La guerre commence ici : paralysons son infrastructure,
là où nous le pouvons
traduit de l’allemand de zuendlappen, 9 février 2022
Il est difficile d’évaluer la situation actuelle en Ukraine d’un point de vue politique. Le tout ne relève-t-il que du traditionnel concours de bistouquettes de quelques militaires et politiques mégalomaniaques et va-t-en-guerre, ou la guerre va-telle effectivement advenir ? Ce texte [sorti deux semaines avant le début de l’invasion russe] laisse ces questions de côté pour plutôt se consacrer à celles qui, dans notre perspective, font plus sens : comment est-il possible de saboter un conflit militaire, une guerre, une éventuelle guerre de l’OTAN ? De par sa nature, ce texte ne peut tout au plus donner que quelques pistes et notre intention n’est absolument pas de présenter des solutions toutes faites, mais juste de poser quelques idées sur la table.
Nous publions ce texte sur internet, parce que nous voulons partager ces réflexions avec le plus grand nombre possible de compagnon-ne-s, avec lesquels il nous serait impossible de rentrer personnellement en contact pour discuter de ces questions. Nous pensons cependant que tout approfondissement (stratégique) de ce débat ne devrait pas avoir lieu sur internet, avant tout parce que cela sert à la répression et que cela n’aurait presque aucun avantage pour celles et ceux qui sont de toute façon déterminé-e-s à employer leur énergie créatrice pour mener plus loin quelques-unes des idées esquissées ici.
Pour certain-e-s, les informations présentées ici ne seront pas une nouveauté. En fin de compte, la majeure partie de tout cela est clair et bien connu. Nous pensons pourtant qu’il vaut la peine de se rappeler quelques détails de la logistique militaire qui, dans les débats autour de guerres lointaines, sont peut-être un peu passés à l’arrière-plan.
Ah oui, pour anticiper : attaquer l’infrastructure de la guerre ne signifie en aucun cas choisir un camp pour le faire, en l’occurrence celui de la Russie. Quiconque n’ayant pas succombé complètement à l’abrutissement sait que la guerre touche toujours la population et presque jamais les puissants qui la déclenchent. En tant qu’antimilitaristes, nous sommes contre toute guerre et contre tous les acteurs qui veulent la provoquer, et en tant qu’anti-autoritaires nous aspirons à rien de moins qu’à la destruction totale de tous les États !
Il y a quelques mois, nous avons lu avec intérêt le texte „Fragments pour une lutte insurrectionnelle contre le militarisme et le monde qui en a besoin“ dans le n°83 de Zündlumpen . Sous le sous-titre „(ii) l’infrastructure de la guerre“ quelques points bien connus y sont soulevés, par exemple qu’une avancée militaire se sert de routes, de voies ferrées , de ponts etc., de même que les cartographies du territoire ainsi que les infrastructures de communication (y compris civiles) sont d’une grande aide pour l’armée. À notre avis, ce point néglige un peu la logistique des lignes de ravitaillement. Certes, le sabotage de la production d’armement est posé avec ardeur, mais la matière première principale de la guerre reste plus ou moins de côté : le pétrole, et plus largement l’énergie en général. Précisément au début d’une guerre le besoin en énergie nécessaire au transport de troupes est gigantesque, mais au fond tout au long de la guerre du combustible doit être acheminé des lieux de stockage et/ou raffineries jusqu’au front où il est utilisé pour faire marcher les moteurs de la machine de guerre. Et justement quand une guerre ne se déroule pas directement sur le territoire où l’on vit, mais que la logistique d’approvisionnement en énergie des troupes passe par ce territoire, cela pourrait valoir la peine de s’occuper de plus près de cette infrastructure.
Alors qu’en ce moment, selon les informations des médias ainsi que diverses observations de la population, des troupes sont mises en état d’alerte partout en Europe et que le matériel de guerre est déjà transféré de manière plus ou moins diligente à des endroits stratégiquement favorables, on peut naturellement partir du principe que le transport de réserves de pétrole dans ces régions tourne aussi à plein régime. Il ne semble donc pas y avoir de raison d’attendre un possible déclenchement de la guerre, au contraire toutes les réflexions qui suivent pourraient avoir un effet très tangible dès maintenant,en amont d’un éventuel affrontement militaire. Et justement dans ce moment, le transport de matériel de guerre peut bien-sûr aussi être saboté d’une manière ou d’une autre.
Le système de pipelines de l’OTAN
Pour approvisionner ses troupes à l’intérieur de différents pays européens faisant partie de l’alliance, l’OTAN exploite un système de pipelines composé de 10 réseaux de pipelines. En gros celui-ci relie des ports utilisés/utilisables militairement avec divers dépôts de pétrole (terminaux de stockage) (en partie secrets, en partie civils) dans toute l’Europe, ainsi qu’avec des gares de transbordement, des aéroports (civils et militaires) et certaines garnisons militaires. En Allemagne deux de ces réseaux de pipelines sont particulièrement importants : le Central Europe Pipeline System (CEPS), qui passe par des parties de la Belgique, de la France de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg et, sur un trajet de 5300 kilomètres, relie entre eux 29 dépôts de l’OTAN, six dépôts non-militaires, des aéroports militaires et civils, des raffineries et des ports maritimes dans la région de la mer du Nord et le North European Pipeline System (NEPS), qui relie en gros Frederikshavn au Danemark à la frontière allemande.
Dans la moitié des années 80 plusieurs groupes des Cellules Révolutionnaires, de la RAF et d’autres ont d’ailleurs réalisé différents attaques explosives principalement contre des stations de pompage du CEPS.
Le CEPS est surtout à usage civil, mais en cas d’opération militaire les capacités exigées sont garanties à l’armée. Différent-e-s acteur-e-s civil-e-s permettent pourtant d’avoir une meilleure vue des infrastructures. Selon l’état de la situation en 2018, les installations suivantes du CEPS étaient encore en fonctionnement sur le territoire de l’Allemagne de l’ouest :
- 14 terminaux de stockage
- 22 pompes à haute pression
- 1765 kilomètres de canalisations souterraines, dont le trajet peut être recherché/estimé à partir des points de mesure terrestres, ainsi que les stations de pompage et les puits à vanne correspondants
- 11 camions-citernes-installations de remplissage
- 2 wagons-citernes-installations de remplissage
Réseaux de voies ferrées
Certains lieux de stockage ne sont pas accessibles par pipelines ou doivent tout au moins avoir un accès supplémentaire par le rail. En général les réseaux de voie ferrée européens offrent une bonne infrastructure aux forces militaires de l’Otan pour acheminer rapidement et efficacement de grandes quantités de combustible et/ou de matériel de guerre. Mais tout cela peut aussi être facilement paralysé. Que ce soit par des blocages des voies, de petits sabotages discrets et juste passagers, comme cela a été fait et proposé récemment au Canada, ou en détruisant violemment les voies, en interrompant l’alimentation en électricité (même s’il y a aussi des locomotives diesel) et en détruisant des infrastructures de signalisation.
En réalité, les voies ferrées sont indiquées sur toutes les cartes disponibles. En l’occurrence, les lignes principales très fréquentées ne sont potentiellement pas les seules à être particulièrement intéressantes, il s’agit surtout des lignes qui se dirigent vers les dépôts de carburant, ainsi que de celles qui traversent les frontières du pays en direction de l’Ukraine, mais aussi des liaisons à des ports et/ou des camions-citernes-installations de remplissage, où le transport peut passer du rail aux routes.
D’autres indications sont aussi fournies par la brochure TRAINSTOPPING.
Routes et ports
Les routes et les ports peuvent bien-sûr aussi être bloqués. Mais il serait éventuellement précieux de dénicher auparavant très concrètement quand et où cela bloquerait les livraisons de ravitaillement militaires, car cette sorte de blocages ne durent en général pas longtemps. Pour celles et ceux qui préfèrent pratiquer la désobéissance civile plutôt que d’attaquer sous la protection de l’obscurité, cela pourrait être un point de départ intéressant.
L’éventuelle guerre en Ukraine commence ici et maintenant.
Stoppons la ensemble ici et maintenant !