Dimanche 7 mars à 13h – moment privilégié s’il en est, où beaucoup rotent en famille devant le journal télévisé de TF1 –, les porte-parole du pouvoir ont tenu à faire connaître au monde les chiffres du jour lors d’un reportage sur une fumeuse question policière : « Destructions d’antennes téléphoniques 5G : qui sont les incendiaires ? ».
Fin janvier, on se souvient que lors d’un petit concours de calculettes, des « enquêteurs en charge de ces dossiers » avaient décidé de décrisper un peu leur mâchoire pour lancer le chiffre de 121 antennes-relais « vandalisées » en 2020. Un mois plus tard, donc, peut-être pour rentabiliser ce laborieux reportage tourné à l’aide de drones survolant antennes et répartiteur cramés en présence d’un idiot de service parti interroger riverains et autorités de la Haute-Garonne à la Drôme en passant par le Jura, c’est rien moins que le colonel sous-directeur de la police judiciaire à la Direction générale de la gendarmerie nationale qui a délivré en personne le sermon dominical : selon lui, au cours des dix derniers mois, 90 sites d’antennes auraient été « dégradés » et 31 personnes interpellées par ses services.
Quant à la conclusion de cette grrrande enquête télévisée de trois minutes trente sur le fameux qui ?, n’intéressant au fond que les flics de la cellule Oracle et tous leurs souteneurs, ce seraient selon notre fin limier galonné « des personnes ancrées dans des idéologies fortes contre le progrès, le capitalisme ou le politique. Ils se revendiquent généralement de l’ultra-gauche. D’autres se sont radicalisés pendant ou après le mouvement des Gilets jaunes ou adhèrent à d’autres idées comme le complotisme par exemple. » Loin des mille et unes bonnes raisons de s’en prendre à ce genre de structures de télécommunication qui contribuent par exemple à mutiler notre sensibilité tout en perfectionnant l’exercice du pouvoir, il est en effet plus commode de réduire l’ensemble de ces velléités destructrices à de petites cases policières. Mais qu’est-ce que d’étroits cerveaux dressés en défense d’un monde d’aliénation et d’autorité pourraient de toute façon comprendre à quoi que ce soit qui s’y oppose radicalement ? Rien, et c’est tant mieux.
Bien qu’une formule éculée affirme parfois ironiquement et souvent de façon résignée qu’on ne peut arrêter le progrès (décidé par qui, quand, comment ?), il semble en tout cas que les réseaux qui alimentent le système techno-industriel soient au minimum plutôt sensibles à la chaleur… et que cela commence manifestement à se savoir. Pour ne plus subir les progrès de la domination sur et contre nos vies, comme pour savourer ici et maintenant un certain goût de la liberté en acte.
Des technosensibles,
10 mars 2021