
Dans l’ombre des bombes
Alors que des dizaines de milliers de personnes sont réduites en poussière à Gaza, les États occidentaux continuent à fournir les armes, le financement et la couverture diplomatique nécessaires à l’armée israélienne pour continuer son massacre.
Tout en condamnant hypocritement l’infanticide de masse et le bombardement des hôpitaux, ils vendent à Israel l’arsenal le plus moderne, sachant parfaitement qu’il sera utilisé à cette fin.
Depuis toujours, l’État hébreu est une garnison et un avant-poste occidental au Moyen-Orient. La raison à cela est vite dite. Avec la moitié des réserves mondiales de pétrole, le canal de Suez et de multiples flux énergétiques, on se rend compte de l’incroyable frottement de force qui traverse la zone.
Si les palestiniens sont littéralement enterrés sous le poids de la géopolitique des États, c’est le cas aussi des ukrainiens. Pris dans le premier conflit direct entre la Russie et l’OTAN, l’Ukraine est sacrifiée aux intérêts des puissants pour le contrôle de ressources et de zones d’influences.
En ce sens, le conflit au Moyen-Orient, tout comme la guerre en Ukraine, sont à certains égards des fronts différents de l’affrontement plus large, entre blocs d’États capitalistes, pour la répartition du monde.
Un affrontement qui relie en ligne droite les ghettos technologiquement surveillés de Gaza aux méga-usines de puces électroniques ; les drones connectés ukrainiens aux mines d’extraction des terres rares ; ou les bombardiers brûlant 12 000 litres de kérosène à l’heure au smartphone que nous avons la poche.
Nous savons que la guerre des États ‒ dans laquelle ne meurent que les exploités ‒ est toujours une source de profits vertigineux pour l’industrie de l’armement. Et ce qui vaut pour cette industrie vaut pour n’importe quelle autre : il faut produire toujours plus, augmenter le débit de consommation de ses produits, en faire la promotion aux consommateurs potentiels, développer de nouveaux modèles…
Voilà pourquoi la guerre est chaque fois aussi un laboratoire grandeur nature. « En obtenant le label “testé sur le terrain″, les start-ups [de l’armement] se retrouvent avec des produits plus compétitifs sur le marché » déclarait en 2022 Volodymyr Havrylov, ancien ministre ukrainien de la défense.
Cela est particulièrement vrai dans le cas de la techno-industrie israélienne. En effet, tout ce qu’elle exporte, elle l’expérimente de manière permanente sur les corps et sur les vies des palestiniens, à quelques kilomètres à peine de ses centres de recherches, de ses sièges d’entreprises, de ses universités.
Aujourd’hui comme hier, la course à l’innovation technologique est l’un des aspects fondamentaux des guerres en cours. L’activité des principales institutions académiques trouve son accomplissement direct sur le champ de bataille, tel que le système d’IA Évangile, utilisé par l’armée israélienne pour le ciblage des frappes aériennes sur Gaza.
Alors qu’en Ukraine, l’utilisation massive de drones serait impossible sans les entreprises de la high tech, qui permettent les communications et la géolocalisation.
C’est précisément à partir de cette conscience des mille ganglions, disséminés sur le territoire, qui assurent le fonctionnement de la machine de guerre que nous pouvons comprendre quoi faire ici.
Il est nécessaire de recommencer à sentir la forte nécessité d’arrêter les armements, de mettre des obstacles réels à la dissémination de la mort. ‒ Redécouvrir les manières de frapper les faiseurs de guerre à partir de chez nous. ‒ Attaquer toute la filière, de la plus évidente qui produit et vend des armes, à la moins évidente mais non moins importante qui conçoit et finance les technologies militaires.
[Affiche trouvée sur Indymedia Nantes, 7 mars 2025]