Gênes (Italie) : sabotages incendiaires d’infrastructures technologiques et énergétique [mis à jour]

Gênes : Incendies de l’antenne-relais 5G du Pôle technologique Erzelli, d’armoires de data-serveurs et contre un pylône à haute-tension de Terna
traduction revue à partir de l’original en italien paru sur Actforfreedomnow, 30 juin 2021

Ndt : selon la presse italienne (Genova24 du 20 juin), les dégâts contre le pylône de Terna ont également conduit ce gestionnaire national du réseau électrique à haute-tension (équivalent de RTE en France) à couper provisoirement l’électricité dans toute la zone de Coronata où se sont produits ces sabotages.
Voici la traduction du communiqué de revendication :

Nous sommes dans une époque où le triomphe de la science, de la technologie et de la technique ne cesse de s’imposer. Cela ne signifie pas que nous nous trouvons dans un monde de science-fiction ou visionnaire, mais que, dans la réalité crue, la science après avoir fidèlement servi la politique (l’État) et l’économie (le capital), est désormais devenue la force motrice du nouveau cadre productif et économique.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, elle fournissait à l’Etat les moyens de propagande (TV, radio, presse), les moyens de répression (armes) et les moyens de production industrielle qui ont réduit la main d’oeuvre. Depuis le milieu du siècle dernier, le pouvoir de la science s’est accru toujours plus pour envahir chaque aspect de nos vies, et avec les bio- et nano-technologies, la vie elle-même.

Le monopole de la vérité semble avoir rendu la science toute-puissante, comme cela a été le cas pour l’État avec son monopole historique de la violence.
Science, Église et État se sont affrontés par le passé pour prendre le pouvoir ou pour le partage des pouvoirs. A présent, ce sont la science et la technologie qui déterminent et influencent la politique étatique et les stratégies économiques, sociales et répressives : elles ne sont donc pas neutres.
Le capitalisme finance des armées de techniciens qui se consacrent à la recherche et à la création de nouveaux produits et « ressources » uniquement gérables par des spécialistes, en plus des produits qui une fois mis à disposition des masses façonnent le monde qui nous entoure en devenant « indispensables » et parfois indestructibles, comme le nucléaire.
Ce processus est aussi rapide que la croissance de la technologie, et a restreint la liberté individuelle.


Des algorithmes décident des rythmes de la production, de grands serveurs de collecte de données, la géolocalisation, des applications nous réduisent à des sujets/objets de consommation. Si la restriction de la liberté mise en œuvre dans le passé par l’État et le capital ont pu provoquer une résistance farouche de la part des exploités, avec la science cela n’arrive pas. Dans l’imaginaire collectif, elle reste neutre et, qui plus est en Occident, ses produits ont accru le confort et le bien-être de la majeure partie de la population. Face à ce bien-être, la privation de liberté, l’exploitation des ressources, l’asservissement de populations entières, l’inhabitabilité de zones entières de la planète, les migrations dues à la guerre et au changement climatique, sont sans intérêt.

Managers, chercheurs, technocrates et médias diffusent à l’unisson le message « n’ayez pas peur des technologies », de l’intelligence artificielle et de tout ce qui touche aux innovations et automatisations qui s’imposent de toute façon. Ne nous laissons pas distraire par le faux débat sur l’utilisation des outils dans la vie de tous les jours ou sur les divisions rhétoriques entre « bonnes » ou « mauvaises » technologies.

Le « Plan national de relance et de résilience » (1) prévoit de mettre en oeuvre une restructuration économique entre le capital, les entreprises, les start-ups technologiques et les géants de la haute technologie. Les capitalistes et le secteur industriel accueillent à bras ouverts l’injection de liquidités d’argent public et privé.

Le Recovery Fund  (2) est une mine d’or supplémentaire. Parmi ceux qui bénéficieront des investissements de capitaux figurent les « pôles d’excellence » de la recherche techno-scientifique, les Universités, et l’Institut Italien de Technologie (ITT) de Gênes, afin qu’il puisse agrandir son technopole où surgira le Centre High-tech « Énergie et Environnement », qui recevra environ 80 millions d’euros d’investissement initial.

En avril 2021, le Président du conseil italien Mario Draghi a annoncé la création d’un énième Comité de techniciens et d’experts. Une « task force » qui s’occupera en particulier du Recovery Fund, en contournant et en accélérant les bureaucraties et tout problème éventuel concernant les autorisations, les obligations et les concessions. De cette manière, ils combleront par exemple le « retard » concernant le plan de numérisation et d’installation de la fibre optique sur tout le territoire italien.

Le 1er avril 2021 a été annoncé l’accord financier sur FiberCop, la société qui rassemble les deux plus importantes parties du réseau Internet italien. TIM s’occupera en outre de la fourniture des dernières infrastructures qui vont jusqu’aux domiciles avec l’installation des « armoires » de rue, et le réseau national de fibre optique sera quant à lui développé par Flash Fiber (détenu à 80% par TIM et 20% par Fastweb). Pour accompagner ces deux grandes entreprises du marché de la numérisation, le fonds financier KKR Infrastructure a collaboré et versera 2 milliards d’euros à TIM (avec des actifs qui atteindront 7,8 milliards).

En ce qui concerne les procédures qui seront accélérées, il y a les gros chantiers de BTP, le stockage des déchets nucléaires, l’installation infinie d’antennes et de relais qui auront ainsi la voie toute tracée pour leur mise en œuvre : les champs électromagnétiques, les cancers, les radiations et la dévastation environnementale sont considérés comme des conséquences acceptables.

Avec un décret ad hoc reflétant la « nouvelle gestion » efficace du gouvernement Draghi, sera introduit le soi-disant « modèle de Gênes », c’est-à-dire des dérogations aux normes sur les appels d’offre, ce qui permettra d’éviter l’arrêt de chantiers suite à tel ou tel problème, pour telle ou telle autorisation : soit un feu vert pour les affairistes du BTP, pour le clientélisme et la corruption.

Dans ce contexte, à Gênes même, le chantier de construction du viaduc autoroutier nommé « Gronda » redémarre, malgré le fait qu’il n’y ait même pas eu d’autorisations de chantier ni de permis présumés pour les travaux. Ainsi Autostrade per l’Italia (les mêmes spéculateurs responsables de l’effondrement du pont Morandi) continuera à enrichir ses managers assassins (3).

La gestion du Recovery Fund sera par conséquent confiée à un Comité interministériel de techniciens, composé de l’ancien top manager de Vodafone Vittorio Colao (numérisation), Enrico Giovannini (infrastructures), Maria Cristina Messa (recherche), Roberto Cingolani (transition écologique). Les ministres qui ont été chargés directement par la Commission européenne des flux d’argent les plus importants sont Cingolani et Colao, qui pourront dépenser plus que tout autre ministère. La si fameuse « transition écologique », sponsorisée par l’ex-directeur de l’IIT, remplira les poches et les comptes bancaires du « club des amis » de l’investissement et du développement techno-industriel.

La « transition écologique », loin de sa définition « verte », n’est en effet pas une opération de sauvegarde du panda en voie d’extinction ou pour le reboisement de la forêt amazonienne, mais une opération politique et économique visant encore et toujours à stimuler le système industriel, et non pas à l’éliminer ou à le remplacer comme par magie.

Dans toute transition économique, il y a toujours une classe dirigeante qui s’enrichit, dans ce cas cela arrivera en accumulant une grosse dette publique que les exploités devront repayer demain, avec des conséquences dévastatrices évidemment sur les plus pauvres.
Alors que beaucoup sont suffisamment distraits par la presse pour parler de responsabilité, de sécurité, de masques, de vaccins, de normes comportementales et de sacrifices, il y a ceux qui continuent de s’enrichir.
Au cours de la dernière année, la pandémie virale de Covid-19 a encore accéléré le processus de technicisation de la société. L’État a abdiqué le pouvoir politique [sic] en soutenant le Comité scientifique et technique (4) qui, sur la base de données et de chiffres,  a confiné des millions de personnes à domicile ; la mobilité n’était autorisée que si l’on participait au cycle productif. Production et consommation étaient assurées, c’étaient les seules libertés octroyées.

Cela devrait faire réfléchir sur comment les conditions d’exploitation que nous vivons dans le Capitalisme ont fait coïncider une plus grande « liberté de mouvement » avec l’opportunité ou la nécessité d’aller travailler. Une mobilité concédée, qui fait que le virus n’est pas plus dangereux sur le lieu de travail qu’il ne l’est en se promenant dans la rue ou en forêt, et devient même encore plus dangereux si on fait grève en étant dans la rue pour protester ou manifester.

La tendance à la numérisation, à la technicisation et à l’efficacité se poursuivra y compris après la fin de la pandémie. Cette dernière est un événement dont l’État, la science et la technologie ont su exploiter au mieux.
Face à cela, si les individus, les exploités, ne veulent pas se retrouver dans un avenir pas trop lointain à vivre dans un monde où ils seront écrasés par une « liberté » corrélée à l’utilité productive, il leur faut combattre sans hésiter cette nouvelle transformation de la société.

Pour cette raison, la nuit du 19 juin 2021, nous avons détruit par le feu 5 armoires de data-servers et l’antenne de téléphonie mobile 5G du Pôle technologique Erzelli à Gênes, ainsi que le pylône à haute-tension adjacent de Terna.

Solidarité combative internationaliste avec les prisonniers
de la guerre sociale !
Lutte permanente contre l’État et le Capital.

Pour l’Anarchie !

NdT
1. Le Piano di Ripresa e Resilienza (PNRR), du gouvernement italien est constitué des fonds européens lancés dans le cadre du plan NextGeneration UE, et se monte à 235,12 milliards d’euros pour ce pays, qui en est le premier bénéficiaire en Europe. Début mai 2021, une première enveloppe de 49,86 milliards d’euros vient d’en être attribuée par le gouvernement Draghi à la « Digitalizzazione, Innovazione, Competitività, Cultura
2. Le Recovery Fund est le plan de 750 milliards d’euros adopté à l’issue du Conseil européen du 17 au 21 juillet 2020, et dont 191,5 milliards sur six ans sont destinés à l’Italie (une partie en prêts et l’autre en subventions).
3.  Le 14 août 2018 à Gênes,  une longue portion du viaduc autoroutier Morandi, du nom de l’ingénieur qui l’a conçu dans les années 1960, se plie comme un château de cartes et entraîne dans sa chute des dizaines de véhicules, sous le regard effaré des habitants des immeubles situés en contrebas. Le bilan officiel est de 43 morts et une quinzaine de blessés. Le gestionnaire du viaduc était Autostrade per l’Italia, dont l’actionnaire principal est la famille Benetton, qui en a profité pour relancer la Gronda, sa nouvelle bretelle d’autoroute à Gênes longue de 72 kilomètres, composée de 23 tunnels et 13 nouveaux viaducs.
4. Le Comitato Tecnico Scientifico (CTS) italien a été créé sur ordonnance le 3 février 2020 face à l’arrivée de la pandémie. C’est en gros l’équivalent français du Conseil scientifique Covid-19.