Des nouvelles de la cellule Oracle…

Déploiement de la 5G : qui sont les activistes radicaux
qui brûlent des antennes ?

Le Figaro, 6 juillet 2020 (extrait)

Alors qu’aucun équipement 5G n’est encore déployé sur notre territoire, des individus s’en prennent aux antennes déjà mises en place pour la 4G. Depuis le début du confinement, les attaques se sont multipliées et une bonne soixantaine de dégradations sont dénombrées. D’obscurs groupuscules sectionnent les câbles, mettent le feu aux installations, entraînant des dommages de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Face à cette recrudescence, les forces de l’ordre sont mobilisées.
Côté gendarmerie, on a réactivé une cellule baptisée Oracle pour savoir qui se cache derrière ces actions et s’il existe des liens entre les auteurs. Les enquêteurs cherchent à vérifier s’il existe une pseudo-armée secrète levée contre la 5G avec de possibles connexions à l’étranger. Car de l’autre côté de la Manche, notamment, une guerre plus musclée qu’en France y est déclarée. Côté police aussi, un important travail de recoupement est mené pour traquer de possibles équipes.

Même si nombre d’enquêtes sont toujours en cours, les premiers résultats révèlent des auteurs bien différents. Cela va de Pieds nickelés à l’ultragauche en passant par des « gilets jaunes », des militants complotistes ou des profils radicaux luttant pour l’environnement. Les frontières étant loin d’être étanches entre ces groupes, les enquêteurs tombent parfois sur des individus baignant plus ou moins dans tous ces milieux. Ainsi, le 26 mai dernier dans le Jura et après la dégradation d’une antenne, l’un des deux hommes arrêtés a, pour justifier ses actes, mis en avant de théories complotistes tout en se disant sympathisant de l’ultragauche. Il aurait aussi reconnu l’incendie d’un restaurant McDonald’s… « Souvent les motivations alléguées sont peu claires. Certains s’en prennent aux antennes parce que c’est tout simplement dans l’air du temps », rapporte un proche de ces dossiers. Des individus passent d’une cible à l’autre. « Ils s’étaient donné le frisson en brûlant des radars et maintenant ils s’en prennent aux antennes », décrit le député (LREM) Éric Bothorel, impliqué au Parlement dans les groupes de travail liés au numérique.

Quant à l’ultragauche, cette dernière a relayé en mars dernier, via les réseaux sociaux, divers appels à la mobilisation pour « une action directe contre les moyens de communication ». « Elle s’en prend à la 5G car celle-ci incarne Big Brother, la surveillance
généralisée par l’État », décrypte un proche de ces affaires. Mais ce spécialiste estime aussi que la mouvance anticapitaliste s’est
positionnée sur ce thème par opportunisme. « Pendant le confinement, où il n’y avait pas de manifestation, elle a trouvé cette cause pour exister. » L’ultragauche pourrait, selon lui, délaisser la 5G si elle trouve d’autres théâtres d’action plus visibles. La rentrée qui s’annonce tendue pourrait lui en donner l’occasion. D’ici là et durant l’été, elle pourrait continuer à mobiliser ses troupes contre les antennes relais.


Militants libertaires, écologistes, adeptes de théories du complot… Qui sont ces opposants à la 5G qui sabotent des antennes-relais ?
France info, 9 juillet 2020

Des pylônes incendiés, dégradés, parfois même découpés aux quatre coins de la France… À chaque fois, il s’agit d’actions anti-5G, la cinquième génération de réseau de téléphonie mobile dont les fréquences ne seront attribuées aux opérateurs qu’après les enchères prévues en septembre prochain. Derrière ces actions, des profils très variés et très organisés qui compliquent la tâche des enquêteurs.

Dans le Jura, deux opposants doivent être jugés, jeudi 9 juillet, par le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier, deux hommes, âgés de 39 et 58 ans, voisins à Foncine-le-Haut. C’est dans ce petit village du Haut-Jura qu’ils sont soupçonnés d’avoir mis le feu à une antenne-relais, le 15 avril dernier. Tous deux ne sont pas vraiment connus pour des idées anarcho-libertaires. Le plus âgé venait de reprendre la pizzeria du village. « C’était quelqu’un de placide, très agréable au contact, affirme l’ancien maire Gilbert Blondeau, c’est pour ça que je suis assez surpris de son acte. Il n’avait pas une attitude activiste reconnue, il n’y a absolument pas de prémices de ce passage à l’acte. »

Cinq jours avant les faits, deux autres antennes-relais brûlent à 50 kilomètres de là, dans un village voisin, à Saint-Thiébaud. Mais les enquêteurs n’ont pas affaire au même mode opératoire : les équipes ne laissent pas de trace. La structure des antennes est incendiée, les dégâts sont estimés à 800 000 euros.

À Foncine-le-Haut, le pylône n’a pas totalement brûlé, seulement les boîtiers techniques au pied de l’antenne, pour 20 000 euros de dégâts. Des traces ADN sont retrouvées, permettant l’interpellation des deux suspects. Ce n’est pas vraiment un profil d’ultra-gauche selon le procureur de la République de Lons-le-Saunier, Lionel Pascal, « en revanche, ils sont très proches de la nature ». Le procureur s’explique : « Le plus jeune des deux notamment ne cesse d’aller promener son chien en forêt, et un jour il explique que, passant dans un endroit qu’il connaît archi bien, il constate qu’il y a des bulldozers qui sont là et qui ont couché des arbres. Il a la certitude que ces travaux sont en réalité des travaux pour installer une antenne 5G, et donc il met le feu à quatre engins de chantier. »

Le suspect fait 700 000 euros de dégâts. Ces deux hommes reconnaîtront aussi avoir tenté d’incendier un restaurant McDonald’s à Champagnole (Jura) début mai. Ils encourent jusqu’à dix ans de prison devant le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier.

Plus d’une cinquantaine d’attaques ont eu lieu depuis la mi-mars, notamment en Rhône-Alpes, dans le Val-de-Marne, en Bretagne ou encore dans le Sud-Ouest, selon la GSM Association, qui en recense même 182 dans 11 pays d’Europe. Le phénomène reste difficile à comprendre tant les motivations sont diverses. En s’attaquant à une antenne-relais, on s’attaque aux communications, à l’économie, on peut défendre l’environnement, ou même encore être adepte des théories du complot qui affirment que la 5G est responsable du coronavirus.

Les revendications sont d’ailleurs rares, sauf en Isère, où cinq attaques d’antenne-relais ont eu lieu ces derniers mois. Deux d’entre-elles ont été revendiquées par l’ultra-gauche libertaire. Le procureur Éric Vaillant a saisi le parquet national antiterroriste… sans succès. « J’estime que ces dégradations par incendie, revendiquées par l’ultra-gauche le plus souvent, pourraient correspondre à des actes terroristes tels que définis par l’article 421-1 du Code pénal, explique-t-il. Cet article prévoit que les dégradations, lorsqu’elles sont commises avec le but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, sont des actes terroristes. »

Depuis le mois de mai, une cellule de la gendarmerie, baptisée « Oracle », centralise tous ces dossiers. Cette cellule cartographie toutes les actions de ce type pour établir des liens entre différents modes opératoires dans différents départements afin de faciliter le travail des enquêteurs. Mais le sujet est « sensible », confirme une source proche du dossier à franceinfo.

Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il commence à inquiéter les opérateurs de téléphonie mobile. Sur les 130 000 antennes-relais en France, seules quelques dizaines sont touchées, selon les opérateurs, qui expliquent ne pas vouloir jeter d’huile sur le feu. Nicolas Guérin, le président de la fédération française des Télécoms, espère un dialogue avec les détracteurs de la 5G. « En France, on a la réglementation la plus stricte du monde quasiment sur l’implantation des antennes, explique Nicolas Guérin. Il faut une autorisation de l’Agence nationale des fréquences, des autorisations d’urbanisme, et quand vous demandez une autorisation d’urbanisme, vous devez envoyer un dossier au maire avec votre projet complet. Ensuite, le maire doit organiser un dialogue avec les concitoyens pour expliquer qu’une antenne, qui va diffuser telle ou telle fréquence, peut être installée sur la commune. Il y a, à ce moment-là, la possibilité d’avoir un dialogue. » 

Le président de la fédération française des Télécoms explique participer à ces dialogues locaux, qui leur donne la possibilité de s’exprimer, « en expliquant que la 5G ne véhicule pas le Covid, qu’elle ne tue pas les abeilles, avec des faits, des arguments très factuels… Et ça, il faut aller sur le terrain. » Il appelle les collectivités et les pouvoirs publics à organiser des débats pour qu’il puisse présenter des arguments factuels et scientifiques.