore officiellement 313 établissements commerciaux et 94 banques). Si en journée se déroulent d’immenses manifestations (121 blocages, 59 rassemblements et 93 marches à travers tout le pays, mardi, dans 268 municipalités de 27 départements) lors d’une série de grèves générales qui en est à une semaine, les affrontements, pillages et surtout les destructions incendiaires en soirée ne cessent pas.
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Colombie : ni le covid ni le confinement ne freinent les émeutes

Colombie : Au moins 17 morts et plus de 800 blessés lors des manifestations contre la réforme fiscale
20Minutes/AFP, 3 mai 2021 (extrait)

Au moins 17 personnes sont mortes et plus de 800 autres ont été blessées en Colombie lors de violences en cinq jours de manifestations contre un projet de réforme fiscale du gouvernement de droite, ont annoncé les autorités lundi.

Selon un bilan du Défenseur du peuple, entité publique de protection des droits humains, 16 civils et un policier sont décédés lors de ces manifestations qui ont débuté le 28 avril. Le ministère de la Défense a fait état de 846 blessés, dont 306 civils. En outre, 431 personnes ont été interpellées au cours des troubles qui ont émaillé certaines des manifestations, pour la plupart pacifiques, et le gouvernement a ordonné le déploiement de l’armée dans les villes les plus affectées. Plusieurs ONG ont accusé la police d’avoir tiré sur des civils.

Le ministre de la Défense, Diego Molano, a fait état de dégâts causés à 313 établissements commerciaux, 94 banques, 69 stations de transports publics, 36 guichets bancaires automatiques et 14 péages routiers. [Au 3 mai, officiellement 41 stations du système de transport TransMilenio de Bogotá avaient en outre été saccagées, soit un quart de l’ensemble, tandis que 378 des 2357 bus rouges de la capitale avaient été endommagés].


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Bogotá (Colombie) : l’émeute continue à s’emparer des rues

La banque BBVA fumante dans les rues de Cali

Jeudi 10 septembre, la journée a commencé avec le bilan officiel de la première nuit d’émeute, annonçant douze manifestants tués par la police (9 à Bogotá, 3 à Soacha) plus une par accident, sans parler des 379 blessés et hospitalisés, dont 72 par balles. Beaucoup ont alors glosé sur une police militarisée (elle dépend du ministère de la Défense) dont la culture s’est forgée dans la lutte contre la guerilla et les narcos, et qui s’est comportée cette nuit-là en traitant les manifestants comme des ennemis de l’intérieur, c’est-à-dire en leur tirant dessus, révélant finalement ce qui peut se passer dans n’importe quel pays du monde lorsqu’elle est directement attaquée ou se trouve face à une situation potentiellement insurrectionnelle.
Après les 53 postes de police avancés (Comandos de Acción Inmediata, CAI) – qui abritent chacun une douzaine de flics- attaqués et incendiés mercredi nuit en grande partie à Bogotá, tout le monde se doutait bien que les infrastructures policières seraient à nouveau la cible principale de la rage émeutière ce jeudi.
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Bogotá (Colombie) : l’énième assassinat policier ne passe pas… [mis à jour]

Mercredi 9 septembre au matin, la population de Bogotá apprenait la mort de Javier Ordóñez, un avocat et chauffeur de taxi de 45 ans tout ce qu’il y avait de plus ordinaire (père de famille, sans antécédents, etc.). Décédé officiellement juste après son admission aux urgences, il venait d’y être emmené par les flics après un passage au comico, suite à une interpellation par deux de leurs collègues en moto qui lui ont administré au sol pas moins d’une douzaine de coups de Taser prolongés, malgré ses supplications d’arrêter et devant les cris d’autres passants indignés munis de téléphones portables (c’est-à-dire filmant l’horreur d’un assassinat policier par électrocution en direct tout en n’intervenant pas pour y mettre fin). La circulation de cette vidéo d’un énième abus policier en pleine rue –les agents étaient intervenus au départ pour dresser une amende au prétexte de « consommation nocturne d’alcool dans la rue, en violation des mesures anti-covid»– suivi de la mort de son protagoniste quelques heures plus tard après « complications médicales au commissariat», a créé l’étincelle déclenchant des émeutes toute la nuit de mercredi à jeudi 10 septembre.
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