Dans une partie des zones mapuche, soit les quatre provinces de Bío Bío, Arauco, Malleco et Cautín, l’Etat chilien a décrété l’état d’urgence le 12 octobre dernier suite à l’offensive des groupes de lutte qui multiplient les attaques d’intérêts forestiers et les occupations de terres. Cela signifie notamment une augmentation de barrages policiers sur les routes freinant la circulation de la population, et surtout l’occupation du territoire avec des militaires des forces armées venus renforcer flics et carabiniers sur le terrain pour protéger les exploiteurs de ressources. Aujourd’hui 27 janvier, cet état d’urgence (nommé Estado de Excepción Constitucional) vient d’être reconduit pour la huitième fois consécutive depuis octobre par le Parlement, fixant son nouveau terme au 24 février.
Lors d’un bilan réalisé début janvier portant sur les 100 premiers jours de cet état d’urgence, le gouvernement du Président Piñera a pu se vanter de près de 56 700 contrôles de personnes et véhicules réalisés dans ces deux régions et 140 incarcérations, portant à une baisse de 44% des « faits de violence rurale ». Cependant, on ne peut que remarquer que malgré la lourde occupation militaire, les attaques incendiaires, tirs et barrages contre les flics n’ont de loin pas cessé, en passant officiellement de 108 au cours des cent jours précédents (juillet-septembre) à 89 depuis octobre. Et même l’arrivée du nouveau maître de gôche au pouvoir, Gabriel Boric, qui a remporté l’élection présidentielle chilienne de décembre (il prendra ses fonctions le 11 mars prochain), n’a pas changé la donne.
Dans un communiqué, la Coordinadora Arauco Malleco (CAM) a en effet posé n’être « ni avec la droite ni avec le progressisme servile », déclarant refuser le paternalisme qui entend dicter à la population mapuche comment elle doit lutter (soit renoncer à la violence politique), en concluant « nous répondons à cette nouvelle gauche hippie, progressiste et bienveillante qui célèbre à présent un gouvernement social-démocrate, ou pour être plus précis de centre-gauche, que la population mapuche a son propre système autonome »… avant d’inviter la « population rebelle mapuche » à « continuer à résister et à revendiquer la violence politique comme instrument légitime de notre lutte, quel que soit celui qui gouverne et qui maintient le modèle d’accumulation capitaliste et son échafaudage colonial ».
De son côté, une autre organisation de lutte mapuche, Resistencia Mapuche Lavkenche (RML) a précisé dans un de ses communiqués que « Tant que les entreprises forestières et de granulats continueront de dévaster notre territoire, que les entreprises touristiques continueront de profiter de nos ressources et que les prisons du sud continueront d’être remplies de Mapuche, le weichan [la lutte] ne s’arrêtera pas. Ni avec Piñera ni avec Boric ».
Et maintenant, voici un aperçu des attaques d’entreprises forestières, d’église, de poste de carabiniers ou de résidences pour touristes qui se sont produites en territoire mapuche pendant les mois de décembre 2021 et janvier 2022, malgré l’état d’urgence…
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