La piquouze, puis le fichier… avant le passeport sanitaire ?

Covid-19 : un fichier de données créé pour les personnes
vaccinées

Franceinfo, 26 décembre 2020

« SI Vaccin Covid » : c’est le nom du fichier regroupant les données des personnes vaccinées contre le Covid-19 qui va être créé, comme le prévoit un décret publié au Journal officiel, samedi 26 décembre. L’objectif de ce fichier est « la mise en œuvre, le suivi et le pilotage des campagnes vaccinales contre la Covid-19 », qui commencent en France dimanche.

Il contiendra des informations sur la personne vaccinée (nom, prénoms, date de naissance…) et des données relatives à la réalisation de la vaccination (modèle du vaccin, lieu de vaccination, soignant ayant réalisé le vaccin…).

Ce fichier permettra « l’envoi à la personne vaccinée d’un récapitulatif des informations relatives à la vaccination, établi par le professionnel de santé réalisant la vaccination ou par le personnel placé sous sa responsabilité », selon le décret. Les informations permettront également de contacter les personnes vaccinées« en cas d’apparition d’un risque nouveau ».

Certaines des données seront accessibles aux soignants réalisant la vaccination, aux médecins traitants et à la Caisse nationale d’assurance maladie. D’autres professionnels de santé pourront accéder aux données mais après des « mesures adéquates de pseudonymisation » pour assurer la confidentialité des personnes, « notamment par la suppression de leur nom, prénoms, numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, adresse et de leurs coordonnées de contact ».


En France, un projet de loi liant liberté de mouvement et vaccin inquiète
RTS (Suisse), 22 décembre 2020 (extrait)

Mardi, un projet de loi prévoyant la possibilité de conditionner des déplacements ou l’exercice d’activités à la présentation d’un test de dépistage ou la réalisation d’un vaccin suscitait inquiétudes et indignation en France. Alors que la France doit sortir en avril prochain de l’état d’urgence sanitaire déclenché avec la pandémie de Covid-19, le projet de loi présenté lundi en Conseil des ministres vise à « établir un cadre juridique durable face aux crises sanitaires », selon le gouvernement.

Il permet des restrictions de circulation, des fermetures d’établissements, voire une limitation de la liberté d’entreprendre, autorisant le Premier ministre à prendre par décret certaines mesures afin de « garantir la sécurité publique ».

Un article du texte en particulier a fait bondir l’opposition où certains voient la mise en oeuvre d’un « passeport sanitaire », qui existe dans d’autres pays comme le proposait la députée UDI Valérie Six, la semaine dernière [le 16 décembre à l’Assemblée nationale, sous le doux nom de « passeport vert »]. Le projet prévoit que, dans les territoires où l’état d’urgence est déclaré, le Premier ministre puisse « subordonner les déplacements des personnes » ainsi que « l’exercice de certaines activités » à « la présentation des résultats d’un test de dépistage » négatif ou « au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin ».

Le sujet est sensible: selon un récent sondage, 59% des Français n’ont pas l’intention de se faire vacciner contre le coronavirus.


Covid-19 : six questions sur le projet de loi qui fait craindre à l’opposition la mise en place d’un « passeport sanitaire »
Franceinfo, 22 décembre 2020

Après les tests et les mises en quarantaine, le vaccin contre le Covid-19 sera-t-il le futur sésame pour pouvoir par exemple prendre l’avion et voyager à l’étranger ? Si le gouvernement a décidé de ne pas rendre obligatoire la vaccination, qui débute dimanche 27 décembre, il envisage de donner au Premier ministre la possibilité de conditionner certains déplacements en période de crise sanitaire à l’administration d’un vaccin, dans le cadre d’un projet de loi présenté le 21 décembre en Conseil des ministres.

Ce texte, qui rappelle l’idée de mettre en place un « passeport sanitaire » présentée fin novembre par l’Association internationale du transport aérien, provoque une levée de boucliers, notamment dans les rangs d’une partie de l’opposition. Il reviendrait, selon ses détracteurs, à rendre la vaccination obligatoire, et contreviendrait au respect des libertés et des données personnelles. Que prévoit-il exactement ? Ce type de mesures existe-t-il déjà pour d’autres vaccins ? Comment cela fonctionnerait-il concrètement ? Franceinfo répond à six questions sur le sujet.

1. Qu’est-ce que « le régime pérenne de gestion des urgences sanitaires » ? 

C’est un projet de loi qui vise à imaginer l’après 1er avril 2021, quand le cadre législatif mis en place au début de la crise sanitaire en mars 2020 sera caduque. L’exécutif veut mettre en place un système qui puisse perdurer dans le temps. « L’objectif de ce texte est de nous préparer à la fin de l’état d’urgence sanitaire et d’établir un cadre juridique durable face aux crises sanitaires » à venir, a expliqué le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, lors du compte rendu du Conseil des ministres, lundi 21 décembre. « Il s’agit donc de bâtir un cadre robuste et cohérent à partir des dispositions qui préexistaient à la crise et de celles mises en place à cette occasion », précise le texte de loi.

2. Que prévoit l’article le plus controversé du projet de loi ?

Dans son article 1, le projet de loi prévoit de modifier l’article L.3131-9, n°6 du code de la santé publique, octroyant au Premier ministre le pouvoir de « subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif ».

Les détracteurs du projet de loi redoutent ainsi un possible durcissement des conditions d’accès à certains moyens de transports comme l’avion. En l’état, le texte pourrait, selon eux, conditionner l’embarquement à la présentation d’un test de dépistage négatif, ce qui est déjà le cas pour certains vols depuis la crise du coronavirus, mais aussi l’administration d’un vaccin contre certaines maladies.

3. Est-ce que ce type de dispositif existe déjà ? 

Oui. C’est le cas pour la fièvre jaune. Depuis 2005, plus de 200 pays ont signé le règlement sanitaire international de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et reconnaissent le Certificat international de vaccination contre cette maladie virale. Ce certificat se présente sous la forme d’un « carnet jaune », et il est exigé par plusieurs pays du continent africain, lors de la demande de visa ou à l’entrée de leur territoire.

Sur ce carnet, il est précisé que « ce même certificat sera également employé au cas où le règlement serait modifié ou au cas où une recommandation serait faite en vertu de ce règlement par l’OMS pour indiquer une autre maladie », ce qui laisse la porte ouverte à l’extension du dispositif pour un vaccin contre le Covid-19 validé par l’OMS.

5. L’article du projet de loi vise-t-il à créer un « passeport sanitaire » ?

Rédigé tel quel, l’article L.3131-9, n°6 peut rappeler le projet de passeport sanitaire proposé par l’Association internationale du transport aérien (IATA), lors de sa 76e assemblée générale annuelle. Représentant presque 300 compagnies à travers le monde, l’Iata proposait, le 23 novembre dernier, de mettre en place un passeport sanitaire numérique, le « Iata Travel pass ». Une annonce intervenue peu de temps après que la ligne australienne Qantas a annoncé qu’elle exigerait la vaccination de ses passagers internationaux avant un vol.

Objectif, selon l’Iata : réinstaurer un climat de confiance pour compenser les pertes faramineuses du secteur liées à la crise sanitaire. Dans un communiqué daté du 24 novembre, l’association prévoit que « les compagnies aériennes vont perdre 53,87 euros pour chaque passager transporté cette année, pour des pertes totales de 96,7 milliards d’euros ». L’année 2021 ne devrait pas être beaucoup plus reluisante, puisque l’association estime les pertes nettes à venir à un peu plus de 31 milliards d’euros.

6. Que répond l’exécutif, alors que la campagne vaccinale contre le Covid-19 débute dimanche ?

Invité sur TF1, mardi soir, Olivier Véran a annoncé que le texte présenté la veille en Conseil des ministres ne serait pas transmis au Parlement « avant plusieurs mois ». Une décision que le ministre de la Santé a justifiée par le besoin d’entretenir la « confiance » autour de la vaccination contre le Covid-19, à quelques jours de ses débuts en France« Ce n’est pas le moment », a-t-il estimé.

« Le projet de loi sera voté en avril et est présenté comme une ‘boîte à outils’, pour plus tard si besoin », précisait un peu plus tôt le ministère de la Santé, avant d’ajouter : « Rien à voir avec la campagne vaccinale qui commence dimanche. »

Sur le fond, Olivier Véran a assuré que le gouvernement n’avait pas l’intention de rendre obligatoire la vaccination contre le Covid-19. « Ce projet de texte peut concerner aussi bien cette pandémie que n’importe quel événement sanitaire majeur qui peut toucher notre pays. Ce texte envisage tous les cas de figure », s’était-il déjà justifié mardi matin lors d’une visite sur une plateforme logistique pour l’acheminement des vaccins.

L’exécutif se défend d’introduire des lois menaçant les libertés individuelles, puisque ce projet de loi vise à rendre pérennes des dispositifs déjà mis en place [en faisant comme d’habitude passer dans le droit commun plusieurs mesures de l’état d’urgence sanitaire]. « Le texte reprend des dispositions qui existent déjà », s’est justifié Matignon auprès de France Inter. « Cela existe déjà pour la fièvre jaune si vous voulez vous rendre en Guyane par exemple », a exposé l’entourage du Premier ministre. Mardi matin, Olivier Véran avait par ailleurs laissé entendre que le texte pourrait faire l’objet de modifications, expliquant qu’il avait « vocation à faire son chemin, mûrir. »