Gare aux drones d’Altametris !


«Un œil supplémentaire sur le réseau» : comment la SNCF
se sert des drones pour surveiller ses voies ferrées
Le Figaro, 3 mai 2025


Le rendez-vous est donné à 23h
au milieu de nulle part, dans un lieu tenu secret. Là, à la veille des grands départs en week-ends prolongés, la SNCF organise une opération de surveillance un peu spéciale, à l’aide d’un drone, au carrefour de plusieurs lignes à grande vitesse. Du matériel de haute qualité qui s’apparente à un petit avion, capable de voler à plus de 100 mètres au-dessus du sol et à plus d’une dizaine de kilomètres de son pilote, le rendant invisible même pour les yeux les plus aiguisés. Doté d’un capteur thermique et capable de voir «comme en plein jour» malgré la nuit avancée, il peut ainsi repérer le moindre intrus mais aussi vérifier le bon état des caténaires et autres installations techniques. «L’avantage du drone est de pouvoir surveiller une grande zone en très peu de temps et d’éventuellement y détecter des choses anormales», explique le directeur général exécutif Projets, Maintenance et Exploitation de SNCF Réseau Olivier Bancel.

L’objectif de cette opération ? Prévenir le moindre risque en cette période tendue mais surtout communiquer sur la capacité de la SNCF à s’emparer des nouvelles technologies pour protéger ses plus de 28.000 kilomètres de voies ferrées. Sous nos yeux, l’exercice débute peu avant minuit et le drone s’envole. À quelques mètres de là, l’appareil repère une voiture banalisée présente aux alentours d’un point névralgique de la SNCF qui n’a, à première vue, rien à faire là. Au sol, le télépilote indique cette présence inquiétante à la sûreté ferroviaire, qui prend immédiatement le relais et envoie une équipe procéder aux vérifications. Cinq minutes plus tard, le verdict tombe : «tout va bien». «Fin de l’exercice pour nous», lance l’agent de la sûreté ferroviaire Sébastien Conseil, chef d’équipe pour la soirée. S’il s’agit d’un simple exercice pratique, la SNCF assure procéder à «des levées de doute quasiment à chaque sortie de drone».


Une surveillance essentielle

Les moyens alloués à cette surveillance sont coûteux – la SNCF n’a pas souhaité dire combien – mais inestimables, car les risques sont pluriels : du vol de cuivre ou de câbles en passant par le sabotage, tout est envisagé. Et s’il n’y a rien à craindre en ce qui concerne la sécurité des voyageurs, nous promet-on, il n’en demeure pas moins que ces détériorations peuvent avoir des conséquences très graves sur la circulation des trains. L’été dernier, à quelques heures de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, la SNCF faisait l’objet d’une «attaque massive» perturbant fortement la circulation de ses trains sur les axes Atlantique, Nord et Est. Des incendies coordonnés touchant des «points névralgiques» et affectant environ 800.000 voyageurs. Le même jour, un acte de malveillance avait en revanche été déjoué sur la LGV Sud-Est par des cheminots qui menaient des opérations d’entretien pendant la nuit.

Mais le réseau n’est pas seulement surveillé par ces petits objets volants, tient à souligner Olivier Bancel.

«Nos installations sensibles sont équipées de clôtures, d’alarmes, de fibres optiques et de caméras, des inspections sont également menées au sol par nos équipes de maintenance, sans parler du travail effectué par la sûreté ferroviaire», énumère-t-il. Autre inspection réglementaire : le passage quotidien d’un train à vide, doté de caméras et capable de réaliser certaines mesures géométriques, tous les matins avant l’ouverture de la ligne à grande vitesse. «Des routines systématiques qui peuvent être renforcées en cas de besoin», précise le directeur général exécutif. «La surveillance s’est intensifiée il y a 10 ans grâce aux drones, parce qu’ils présentent un avantage incomparable pour réaliser des rondes sur une grande distance le long des voies et sont très complémentaires des autres dispositifs existants», explique-t-il, assurant que le groupe SNCF a été «précurseur en la matière» en développant une filiale dédiée : Altametris.

Les drones au service de la collecte de données

Un travail essentiel, alors que la SNCF est victime d’environ 10.000 intrusions par an, pointe Olivier Bancel, pour qui «toute intrusion est un risque». «Elle n’est pas forcément synonyme de malveillance, mais elle peut constituer un risque et nécessite certaines mesures d’urgence comme le ralentissement de la circulation des trains», poursuit-il. Et d’assurer qu’en cela, les drones sont «un œil supplémentaire sur le réseau». L’appui à la sûreté ferroviaire n’était pourtant pas la mission première de ces petits outils technologiques, qui – à l’origine – avaient été développés afin d’inspecter et cartographier le réseau.

«Nous avons une flotte d’environ 200 drones, dont la majorité est mise à la disposition de la SNCF. Elle permet à la fois de surveiller la faune sauvage mais aussi les défauts éventuels du réseau, mais notre cœur de métier, c’est la collecte de données», retrace Alexis Meneses, directeur de la stratégie d’Altametris. Au quotidien, une cinquantaine de personnes travaillent dans cette filiale, munie de drones de toute taille, dont certains ont été imaginés pour se rendre dans les zones escarpées, le long de parois rocheuses ou dans toute autre zone inaccessible aux agents comme certains ponts ou tunnels. Les parois rocheuses de Le Trayas, dans le Var, avaient ainsi été modélisées en 3D avec précision. De quoi améliorer la sécurité du personnel, réduire les coûts des opérations et accroître la qualité du suivi de l’état du réseau.