Kasserine : l’armée s’oppose par la force aux assaillants du siège du gazoduc de Sergaz
l’economiste maghrébin, 18 décembre 2020
Pas question d’un scénario bis d’Al Kamour. Tel semble être le mot d’ordre des forces armées qui étaient contraintes, hier mercredi, de procéder à des tirs de sommation pour disperser la foule des protestataires. Et les dissuader ainsi de s’introduire de force dans le siège de la Société de Service du Gazoduc transtunisien « Sergaz » [propriété à 67% de la multinationale italienne Eni]. Laquelle gère les conduites de gaz naturel qui traversent le gouvernorat de Kasserine.
Le spectre du scénario d’Al Kamour *
En effet, ces mêmes protestataires venaient de la région de Majel Belabbes, avec l’intention d’envahir la station de pompage de la société SERGAZ. Au risque de fermer ainsi le gazoduc qui achemine le gaz algérien vers l’Europe. Par cet acte, ces jeunes entendaient protester contre les résultats jugés négatifs d’une réunion qu’ils ont eue avec les autorités locales.
Selon des témoignages concordants, des manifestants en colère ont caillassé et jeté des cocktails Molotv sur les unités de l’Armée et de la Garde nationale. En blessant quatre, selon le communiqué du ministère de la Défense nationale publié jeudi 17 décembre 2020. Sachant que la station de pompage en question se situe dans une zone militaire fermée et interdite aux civils.
Pour rappel, la région de Kasserine vit depuis quelques jours au rythme d’une vive tension. Avec le blocage de routes, les incendies de pneus et le recours au gaz lacrymogène de la part des forces de l’ordre. Et ce, suite à l’échec des négociations entre d’une part les sit-inneurs, notamment des demandeurs d’emploi, au chômage depuis une longue période; et d’autre part les autorités locales au siège du gouvernorat.
Fermeté
Selon les observateurs, cette nouvelle politique de fermeté symbolisée par la vive réaction de l’Armée et des forces de l’ordre, semble faire écho à la réunion du mercredi 2 décembre organisée à la Kasbah. Et ce, en présence des ministres de l’Intérieur, de la Défense nationale et de la Justice pour discuter de la situation sécuritaire du pays.
A noter qu’au cours de cette réunion le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, avait ordonné à l’Armée et aux forces de l’ordre d’intervenir par la force, si besoin était, afin de débloquer les routes et d’empêcher coûte que coûte la fermeture des sites de production.
Enjeu économique et régional
Or, il n’échappe à personne que le gazoduc transtunisien Sergaz revêt une importance capitale pour l’économie tunisienne. De surcroit, il représente un enjeu régional de taille, car la fermeture de la vanne menace l’approvisionnement de l’Europe en gaz naturel en provenance de l’Algérie. En effet, le gazoduc trans-méditerranéen, d’une longueur de 1200 kilomètres environ, passe par les trois pays. Soit 600 km en Algérie, 370 km en Tunisie, 155 km en mer et le reste en Italie, où il atterrit en Sicile.
A savoir que trois stations de compression se situent en Algérie et trois autres en Tunisie. La dernière est la plus puissante car elle doit fournir la pression nécessaire à la section sous-marine.
En contrepartie de la traversée de son territoire et de l’entretien qu’elle assure sur sa section, la Tunisie reçoit 5,25% du gaz transporté qui permet de renforcer la trésorerie de l’Etat en recettes annuelles de l’ordre de 500 millions de dinars. Ainsi qu’une composante fixe annuelle de 11,5 millions de dollars.
* Ndlr : En septembre 2020, suite à une protestation de chômeurs bloquant la vanne de pompage de pétrole à El Kamour (gouvernorat de Tataouine), l’Etat tunisien avait promis pour faire cesser les protestations 500 emplois dans une dite société de « l’environnement et du jardinage », 1500 nouveaux emplois dans une société pétrolière privée, plus d’argent dans une société régionale de développement, et le doublement du financement de l’Etap (Entreprise tunisienne des activités pétrolières).