Traduit de l’allemand de de.indymedia, 20 octobre 2023
La nuit du 19 octobre, nous avons placé plusieurs engins incendiaires sur les faisceaux de câbles apparents au pied de l’antenne de télécommunication située dans la Herzbergstraße, à Berlin-Lichtenberg. Nous avons tagué sur une remorque le pourquoi de notre apparition sur place : Switch-Off.
En attaquant les structures qui maintiennent ce monde de cauchemar technologisé, s’ouvrent des possibilités pour laisser libre cours à l’instinct de rébellion. Ce ne sont pas tant les analyses et les théories, et encore moins les idéologies, qui nous animent, mais plutôt les désirs et les aspirations, notamment pour quelque chose que même nous, en tant qu’anarchistEs, omettons parfois de dire, ou minimisons, de peur de sembler ridicules. Il s’agit de la liberté. De notre liberté individuelle et de celle de nos semblables avec lesquels nous voulons vivre. Si quelque chose nous empêche aujourd’hui de faire l’expérience de la liberté, ce ne sont pas seulement les conditions matérielles, les frontières ou l’aliénation, mais aussi la smartification poussée de la vie en faveur des technologies, qui déchaînent guerres sanglantes pour les ressources et prétentions au pouvoir, tout en laissant les gens paralysés devant leur écran. Tout cela sert à maintenir la domination et l’ordre social, dont beaucoup profitent. C’est pourtant dans la technologie même, qui nous asservit et est jusqu’à présent le plus grand outil des puissants, que se trouve son talon d’Achille et que nous l’attaquons de manière ciblée.
Certaines critiques des technologies peuvent paraître très sèches et techniques. Il s’agit souvent d’analyses visant à faire comprendre les liens, les dépendances et les « nuisances » de certaines technologies, afin de susciter une attitude critique à leur égard. De manière « objective » et « basée sur des faits », il s’agit d’inciter d’autres personnes à réfléchir à leur comportement de consommation, à leur position sociale, à leurs privilèges et à leur propre prospérité, qui repose sur l’exploitation de personnes et de ressources. Ce n’est certainement pas faux, mais ce type de critique se concentre uniquement sur la raison humaine, dont l’absence est reprochée à de nombreux fétichistEs de la technologie. S’il pensait de manière « logique » et « rationnelle », en étant détaché de la doctrine technologique, l’humain empathique devrait alors en conclure que notre société ne peut pas continuer à exister ainsi. Or, c’est le contraire qui se produit.
À quel projet révolutionnaire cela apporte-t-il quelque chose, qu’une personne isolée réfléchisse à son comportement, quelle en parle fièrement, mais ne sort pas de sa passivité ? Qu’aucune conséquence pratique ne suive les analyses et les pensées ? Aucune perspective à la recherche de révolution sociale ne peut commencer et s’arrêter à la seule « objectivité ».
Bien sûr, les critiques peuvent aiguiser l’esprit, créer et encourager une prise de conscience, mais s’il ne s’agit que d’identifier les différentes « nuisances », cela reste un discours moral limité qui fait la distinction entre les bonnes et les mauvaises causes et comportements. Ce type de critique est beaucoup de choses, mais pas révolutionnaire, et n’incite pas grand monde à agir de manière subversive. Il est donc peu probable qu’une critique aussi limitée puisse inciter les individus à changer leur propre condition et celle des autres. Le changement reste pourtant le facteur décisif et devient une nécessité, même en ne considérant la réalité que de manière fragmentaire. La violence insensée, les guerres absurdes, l’empoisonnement de l’environnement, la violence les uns envers les autres. Pour comprendre tout cela, personne n’a besoin de passer des années à compulser des livres, ni même à faire des études.
Alors, qu’est-ce qui nous pousse donc à agir ? S’il s’agissait de théories « objectives » et « raisonnables » plus ou moins bien formulées, nous vivrions probablement déjà dans un autre monde. Les dominants tirent en fait parti de l’absence de convictions individuelles fortes qui, pour ceux qui y croient encore, pourrait potentiellement se traduire par une conscience de classe. C’est justement la passivité de l’individu qui permet à la domination de conserver son pouvoir. Les exploité.e.s n’ont ainsi jamais autant participé à leur propre oppression qu’ils ne le font actuellement à travers les sirènes numériques. Mais l’autre partie de l’histoire est que l’humain, depuis qu’il fait l’expérience de l’oppression, ressent aussi le besoin instinctif de s’y opposer. Personne n’a besoin d’une théorie sophistiquée pour ressentir douleur et colère face aux abus et aux humiliations.
Alors si « l’objectivité » et les « faits » ont peu ou pas d’effet, que reste-t-il ? Lorsque nous agissons de manière fondamentalement instinctive, les analyses et les théories ne nous aident guère. A l’inverse des états émotionnels forts, comme la peur qui joue également un rôle important. Du point de vue des dirigeants, cette dernière est un processus fonctionnel et complexe visant à nous asservir par le biais d’une situation de menace concrète ou créée artificiellement. La technologie, telle qu’elle est appliquée actuellement, vise précisément à rendre l’humain dépendant en lui promettant de le libérer de ses peurs et de ses « problèmes ». Celui qui est dépendant est contrôlable. Mais les instincts peuvent-ils être contrôlés ? Ce sont peut-être les seuls aspects de l’être humain qui nous donnent la possibilité de nous rebeller pour être libres. Ce sont donc les sensations, les sentiments, mais aussi les peurs, la colère et l’amour qui nous meuvent au sens propre du terme, et cela ne devrait pas être sous-estimé. C’est le cri silencieux de liberté qui surgit parfois en nous, mais qui est trop souvent étouffé par la raison.
Pour le sabotage, pour la sauvagerie exubérante des sentiments et des actions qui en découlent !
Pour l’anarchie !
Des anarchistEs