Deux enquêtes ouvertes en Creuse suite à des dégradations
sur des machines d’exploitation forestière
France Bleu, 22 juillet 2021
Jusqu’ici relativement épargnée, la Creuse fait face à des dégradations et des actes de vandalisme de la part d’opposants à l’exploitation forestière dans le département ces derniers mois d’après les élus locaux et les professionnels de la filière bois. Depuis le début du mois de juillet, le groupement de gendarmerie de la Creuse a ainsi ouvert deux enquêtes. A quelques jours d’intervalle, une récolteuse a été vandalisée à Saint-Junien-La-Brégère puis une machine du type abatteuse incendiée à Saint-Pardoux-Morterolles.
Des incidents graves qui laissent pantois le maire d’Auriat, Franck Simon-Chautemps. Il constate ces derniers mois de multiples dégradations sur la communauté de communes Creuse Sud-Ouest dont il est le vice-président. « On a des tags en permanence du type ‘Assassins de la forêt’, sur les panneaux des chantiers mais aussi sur les bâtiments communaux, à Auriat, à Saint-Moreil, à Saint-Junien-Le-Petit, » se désole le maire. « C’est incompréhensible. Ce qui est grave c’est qu’il y a trois ans, on ne connaissait pas ce phénomène », analyse l’édile qui entame son quatrième mandat. Franck Simon-Chautemps qui reste circonspect face à ces comportements, « les gens ne comprennent plus ce qu’on fait, » déplore-t-il.
Au delà des « quolibets », il y a aussi les machines incendiées. Au début du mois, une abatteuse est ainsi partie en fumée à Saint-Pardoux-Morterolles, une phénomène qui a déjà eu lieu en Corrèze analyse Gael Lamoury, coordinateur technique de Fibois en Nouvelle-Aquitaine, association qui regroupe les professionnels de la filière bois. « Nous avons 20 incidents qui nous ont été transmis en six mois sur la région. Or ces incidents se déroulent à 80% dans l’ex-Limousin, en Creuse et Corrèze. Ce ne sont pas toujours des machines brulées ou sabotées, la majorité des cas ce sont des tags, mais nous avons aussi des agressions verbales, allant de la discussion animée aux menaces de mort au téléphone, » explique Gael Lamoury. L’association recense donc tous ces incidents auprès des professionnels afin de les transmettre aux forces de l’ordre. Une réunion doit avoir lieu lundi 26 juillet à la Préfecture de Guéret pour aborder des incidents.
La filière bois représente 10 000 emplois directs, 12 000 emplois indirects à l’échelle du territoire limousin. Alors le maire d’Auriat compte bien préserver cette industrie. « C’est une manne d’emplois formidable pour notre territoire, la deuxième après l’agriculture, il faut la soutenir. »
Des machines d’exploitants forestiers vandalisées en pleine forêt corrézienne, les enquêtes toujours en cours
France bleu, 31 juillet 2021
Des actes de vandalisme se sont multipliés ces sept derniers mois en Limousin, essentiellement en Creuse dont deux exploitants forestiers en Haute et Basse Corrèze. Ils ont retrouvé leurs machines d’exploitation forestière taguées d’« assassins de la forêt« , « ras le bol des coupes rases« , les vitres cassées, les portes arrachées et le porteur d’arbres découpés saboté. Les enquêtes sont toujours en cours.
L’entreprise de bois Lafaye située à Bugeat s’est fait vandalisée deux fois. Cet exploitant forestier travaille dans tout le Limousin, le Cantal et l’Auvergne et c’est à Tarnac en Corrèze qu’il s’est fait détériorer du matériel en pleine forêt déplore Guillaume Lafaye, le responsable : « Je ne veux pas donner d’importance à ces gens. L’ignorance leur feront plus de mal qu’autre chose. J’ai porté plainte sans avoir grand espoir que ça aboutisse parce que je sais que c’est difficile ».
Ces dernières années, des collectifs pour la préservation des forêts ont essaimé dans le plateau de Millevaches où des forêts de pin de Douglas ont remplacé les forêts de feuillus, moins rentables pour la filière bois. Ces monocultures de sapins Douglas prolifèrent en terre corrézienne et représentent désormais 90% des plantations en Limousin.
Yves, un habitant du parc engagé dans le collectif Le Syndicat de la Montagne Limousine qui organise des rassemblements contre les coupes rases illégales et qui lutte pour la préservation des forêts, est contre ce type d’action pour lutter contre la perte de la biodiversité forestière: « Nous aussi nous sommes en colère de voir que notre environnement est dégradé aujourd’hui alors que nous n’avons pas le choix de changer notre mode de vie et nos modes de cultures forestières. Je comprends que certaines personnes soient mécontentes du mode de gestion forestière majoritaire aujourd’hui mais ce ne sont pas nos pratiques ».
Le collectif entre en contact avec les propriétaires pour leur expliquer les enjeux environnementaux : « on sait très bien que les exploitants forestiers sont poussés par une logique de rentabilité, on souhaite travailler avec eux. Récemment nous sommes intervenus pour l’évolution de la charte forestière du PNR sur le plateau de Millevaches et nous allons racheter des forêts pour proposer un autre mode de gestion, plus respectueux de la nature ».
Le pin de Douglas, une rentabilité profitable
Ces sapins remplacent à grande vitesse les feuillus (des arbres produisant des feuilles bien développées) : « sur le territoire du parc naturel régional de Millevaches il a été évalué une perte de 1% chaque année du feuillu », rapporte Yves.
Ces monocultures appauvrissent les sols : « on perd l’ensemble de notre diversité paysagère et environnementale de notre territoire. Chacun peut se rendre compte que lorsqu’on se balade dans une forêt de sapin, on n’a pas du tout la même diversité que dans une forêt de feuillus. On entend beaucoup moins les oiseaux, la végétation s’y développe moins, les paysages sont plus enfermant. Les forêts de Douglas sont des territoires où l’on ne va plus« . Il est aussi de plus en plus difficile d’y trouver des girolles selon cet habitant du parc naturel.
Le pin de Douglas ensablent les rivières
Les troncs de pin sont d’abord coupés à ras avant d’être déracinés, ce qui perturbe les sols et provoquent leur érosion. Le plateau de Millevaches étant en pente, les orages et les pluies lessivent les sols et du sable s’écoule dans les rivières et contribue à une perte de sa biodiversité.