[Le 8 janvier 2024, le Québec a donné son autorisation à la destruction de dizaines de milieux humides (13 hectares), mais aussi à la coupe de 14000 arbres, pour que la multinationale suédoise Northvolt puisse construire en Montégérie une giga-usine de batteries lithium-ion destinées à l’industrie automobile nord-américaine. Alors que ces coupes d’arbres doivent être réalisées avant le printemps (début de période de nidification des oiseaux migrateurs) et qu’elles avaient commencé sur le site de la future usine à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand… des saboteureuses ont planté deux semaines plus tard des barres d’acier et des clous dans « plusieurs centaines d’arbres » pour empêcher leur abattage.]
Sabotage sur le terrain de Northvolt : donner des armes à la forêt
Montréal contre-information, 22 janvier 2024
Un des derniers milieux naturels de la Montéregie est mis en péril ! La construction planifiée de l’usine de batteries Northvolt à Saint-Basile-le-Grand est un affront écocidaire. Si ce projet a lieu, 1,4 kilomètres carrés de milieux humides et de zones boisées vont être rasés, servant la stratégie de greenwashing de nos gouvernements, et ce, en puisant à même les fonds publics.
La zone abrite une faune diversifiée (chauves-souris, oiseaux, amphibiens, tortues, serpents, etc.) parmi laquelle on compte plusieurs espèces classées comme « menacées » ou « en voie de disparition ». On dénombre même 142 espèces d’oiseaux qui fréquentent le site ! Alors qu’au même moment, les sociétés de transports en commun subissent une vague de compressions budgétaires, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral préfèrent donner 7,3 milliards de dollars au secteur privé pour perpétuer la « culture de l’automobile ». Plutôt que de miser sur des solutions collectives plus écologiques et solidaires (trains, bus, autopartage) en ville comme en région, les gouvernements perpétuent notre dépendance à la voiture main dans la main avec les industries polluantes et les plus fortunés.
Le projet d’usine à Saint-Basile-le-Grand fait partie intégrante du « Projet Saint-Laurent », une stratégie de développement économique défendue par François Legault qui vise à transformer les basses-terres du Saint-Laurent en une sorte de Silicon Valley québécoise misant sur des « zones d’innovations ». Northvolt s’inscrit donc dans une approche capitaliste de la transition écologique au même titre que d’autres projets dont celui du Littoral Est à Québec, le REM ou encore la plateforme de transbordement de Ray-Mont Logistiques contre laquelle se battent les citoyens de l’Est de Montréal. Sous le capitalisme, la transition énergétique, c’est-à-dire la sortie des hydrocarbures, signifie la multiplication des mines à ciel ouvert, notamment dans le Sud global, pour y extraire les métaux servant à fabriquer les batteries, la construction de nouveaux barrages hydroélectriques sur les terres de Premières Nations, l’implantation de méga-usines aux abords de nos cours d’eau sans compter l’ambition de nombreux pays d’accroître le nucléaire. Contre ces fausses solutions qui ravagent les écosystèmes, nous nous mobilisons. De plus, ce projet ne bénéficiera pas à la population et risque de produire un « effet boomtown ». L’arrivée soudaine de milliers de travailleurs en zone rurale va engendrer une pression sur le marché immobilier de même que sur les services de santé, d’éducation et d’aide sociale.
Nous avons pris l’initiative de nous opposer à ce déboisement en insérant des barres d’aciers et des clous dans les troncs des arbres qui sont menacés par la construction de l’usine. Tout en ayant un impact minimal sur la santé des arbres, ceux-ci posent un risque important pour la machinerie lourde. Les abatteuses actuellement employées sur le terrain seront sévèrement endommagées si leur tête entre en contact avec les objets métalliques au moment de la coupe*. Pour arrêter Northvolt, nous devons multiplier les tactiques et frapper là où ça fait mal : c’est-à-dire en causant un risque économique et de l’incertitude. Contrairement à ce qui prétend le ministre Fitzgibbon, nous n’avons pas croisé de « poissons à trois yeux », mais avons plutôt été accompagné·es du chant des oiseaux et avons pu marcher dans les innombrables chemins tracés par les bêtes qui habitent le boisé. Nous avons donné des armes à la forêt pour qu’elle puisse se défendre !
Le cloutage, ou « spiking », est une méthode d’action directe qui a fait ses preuves. Elle a été utilisée au début des années 1980 par Earth First ! pour empêcher l’abattage des séquoias dans le Pacific Northwest américain et a été popularisée par le livre « Ecodefense: A Field Guide to Monkeywrenching » écrit par Dave Foreman, l’un des fondateurs du groupe écologiste (l’ouvrage est disponible en ligne ici). La méthode a d’ailleurs été utilisée contre la coupe à blanc des forêts primaires de Clayoquot en Colombie-Britannique. Cette mobilisation a culminé à l’été 1993 avec l’acte de désobéissance civile le plus important de l’histoire du Canada avant les blocages de Fairy Creek en 2021 où la méthode a de nouveau été utilisée par les activistes. Au mois de mai de cette année, des activistes des Soulèvements de la Terre ont fait de même pour protéger les chênes de la forêt de Bord à l’est de Rouen en France.
Aujourd’hui, nous appelons à une mobilisation large contre le projet destructeur que constitue la méga-usine de Northvolt. Il faut s’en prendre à cette machine à broyer le vivant en visant ses points faibles. Sabotons l’équipement, bloquons les chantiers et harcelons les élus à la solde de l’industrie. Le mouvement écologiste doit redoubler d’ardeur.
*De même, lors de la coupe, si une tronçonneuse heurte un clou, celui-ci va abîmer ou briser la chaîne. Il faudra refaire l’affûtage, – perte de temps – voire changer toute la chaîne, puis reprendre l’abattage un peu plus haut pour ne pas heurter de nouveau le clou en espérant ne pas en rencontrer un second. La déforestation sera rendue d’autant plus pénible, coûteuse, et potentiellement dangereuse.
P. S : Nous ne sommes en aucun cas hostiles aux travailleur·euse·s : nous en avons contre ceux qui profitent de la destruction de nos milieux de vie et qui font passer le profit avant tout. En ce sens, la classe ouvrière est, au même titre que la terre, les animaux et les végétaux qui font prospérer le territoire, exploitée par notre système économique. Pour nous assurer que les personnes engagées pour raser la forêt soient bien conscientes des risques de l’opération, nous avons marqué les arbres cloutés d’un signe de S peinturé à l’aérosol en plus d’ajouter des affiches expliquant notre tactique. Nous espérons que les travailleur·euse·s sauront faire respecter leurs droits et se tiendront loin des arbres identifiés.
[Note : le communiqué renvoie également vers de nombreux liens internet (notamment institutionnels), qu’on pourra retrouver dans l’original]