Données personnelles: le comité de l’Éthique convié à
une réunion d’urgence
Journal du Québec, 10 janvier 2022 (extrait)
Le comité parlementaire fédéral de l’Éthique se réunira d’urgence cette semaine pour discuter des questions entourant la collecte de données personnelles de géolocalisation par Santé Canada.
Durant la période des Fêtes, Santé Canada a confirmé qu’il s’est servi des données de géolocalisation de 33 millions d’appareils cellulaires pour mieux mesurer et évaluer les impacts des mesures sanitaires, comme le confinement et le couvre-feu de l’année dernière, sans en avoir fait part au public.
Le 17 décembre dernier, quelques jours avant cette révélation, le gouvernement publiait un appel d’offres pour trouver une entreprise en mesure de lui fournir les données de géolocalisation des Canadiens pour «contribuer à la réponse à la pandémie de COVID-19».
33 millions de cellulaires tracés par la santé publique pendant
le confinement
Journal de Montréal, 27 décembre 2021
L’Agence de la santé publique du Canada a admis, la semaine dernière, avoir eu accès aux données de localisation de 33 millions d’appareils mobiles pendant le confinement.
«En raison de l’urgence de la pandémie, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a collecté et utilisé des données mobiles, telles que des données de localisation de tour cellulaire, tout au long de la réponse à la COVID-19», a déclaré un porte-parole de l’ASPC au «National Post». En mars dernier, l’Agence a attribué un contrat au programme Les données au service du bien commun mis sur pied par Telus pour fournir des «données anonymisées et agrégées» afin de «comprendre les liens possibles entre les mouvements de populations au Canada et la propagation de la COVID-19», a-t-il précisé.
«Depuis avril 2020, en réponse à la pandémie de COVID-19, les autorités sanitaires et des chercheurs universitaires se servent de données soigneusement dépersonnalisées et d’analyses poussées provenant de la plateforme Insights de TELUS pour aider à freiner la propagation du virus sans porter atteinte à la vie privée des Canadiens», explique d’ailleurs l’entreprise de télécommunications sur son site internet, en plaidant que ces données «jouent un rôle crucial pour aider les décideurs des secteurs privé et public à gérer plus efficacement la pandémie actuelle et celles à venir».
Le contrat entre l’ASPC et Telus a expiré en octobre, si bien que l’Agence n’a plus accès aux données de localisation, a ajouté le porte-parole.
COVID-19 : Ottawa veut connaître la localisation des téléphones jusqu’en 2023
Radio-Canada, 22 décembre 2021 (extrait)
Les données de déplacement de votre téléphone comme arme contre la COVID-19. C’est l’outil dont veut se doter l’Agence de la santé publique du Canada, selon un appel d’offres récemment publié, consulté par Radio-Canada. Le gouvernement assure que les informations collectées seront anonymes et respecteront la vie privée.
La santé publique fédérale cherche un entrepreneur qui pourrait lui fournir les « données de localisation des tours de téléphonie cellulaire et des opérateurs » pour analyser les mouvements de population et ainsi « contribuer à la réponse à la pandémie de COVID-19 ».
L’appel d’offres publié le 17 décembre a comme titre « Données et services de localisation basés sur les opérateurs pour l’analyse de la mobilité en matière de santé publique ». Le contrat doit se poursuivre jusqu’au 31 mai 2023, mais pourrait être prolongé de trois ans. Ottawa souhaite accéder à la localisation des cellulaires d’au moins 20 % de la population canadienne pour avoir une bonne représentativité. Ces données doivent être fournies « sans interruption » et « aussi proche que possible du temps réel ».
Invitée à donner plus de détails au sujet de cet appel d’offres, Santé Canada indique que ce type de collecte de données a déjà eu lieu dans les derniers mois : « Étant donné l’urgence que représente la pandémie, l’Agence de la santé publique du Canada [ASPC] a recueilli et utilisé des données sur la mobilité, comme des données de localisation provenant des tours de téléphonie cellulaire, tout au long de sa réponse à la COVID-19, explique la porte-parole Anne Génier, pour déterminer s’il y a des liens entre les déplacements de la population à l’intérieur du Canada et les répercussions de la COVID-19. Cette connaissance de la situation a aussi aidé l’ASPC à évaluer l’efficacité des restrictions de santé publique imposées pendant la pandémie, grâce à l’analyse des données sur les mouvements de la population pour mieux comprendre comment le public a réagi pendant le confinement. »
Il y a plus de 34 millions d’abonnements à la téléphonie mobile au pays, selon Statistique Canada. En 2020, 84,4 % des Canadiens possédaient un téléphone intelligent.
Ottawa explique qu’« au-delà de la pandémie, les données sur la mobilité joueront un rôle important dans la compréhension de l’impact des mouvements de population sur d’autres défis de santé publique ». L’appel d’offres indique que le gouvernement « conservera les données résultant des requêtes pour des utilisations futures en matière de santé publique dans un environnement sécurisé ».
La porte-parole Anne Génier ajoute que « sur la base de son expérience de la COVID-19 et des leçons tirées de celle d’autres pays, l’Agence de la santé publique entend constituer un approvisionnement à long terme en données sur la mobilité provenant des tours de téléphonie cellulaire afin de faire progresser les initiatives axées sur les questions de santé publique, comme celles que représentent les autres maladies infectieuses, la prévention des maladies chroniques et la santé mentale ».
L’an dernier, le gouvernement fédéral avait lancé une application baptisée Alerte COVID qui permettait aux Canadiens de savoir s’ils avaient été proches d’une personne déclarée positive. Ce programme n’utilisait pas la géolocalisation, mais plutôt la technologie Bluetooth afin que les appareils communiquent entre eux.
Le spécialiste en technologie et sécurité de l’information de la compagnie EVA Technologies, Eric D. Tremblay, craint que l’utilisation des données brutes des tours cellulaires ne permette pas à l’utilisateur du cellulaire de s’en exclure. Aussi, l’expert pense que cette utilisation des données pourrait permettre « de tracer des liens d’affiliation entre individus ».
François Daigle, vice-président, services professionnels, de Okiok, une firme de cybersécurité, qualifie cette initiative de « sérieuse atteinte à la vie privée, un sérieux problème d’acceptabilité sociale »
. Il « doute sérieusement que ce soit un cas où la fin justifie les moyens ».