Les Renseignements territoriaux, chasseurs de squats et de banderoles

Dans un « entretien exclusif » publié le 30 mai, le nouveau patron du Renseignement territorial (RT), fort de ses 3100 agents, a décidé de « sortir de l’ombre » pour offrir quelques révélations aux abonnés payants du Figaro. Sur les 160.000 notes annuelles produites par ces flics au service du plus froid des monstres froids, on n’apprendra pourtant pas grand chose, sinon la sempiternelle définition policière de ladite « mouvance d’ultragauche » : « la remise en cause du capitalisme et de l’État, à travers la destruction de biens publics ou privés, et la violence contre les forces de l’ordre ».

On ne retiendra donc ici que deux passages de cette interview, l’un concernant les Jeux Olympiques, et le second concernant leurs cibles dans la mouvance. Les voici reproduits in extenso :

A propos des jeux Olympiques…

« Nous savons qu’un certain nombre d’individus ou de groupes cherchent à perturber l’événement, que ce soit en s’en prenant aux relais olympiques ou en voulant commettre des actes de sabotage pour bloquer une retransmission par exemple. Depuis l’arrivée de la flamme à Marseille, pas moins de 110 actions ont été déjouées, qu’elles soient liées à des manifestations sauvages lancées par des propalestiniens, des déploiements de banderoles relatives à des mouvements sociaux ou hostiles à Emmanuel Macron. Pas moins de 78 perturbateurs ont été interpellés, parmi lesquels figurent des porteurs de couteau et des activistes connus au titre de l’écologie radicale. Enfin, 30 drones ont été brouillés, alors qu’ils survolaient les périmètres sécurisés. Le renseignement territorial constitue un chaînon essentiel de ce dispositif de détection et d’entrave. Par exemple, le 8 mai, plus de 200 agents du RT étaient engagés à Marseille pour déceler, analyser et prévenir tous les risques de troubles à l’ordre public, du plus bénin jusqu’au plus grave. Sur le front du terrorisme, aucune menace ciblant directement les Jeux n’a été détectée, mais le niveau de la menace reste particulièrement haut avec, depuis 2020, dix attaques terroristes et treize projets d’attentats déjoués. Nous nous consacrons ensuite au suivi de la menace contestataire, en particulier liée à l’ultragauche et à l’environnementalisme radical. Ces mouvances ont déjà lancé des collectifs et des appels à mobilisation contre un événement qu’ils jugent au choix polluant, capitaliste ou raciste. Ils pourraient chercher à perturber le déroulement de l’événement ou à cibler certains partenaires des Jeux. »

…et de la « mouvance d’ultragauche »

« Je ne dirai pas que l’ultragauche est en embuscade. Elle est bien présente dans certains fiefs comme Nantes, Toulouse ou Rennes, et sait se saisir de l’actualité pour mener des exactions, comme l’an dernier pendant la contestation de la réforme des retraites. Aujourd’hui, l’ultragauche, qui regroupe de 2000 à 3000 militants, a embrassé l’écologie et s’appuie sur cette cause pour engranger du soutien. Ses militants déclinent des modes d’action bien rodés et tentent de les légitimer. Par exemple, on est passé de la tactique du « Black block », à celle du « White block » ou du « Blue block », autrement dit des couleurs qui rappellent la symbolique de la paix ou de l’eau. On change l’emballage, mais la recette reste la même : la remise en cause du capitalisme et de l’État, à travers la destruction de biens publics ou privés, et la violence contre les forces de l’ordre.

Contre cette mouvance, nous fournissons un renseignement résolument opérationnel. D’un côté, nous informons nos autorités de tout élément utile à leur prise de décision. Concrètement, lorsqu’un préfet veut évacuer un squat d’ultragauche, nous lui disons combien il y a d’occupants, si certains sont connus pour des faits de violence, ou encore s’il y a des personnes fragiles sur place. De l’autre côté, nous signalons immédiatement aux policiers et aux gendarmes nationaux toute information qui laisse présager un trouble à venir, par exemple un militant anarchiste qui se procure un précurseur d’explosif, ou des militants autoproclamés antifascistes qui se déplacent avec des cocktails Molotov. »

[Extraits de « Islamisme, ultragauche, écologie radicale… Les nombreux défis du patron du renseignement territorial », Le Figaro, 30 mai 2024]