[Reçu par mail, 22 mars 2025]
Jack Déjean, Merci de ne pas allumer la lumière, mais de couper le courant… La science contre Trump (et inversement) ? , mars 2025, 5 pages A4
Merci de ne pas allumer la lumière, mais de couper le courant…
La science contre Trump (et inversement) ?
« Croire que tout est permis parce qu’on croit que tout est possible, c’est la conclusion cynique du délire de volonté de puissance attisée chez des cerveaux faibles par un ou deux siècles de révolution industrielle – destructrice de toutes les ressources énergétiques du monde et des forces les plus intimes de l’humanité », Prudhommeaux.
Depuis que Donald Trump est arrivé au pouvoir pour un second mandat de président de la plus grande puissance mondiale, il ne lésine pas pour attaquer sur tous les fronts. Tout y passe : mesures contre l’avortement, les LGBT, les exilé-es, la protection des milieux naturels, etc. On a même eu droit au renouvellement de la diplomatie musclée, cherchant à obliger le président ukrainien à refiler ses minerais précieux contre des armes. Non pas que ça ne se passe pas toujours comme ça, mais c’est en général de manière discrète dans des salons feutrés, tout l’inverse du style Trump. Et que dire des menaces à peine voilées de coloniser le Groënland, Panama, et pourquoi pas le Canada, le Mexique ou même Gaza, qu’on rêve de transformer opportunément en lieu de villégiature pour riches, bronzant sur les cadavres encore chauds ?
Bien moins discutée, mais immédiatement meurtrière, la coupe de 92% du budget de l’Agence d’aide au développement des Etats-Unis, soit plus du tiers du budget mondial de l’aide humanitaire. Concrètement, ça veut dire des camps de réfugiés qui ferment, des distributions alimentaires et de médicaments qui sont coupées et des gens qui crèvent. Un exemple des conséquences : l’arrêt de l’accès au traitement contre le VIH, donc des malades, des morts et une reprise annoncée de l’épidémie, tout particulièrement en Afrique. Qu’importe, puisqu’il s’agit du surnuméraire : des personnes considérées comme superflues pour Trump et sa clique, abreuvés aux théories du darwinisme social et persuadés que l’essor de l’humanité passe par la survie des plus aptes – c’est-à-dire
des plus riches.
Mais c’est en ce moment une autre cible de ses attaques qui fait le plus réagir. Qu’on s’en prenne aux pauvres et aux hérétiques, c’est une chose, mais à la science ? A la recherche ? Aux universitaires ? Là, ça gueule ! De fait, Trump y va frontalement. Des livres, jugés trop ‘’woke’’, sont interdits dans les bibliothèques et écoles de plus en plus d’Etats. C’est le cas par exemple de La servante écarlate de Margaret Atwood, ou encore de Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Des données sur des sujets aussi divers que la biodiversité, le SIDA ou le transgenre sont aussi tout simplement effacées des sites des agences publiques.
Des licenciements de chercheurs et chercheuses d’agences publiques sont en cours, comme ceux d’une équipe de la NASA travaillant en collaboration avec le GIEC sur le réchauffement climatique. Un thème qui ne sied guère au gouvernement Trump. Les coupes budgétaires pour nombre de recherche, que ce soit en sciences sociales, sur les milieux naturels, le climat ou la santé, se multiplient. L’université de Columbia, bastion de la contestation contre les frappes israéliennes à Gaza en 2023, s’est faite supprimer 400 millions de dollars de subventions. Le gouvernement Trump considère que ses autorités ont manqué de réaction face à des actes jugés antisémites.
Il n’en faut pas plus pour que des tas d’intellectuels, universitaires,
politiques et militants de par le monde nous rejouent l’opposition des Lumières contre l’obscurantisme. Le 18 mars 2025, un appel à accueillir les réfugié-es scientifiques états-uniens et à créer un fonds spécial est même publié dans le journal Le Monde. Pour certains et certaines, ça sent l’opportunisme, les futurs retours sur investissement et titres honorifiques, mais la plupart des signataires est engluée dans l’idéologie de la sauvegarde de la science, proclamée guide de l’humanité. Evidemment, Trump élu avec l’appui des fanatiques du suprémacisme blanc et de l’évangélisme incarne assez bien l’obscurantisme. Il n’empêche qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans cette opposition qui ressemble surtout à un conflit entre deux fractions de la bourgeoisie : l’une qui n’hésite pas à voter écolo et participer à la Gay Pride, l’autre qui revisite les tréfonds racistes et misogynes de l’essor du capitalisme. Mais l’une et l’autre s’entendent à merveille pour maintenir un ordre social hiérarchique et basé sur le pognon. Ils s’entendent aussi pour s’appuyer sur l’idéologie du progrès et les innovations technologiques permises par la science moderne. Trump n’est pas contre la science, seulement contre les savoirs et connaissances qui le desservent.
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