Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne) : cramer la rénovation urbaine [mis à jour]

Violences urbaines à Montereau : les travaux du parc de la Gramine mettent le feu à Surville
Le Parisien, 23 septembre 2020 (extraits)

Plus qu’une colère, « une rage ». Une rage d’avoir été « dépossédés de leur deuxième maison », le parc de la Gramine situé dans le quartier de Surville à Montereau, en travaux depuis lundi pour quatre mois.

Quelques heures après avoir mis le feu à cinq engins de chantier et à une salle de classe de la Digitale Académie ce mardi soir, une quarantaine de jeunes âgés d’une vingtaine d’années, rassemblés devant ce parc dont ils ont fait leur jardin, se disaient prêts à recourir une fois encore à des explications violentes le soir même.

Autour du parc, des enfants regardaient tristement les carcasses des véhicules, encore marqués par les bruits de cette nuit d’affrontement avec la police entendue depuis leur chambre.

« Le maire, James Chéron (UDI), a dit dans la presse que nous squattions les lieux, comme si on n’était pas bienvenus dans cet endroit où on se rassemble depuis qu’on est enfant. On a tous notre petit coin à nous, notre pierre, notre banc. Tout a été enlevé. On détruit notre enfance », s’emportent ceux qui disent « assumer leurs actes ». Sur les réseaux sociaux, certains affichaient une certaine fierté en faisant circuler des photos légendées « Surville 1-Police 0 ».

« Ces jeunes agissent sur des informations erronées. On ne va pas détruire le parc. On le réhabilite comme des centaines de familles le demandent, défend James Chéron. Ils retrouveront ce parc en ayant rien perdu de ce qu’ils y avaient avant. Ils auraient pu le savoir s’ils étaient venus me voir directement. »

« Si certains se sentent concernés, il faut se poser des questions. Mais je n’accuse personne de quoi que ce soit », répond le maire. L’installation de trois caméras de vidéosurveillance les révolte tout autant. « Il y a déjà une soixantaine de caméras dans la ville. Ce parc est le seul endroit où on peut encore avoir une vie privée On s’en prend à notre intimité », insistent-ils.

Alors que le maire rappelle que ce projet visant à rénover le city-stade, installer une aire de jeux pour enfants handicapés et agrandir le théâtre pour y faire des manifestations a été présenté publiquement à la jeunesse du quartier en février, les jeunes en colère assurent avoir découvert le projet ce lundi.

« On a été mis devant le fait accompli. On ne peut pas toucher à ce lieu sacré, estiment-ils. Et puis on va se rassembler où ? On va nous reprocher d’aller dans les escaliers des immeubles ? » Des arguments qui ne passent pas pour le maire qui souligne que les travaux ont été programmés à l’automne « quand il pleut et il fait froid ».

C’est donc pourtant pour empêcher la poursuite des travaux que de nuit, ce mardi, cinquante à cent jeunes ont mis hors d’état ces pelleteuses. Mais aussi enflammé des poubelles, noirci les murs et cassé les vitres d’immeubles lors d’un cache-cache avec la police qui a duré de 21 heures à 1 heure du matin.

Près de 90 policiers, venus de tout le département avec notamment des effectifs de la brigade anti-criminalité et de la compagnie départementale d’intervention (CDI), sans oublier des renforts de l’Essonne, ont fait face à des individus hostiles durant une grande partie de la soirée. Les gendarmes du PSIG de Nemours et de Provins sont également intervenus.

Quatre personnes ont été interpellées. Aucun policier n’a été blessé et au moins un véhicule de police a été légèrement endommagé [sic]. Le préfet, ainsi que le directeur départemental de la sécurité publique, ont passé une grande partie de la soirée sur place. Une fois le calme revenu dans le quartier, les policiers ont maintenu un dispositif de surveillance jusqu’à plus de 3h30. Une présence policière importante sera prête à être déployée durant les prochains jours.

« Cela fait quarante-deux ans que je vis dans ce quartier. Il y a bien eu des voitures brûlées, mais quelque chose comme ça jamais, regrette un habitant en colère. Ça fait combien de temps que la Gramine n’a pas été rénovée ? On est contents d’avoir du changement, de voir que l’on rénove les aires de jeux. » Quelques mètres plus loin, la directrice de la Digitale Académie se désole de devoir fermer cet établissement. « Il y a tellement d’odeur de feu qu’on ne peut accueillir personne, explique-t-elle. Et comment comprendre ces actes ? On travaille pour eux, pour qu’ils réussissent et ils mettent le feu. »


Montereau : remise en liberté des cinq jeunes incendiaires présumés
Le Parisien, 25 septembre 2020

Le calme est revenu à Surville, après les échauffourées qui ont opposé entre 50 et 100 jeunes à 90 policiers dans la nuit de mardi à mercredi autour du parc de la Gramine. La météo pluvieuse a sans doute contribué à refroidir les esprits.

Après visionnage des images de vidéosurveillance, cinq personnes ont été interpellées. Lors de cette nuit de violences, cinq engins de chantier de deux entreprises différentes ont été incendiés. Le préjudice s’élève pour elles à plus d’un million d’euros.

Une classe de la Digitale Académie, voisine du parc, a également été victime de la colère des émeutiers. Plusieurs départs de feu étaient visibles dans le parc de la Gramine qui n’a cependant pas été défiguré. Des vitres ont été brisées dans de nombreux immeubles. Les policiers ont aussi été la cible de jets de projectiles. Tous ces suspects ont été relâchés après leur garde à vue. Mais l’enquête se poursuit, menée par le commissariat de Montereau.

Les travaux ont repris dès le mercredi matin pour continuer la rénovation du parc, tant redoutée par les jeunes qui disent avoir mis le feu pour empêcher la poursuite de la modernisation de ce lieu qu’ils estiment « sacré ». 687 000 euros, financés à 60 % par l’Etat et le département, sont investis pour que d’ici quatre mois les enfants handicapés puissent disposer de jeux adaptées et que des manifestations puissent se dérouler dans le théâtre de verdure agrandi.

Le city-stade doit être rénové et l’aménagement paysager repensé. Des tables de pique-nique vont être installées tout comme un kiosque services qui pourra accueillir une buvette lors des animations. Trois caméras de vidéoprotection seront mise en place, ce qui a également provoqué la colère de ces jeunes qui revendiquent avoir « droit au respect de leur intimité ».

Les cours reprendront dans les jours prochains à la Digitale Académie, une fois que les experts seront passés.