traduit de l’allemand de de.indymedia, 19 janvier 2022
En ce moment, il semble en vogue de surfer sur la vague des protestations contre la destruction de l’environnement, et surtout contre le changement climatique, en compagnie de politiciens, de scientifiques, d’industriels et de toutes celles et ceux qui aspirent à le devenir. Il s’agit avant tout de se faire mousser ici et là en tant que porte-parole, de se mettre en scène avec des actions médiatiques et symboliques, ainsi qu’avec un radicalisme verbal s’exprimant dans les médias en n’hésitant pas à casser du sucre sur d’autres. Et particulièrement lorsque des individus décident de ne pas participer à ce ridicule jeu politique pour plutôt attaquer là où la destruction de l’environnement se déroule effectivement, là où l’attaque ne se dirige pas juste contre quelques simples clichés diabolisés, mais touche aussi l’ensemble des hypocrites qui savent si bien se présenter comme “sympathisant-e-s du climat”. En réalité, alors que l’environnement se fait défoncer plus durement que jamais, ils et elles sont prêt-e-s à se jeter dans la brèche pour condamner ces attaques, déclarer qu’elles vont dans la mauvaise direction, en s’exerçant à la dénonciation.
L’exemple le plus récent a eu lieu il y a quelques jours autour de “la forêt de Kasten” à Munich. Auparavant, il y avait déjà eu des protestations autour de cette forêt qui doit (devait) être abattue pour faire place à une gravière. Des initiatives citoyennes locales, une occupation de forêt organisée principalement par des activistes du milieu d’extrême-gauche, et qui a à chaque fois été expulsée de manière spectaculaire par le SEK (Commandos d’intervention spéciaux de la police) peu après que des personnes aient grimpé dans les arbres, ce qui semble avoir aussi été dans l’intérêt des activistes.
Lorsque, au début de l’été 2021, le courant a été volontairement coupé dans l’Est de Munich, les auteur-e-s de l’attaque ont aussi déclaré que parmi d’autres raisons telles que le sabotage de la grande entreprise d’armement Rohde und Schwarz, la décision du conseil municipal d’abattre la forêt de Kasten, les avait aussi poussé à l’action. En outre, en août 2021, une bande transporteuse a également brûlé précisément dans la gravière qui, mètre carré par mètre carré, arrache déjà littéralement le sol sous la forêt de Kasten. Hasard ? Mais aussi bien lorsque le courant a été coupé à l’Est de Munich qu’après l’incendie de la bande transporteuse dans la gravière qui a causé des millions de dégâts, certain-e-s de ces activistes et politicards qui s’étaient mis-e-s en avant médiatiquement lors des occupations de la forêt et des manifestations, se sont aussitôt empressé-e-s de déclarer à la presse qu’ils et elles n’avaient évidemment rien à voir avec cette sorte d’attaques, mais étaient pour des protestations pacifiques.
Début janvier 2022, les journaleux ont relaté une autre attaque dans la forêt de Kasten. Il y aurait eu environ 20 000 euros de dégâts, quand un engin forestier (un débardeur) y intervenant a eu ses pneus crevés, a été tagué avec des slogans comme “Défendre la forêt” et “barrez-vous” et a eu son pot d’échappement bouché avec de la mousse expansive. L’engin appartient au Service des forêts municipal. Alors que la ville s’est empressée de souligner que cette machine servait à “l’entretien annuel d’hiver [des arbres]”, les condamnations de telles attaques ont plu dans la presse et sur les réseaux sociaux du côté de clowns politiques dont j’aimerais parler ici.
Une certaine Lisa Poettinger qui se définit comme “étudiante et activiste en justice climatique ” écrit : “Le sabotage, oui, mais seulement quand cela fait sens […]. Dans la forêt de Kasten, c’est à présent une infrastructure d’ENTRETIEN des arbres qui a été attaquée, et Kristina Frank (CSU) n’hésite pas une minute à nous mettre en lien avec cela. Mais le sabotage ne signifie pas détruire n’importe quoi sans critères. Cela signifie paralyser les choses qui contribuent de manière disproportionnée à la destruction de nos conditions de vie. Ce qui n’est pas le cas des engins d’entretien des arbres. Cependant, nous pouvons supposer que c’est du pain béni pour les climato-sceptiques afin de nous discréditer.” Le sabotage n’est donc justifié que lorsque cette chère Lisa Poettinger le permet, si je comprends bien ?
Quant à Tadzio Müller, il vient à la rescousse, en écrivant sur Twitter : “éprouver l’urgence de la crise climatique et être pour le sabotage pacifique veut aussi dire réfléchir très précisément sur où ont lieu les avancées les plus dures, et où pas. Dans l’infrastructure d’entretien des arbres… ? Il est de mise que plus l’action est offensive, plus la prudence doit être grande.” Ce sont des mots étranges venant très précisément de Tadzio Müller, celui-la même qui a récemment attiré l’attention sur lui lors d’une interview donnée au journal Spiegel, où il annonçait pour ainsi dire l’existence d’une “RAF verte”, se mettant ainsi en scène sans aucune considération pour les conséquences qu’entraîne un tel radicalisme verbal, dans lequel le membre d’un milieu parle de l’existence d’autres personnes de son milieu. Ok, qui n’aimerait pas voir, par exemple, le conseil d’administration de RWE ou divers lobbyistes du nucléaire dans un coffre de voiture ? [référence à l’ex lieutenant des SS devenu représentant du patronat allemand, Hanns-Martin Schleyer, enlevé en 1977 par la RAF avant d’être exécuté, NdT]. Mais s’attaquer à une machine qui sert à la fois à éclaircir et à défricher la forêt, cela va trop loin ?
Quant à l’association dont on ne sait toujours pas si elle est fasciste ou de gauche, Extinction Rebellion, et qui s’est fait connaître en versant de la peinture dans les cours d’eau pour attirer l’attention, elle vient mettre à son tour son grain de sel : “Extinction Rebellion Munich se distancie de l’absurde action consistant à dégrader des engins d’entretien des arbres, d’autant plus qu’elle a eu lieu en dehors de la saison d’abattage [Ah bon ? En Allemagne, la saison d’abattage est toujours au cours de l’hiver ; note de l’auteur] et alors que le processus de décision sur le sort de la forêt n’est pas encore terminé. Face à cela, nous craignons que les Conservateurs et les Néolibéraux essaient de nous discréditer avec cette action irréfléchie. – à notre avis, les cibles de sabotage ne peuvent être que des choses qui menacent notre existence même, comme une bombe à la maison.”
Ce qui frappe chez Extinction Rebellion, Lisa Poettinger et Tadzio Müller, c’est qu’ils reprennent de manière acritique le vocabulaire du Service municipal des forêts et des médias : “entretien des arbres”. Plusieurs photos montrent pourtant plus que clairement de quelle sorte d’ “entretien” cet engin est responsable, et ici ou là l’engin dégradé est même plus précisément caractérisé dans les médias comme étant un “débardeur/broyeur forestier”, tandis que sur les photos, un symbole d’avertissement sur une remorque elle aussi dégradée permet de voir clairement qu’il s’agit d’un réservoir de carburant sur roues. Il se peut que l’activisme climatique de Lisa Poettinger et Tadzio Müller – sans parler de celui d’Extinction Rebellion – ne soit pas dû au fait qu’ils aient une quelconque relation avec leur environnement, mais soit plus motivé par quelques chiffres et diagrammes brillants sur leurs écrans. Mais même eux auraient pu comprendre qu’ “entretien des arbres” n’est ici qu’un euphémisme pour abattage des arbres.
***
Que penser de tels idiots qui se sont d’abord fait un nom au sein d’un milieu d’activistes environnementaux et climatiques avec des slogans (parfois) radicaux, pour ensuite, une fois parvenus en place, sonner la retraite, condamner et diffamer toute attaque incontrôlée contre des responsables de la destruction de l’environnement ? Et plus grave encore, qui se livrent aux basses manœuvres contre-insurrectionnelles vieilles comme le monde consistant à diviser un mouvement entre le bon activiste climatique et le méchant vandale nuisible à la communauté, agissant soi-disant de manière irréfléchie et indiscriminée. Ces personnes peuvent-elles être considérées comme des alliées ? Et si ce n’est pas le cas, pouvons-nous tolérer leur présence dans un mouvement qui semble de plus en plus suivre la direction qu’ils proposent, à savoir un radicalisme verbal accompagné de tactique politique et d’une alliance presque ouverte avec certains secteurs industriels comme l’éolien ou le solaire ?
Pouvons-nous, si nous voulons sérieusement mener la lutte contre la destruction de la biosphère, faire quoi que ce soit avec un tel mouvement ? Je pense qu’au lieu de suivre la direction proposée par Andreas Malm dans ce même objectif (en tant qu’alternative au fait de faire péter des pipelines, comme l’indique le titre de son livre) et de s’adonner à de pseudo-sabotages contre des SUV (en dégonflant leurs pneus), il serait peut-être plutôt temps de discuter de ces questions pour chasser de manière conséquente des luttes sur le climat tou-te-s les politicard-e-s, qu’il s’agisse de ceux du Parlement ou de ces prétentieux extraparlementaires dont il est question ici, ou au moins affirmer ouvertement que les sabotages ne font pas partie de l’arsenal de celles et ceux qui ne veulent qu’ouvrir la voie à une nouvelle industrie.