Mont-de-Marsan (Landes) : gare aux flics en civil dans les tribunaux…

Mont-de-Marsan : sept gilets jaunes condamnés pour avoir tenté d’incendier l’Urssaf et la direction des impôts
France Bleu, 6 novembre 2023

Les faits remontent au 4 février 2019, avec à chaque fois le même mode opératoire : des pneus ont été incendiés à l’entrée des bâtiments de la direction départementale des finances publiques et de l’Urssaf. L’Urssaf avait d’ailleurs été particulièrement touchée, avec une porte d’entrée et un sas détruits, et des bureaux rendus inutilisables par la fumée, soit plusieurs centaines de milliers d’euros de dégâts [et plus précisément 390 000 euros de dégâts et quatre jours de fermeture].

Si les enquêteurs sont parvenus à remonter jusqu’à ces sept personnes, c’est notamment grâce à une conversation qu’ils ont surpris le lendemain des faits. En effet, le 5 février 2019, un autre sympathisant du mouvement des gilets jaunes est jugé par le tribunal de Mont-de-Marsan. Cet homme est accusé d’avoir participé à une action coup de poing qui a eu lieu un mois plus tôt devant la préfecture des Landes. Une manifestation non déclarée qui avait failli dégénérer.

Des gilets jaunes font donc le déplacement au tribunal pour soutenir cet homme. Ils s’installent dans le public, discutent. Ils finissent par parler de ce qu’ils ont fait la veille et de ces deux tentatives d’incendie, sans savoir que les personnes assises juste derrière eux sont en fait des policiers en civil, qui ne perdent pas une miette de la conversation. L’enquête fera ensuite le reste.

Parmi les sept prévenus, proches du mouvement des gilets jaunes et âgées de 24 à 50 ans, qui étaient jugées ce mardi 7 novembre par le tribunal de Mont-de-Marsan, deux ont déjà fait de la prison. Un huitième suspect, mineur au moment des faits, doit être jugé plus tard par le tribunal pour enfants.
Les deux personnes considérées comme les meneurs, un homme et une femme, sont condamnés à deux ans de prison, dont un an ferme. L’homme bénéficie d’un aménagement de peine sous bracelet électronique à domicile. Elle, absente au procès, ne présente pas les garanties nécessaires. Quatre autres écopent de 10 mois de prison avec sursis. Et le dernier, qui avait déjà un casier judiciaire, est condamné à six mois de prison fermes, aménagés sous un bracelet électronique.

Cinq d’entre eux doivent par ailleurs verser solidairement 87.000 euros à l’Urssaf, ce qui correspond à la somme qui n’a pas été prise en charge par l’assurance.


Téléphones prépayés, filature et cagoule
(extrait de Ouest France, 7 novembre)

Derrière ces incendies, des hommes et des femmes, âgés de 24 à 50 ans. Des gilets jaunes qui, cette nuit-là, basculent du mouvement pacifique dans une tout autre dimension. Des coups de fil sont passés à partir d’un téléphone prépayé pour trouver des forces vives. Une équipe est engagée pour surveiller les policiers montois et rendre compte de leur déplacement. Un appel est passé au commissariat pour les envoyer sur une fausse piste, à la gare, et avoir le champ libre.

Pendant ce temps, deux voitures partent faire le plein de pneus. Puis, direction l’Hôtel des impôts et l’Urssaf. Certains éteignent leur portable et chacun prend soin de dissimuler son visage avec son écharpe ou une cagoule. Pyramide de pneus aspergée d’essence, mise à feu, et tout le monde part. Rapide. Net.

Plus tard, les participants font une photo de repas dans la cabane des gilets jaunes. Sa publication sur les réseaux sociaux sert d’alibi. Évidemment, le téléphone prépayé qui fait le lien entre tous, cette nuit-là, est « malencontreusement perdu ».

Quatre avocats plaident une relaxe. Parmi eux, Me Anthony Sutter : « Dans ce dossier, en définitive, il n’y a pas de géolocalisation, pas d’ADN, uniquement des déclarations [soit des balances réciproques en garde-à-vue], dénonce-t-il. Chacun les utilise les uns contre les autres. Juridiquement, rien ne permet de savoir quand le juge d’instruction ou le ministère public estime que l’action de la dégradation commence. » Alors comment condamner ?

L’enquête

Peu d’indices. Pas de caméra de surveillance. Pas de témoin. Mais un facteur chance. Le lendemain de cette opération, se tient à Mont-de-Marsan le procès d’une tête pensante des gilets jaunes pour tentative d’intrusion dans la préfecture. Dans le public, des soutiens. Certains parlent de l’incendie de la veille. Ils ignorent que des policiers, dans l’assistance, ne loupent pas une miette de leurs confidences. « Très rapidement, cela entraîne l’ouverture d’une information judiciaire, détaille Olivier Janson, le procureur de la République. Cela permet de vérifier si ces rumeurs avaient un fond de vérité. » Les surveillances physiques et techniques sont mises en place. Sur les réseaux sociaux, une photo de la fine équipe intitulée « Repas en famille » permet de fixer les protagonistes. S’en suivent une série d’interpellations et de gardes à vue.