En France, vingt jours après avoir rendu possible l’obligation du port du masque en prolongation dans la loi ordinaire de l’état d’urgence sanitaire (10 juillet), et dix jours après l’avoir d’abord appliqué « dans tous les lieux publics clos » (20 juillet), le ministre de la Santé a autorisé le 31 juillet les préfets à rendre le port du masque obligatoire à l’extérieur – les rues, les parcs, les plages, les montagnes, etc.
Mais ce n’est en somme que le début de tout ce qui nous attend dans cette nouvelle normalité nommée « déconfinement », si on en juge par l’invention des bulles sociales en Belgique, ou des prévisions de reconfinements localisés en mode zones rouges pour la « deuxième vague » de la rentrée (à l’image récente de Lerida, A Mariña et Barcelone en Espagne, Leicester en Angleterre, Lisbonne au Portugal ou les huits grandes villes marocaines), en passant par toute la gamme des couvre-feu variés (de plages comme à Bayonne, mais aussi de villes entières comme Anvers ou Melbourne actuellement, avec soldats en patrouille dans cette dernière pour six semaines). En France, ce sera donc certainement le combo masque partout + couvre feu et reconfinements ciblés sous un mois ou deux, comme ne s’en cache d’ailleurs pas le dit Conseil Scientifique dans son dernier avis (27 juillet), qui préconise de travailler d’emblée à « l’acceptabilité » sociale de ce genre de mesures non identiques d’une zone à l’autre en impliquant tous les acteurs de bas en haut [1]. Ce n’est pas pour rien qu’il est aussi composé d’un anthropologue, d’une sociologue et de la cheffe d’une grosse association humanitaire.
Contrairement à l’obligation du port du masque dans les lieux clos ordonnée par l’État, adossée à un décret de ministère, la contrainte liée à l’espace public extérieur se fait par arrêté au niveau local, et donc principalement par les préfets. Ainsi, ce sont les préfets de la Mayenne (obligation du masque à l’extérieur dans 69 communes) et du Nord (idem dans 95 communes de la métropole lilloise) puis de Haute-Garonne (Toulouse, dans certains quartiers de 12h à 3h) qui ont été les premiers servis depuis quelques jours, en attendant une généralisation au reste du territoire.
Cela s’ajoute à la liste déjà fournie de municipalités ayant pris une telle mesure. Outre les arrêtés préfectoraux, puisqu’il est aussi possible d’imposer le masque par arrêté municipal, des stations balnéaires et des communes touristiques l’ont ainsi imposé dès le mois de juillet, comme La Rochelle, Saint-Malo, Argelès-sur-Mer, Mimizan, Biscarosse, Millau, Le Grau-du-Roi, Nîmes, Figeac ou Béziers. Idem dans certains quartiers de Nice, de Tours (entre 18h et 6h) ou d’Orléans (de 21h à 6h sur les quais de Loire), ainsi que Paris ou Nancy (de 11h à 2h) qui vient d’annoncer cette obligation dans l’espace public. Biarritz ou Bayonne (Pyrénées-Atlantique) sont, elles, allées dans le même sens, mais en décidant en sus d’interdire l’accès de nuit aux plages de la ville (22h-6h), tandis que la mairie des Sables d’Olonne a elle décidé d’interdire trois plages durant trois heures de la journée pendant la marée haute (aux moments où elles étaient les plus fréquentées).
Quant aux colonies, une première ville a déjà basculé en reconfinement total : il s’agit de Mtsamboro à Mayotte, où tout regroupement de personnes et de déplacements sont interdits, sauf pour motifs professionnels, de santé, ou pour faire des courses de premières nécessités. Ces mesures sont en application depuis le 25 juillet et jusqu’au 8 août. En Guyane, le couvre-feu est toujours en vigueur, et il a été « assoupli » le 25 juillet avec pour nouveaux horaires 17 ou 19h (selon les zones)-5h du matin en semaine, et total du samedi soir au lundi matin. Les rassemblements de plus de 10 personnes (mariages, réunions, festivités, manifestations…) sont toujours interdits en tout lieu public ou privé, y compris les carbets. Le port du masque est obligatoire dans l’espace public.
Rappelons que tout cela n’est pas que symbolique, puisque si la première amende est de 135 euros et la seconde de 1500 euros, la troisième (en moins de trente jours) affiche un tarif qui va jusqu’à six mois de prison et 3750 euros d’amende. Et on se souvient que pendant le confinement, des dizaines de personnes ont été condamnées à de la taule pour ce genre de récidive (en l’occurrence l’absence d’autorisation de sortie).
Bref, on assiste à un véritable concours régional de nouvelles obligations/interdictions sanitaires dans l’espace public destinées à éviter tout reconfinement global et ses conséquences pour l’économie, tout en sachant qu’une bonne partie des clusters est pourtant justement liée à l’esclavage salarié (des abattoirs aux bureaux, du travail saisonnier aux usines), particulièrement en milieu fermé, et certainement pas à la rue, aux parcs ou à la montagne… Sans même parler des liens étroits entre apparition de ces nouveaux coronavirus au 21e siècle et économie capitaliste mondiale (déforestation, métropolisation, transports rapides internationaux).
On ne s’attardera pas non plus ici sur toutes les différences entre les pays listés ci-dessous, mais soulignons tout de même l’absurdité tout sauf scientifique (à moins que la virologie ne soit qu’une science de la contrainte étatique) qu’elles révèlent en montrant l’essence de tout pouvoir : l’arbitraire. Le masque obligatoire est par exemple imposé dès 11 ans en France, mais 12 ans en Belgique, 13 ans aux Pays-Bas ou… 6 ans en Espagne. La distanciation sociale est par exemple de 1 mètre (France, Chine, Danemark), 1,5 mètres (Belgique, Allemagne, Italie), 1,8 mètres (Etats-Unis, six pieds) ou 2 mètres (Québec, Angleterre), selon le menu du midi des flics en blouse blanche. Et ainsi de suite. Tour d’horizon rapide des obligations de port du masque et des amendes qui vont avec.
En Belgique, le port du masque obligatoire se généralise dans plusieurs villes et communes, dans les lieux publics intérieurs comme extérieurs, là où le respect de la distance sociale est impossible. L’amende est de 250 euros. Toute personne entrant en Belgique, pour plus de 48h, doit compléter un formulaire d’identification, en renseignant ses coordonnées et les endroits où elle a séjourné au cours des quatorze derniers jours.
En Espagne, le port du masque est généralisé dans les lieux publics, fermés comme ouverts, dès l’âge de 6 ans. Le non-respect de cette obligation expose le contrevenant à une amende de 100 euros. En Estrémadure, le port du masque est obligatoire partout, et dans cette région sur sud-ouest du pays les contrevenants s’exposent à une amende pouvant atteindre 6000 euros. En Catalogne, le masque est imposé dans tous les lieux publics depuis jeudi 9 juillet, y compris en extérieur, et même lorsque la distance de sécurité peut être respectée.
En Italie, cela varie selon les régions. En Campanie (Naples), le montant de l’amende est de 1.000 euros. Là, les mesures ont été durcies récemment. Le masque est imposé dans les édifices publics, les supermarchés, bars, restaurants, commerces ainsi que les transports publics (bus, trains, métros). En Lombardie, le masque est obligatoire depuis début avril. L’amende pour non-respect est de 400 euros voire 3000 euros en cas de récidive. C’est la seule région où l’obligation de porter un masque s’applique aussi aux espaces extérieurs.
Au Portugal, le port du masque est obligatoire dans les transports en commun, dans les commerces, les bars et les restaurants mais aussi les théâtres et les cinémas. Le montant de l’amende en cas de non-respect a été fixé à 350 euros. Depuis le 1er juillet, 700 000 habitants de 19 quartiers populaires de la banlieue de Lisbonne ont été reconfinés à domicile. Initialement prévue pour deux semaines, cette mesure a été étendue dans le temps. Les habitants ne peuvent plus sortir de leur domicile que pour aller travailler, faire les courses ou se rendre à la pharmacie et chez le médecin.
Les Pays-Bas n’imposent pas le masque partout, uniquement dans les transports en commun, à partir de 13 ans. L’amende y est de 95 euros et 350 euros en cas de récidive.
En Allemagne, qui n’avait déjà pas mis en oeuvre le grand confinement au printemps, l’obligation de port du masque varie selon les régions. Dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale qui faisait sa rentrée scolaire le 3 août, les masques ne sont par exemple pas obligatoires dans les écoles pour les 153.000 élèves qui reprennent les cours.
En Grande-Bretagne, il faut désormais porter le masque « dans les magasins, supermarchés, centres commerciaux et transports en commun ». En cas d’infraction, l’amende est de 100 livres soit 109 euros.
En Grèce, le port du masque est aujourd’hui obligatoire pour le personnel et les clients des commerces, mais aussi dans les services publics, banques, transports publics, taxis, ascenseurs, hôpitaux et cabinets médicaux, commerces de détail, salons de beauté et de coiffure. Le montant de l’amende en cas d’infraction est de 150 euros.
Note
1. « Les expériences étrangères en cours comme l’historique des épidémies peuvent laisser craindre des réticences des populations concernées à suivre des instructions locales alors que d’autres populations concernées ne reçoivent pas les mêmes instructions du fait d’un risque moindre. Ainsi, des instructions nationales reposant sur un principe d’autorité pourront être plus suivies que des recommandations locales. A l’inverse, les populations accordent souvent plus leur confiance aux autorités locales, avec une défiance vis-à-vis du national. Ce point majeur d’acceptabilité doit être pris en compte impérativement pour préparer une reprise de l’épidémie localisée dans certaines métropoles. » (p.20) / « Cette communication devra clarifier la doctrine des autorités sur les tests, et sur les décisions à envisager en cas de deuxième vague. Elle devra également s’appuyer sur de nouveaux acteurs porteurs de message, différents des politiques et des scientifiques… Les outils de communication jusqu’alors mobilisés ont surtout privilégié des stratégies de communication descendantes et à dominante sanitaire. Il importe qu’ils soient dorénavant complétés par de nouvelles formes d’implication de nos concitoyens, à travers des dispositifs et des outils de communication plus ouverts, plus participatifs et moins spécifiquement médicaux ou sanitaire, favorisant la formation d’une large « alliance » pluraliste autour de la lutte contre l’épidémie. Cette alliance pourrait associer des acteurs collectifs ou individuels décidant de s’impliquer de manière volontariste dans la lutte contre l’épidémie. . » (p.26)
Avis n°8 du Conseil scientifique COVID-19, 27 juillet 2020, Se préparer maintenant pour anticiper un retour du virus à l’automne