[Lundi 12 juin au petit matin, saisissant l’occasion d’un chantier ouvert dans la zone industrielle de Berlin le long de la rivière Spree, le groupe Volcan Lützerath a incendié une douzaine de gros câbles à haute-tension enterrés et désormais mis à nu… câbles qui alimentaient la centrale électrique à charbon Reuter.
On se souvient que les premières attaques de groupes Volcan contre des infrastructures électriques ou de fibre optique (en prenant le nom de volcans islandais comme « Le grondement du Eyjafjallajökull », « Hekla » ou « Grimsvötn ») remontent à mai 2011 à la gare de Berlin-Ostkreuz, provoquant une perturbation de la circulation des trains pendant plusieurs jours, puis en mai 2013 contre un conduit de câbles à Berlin-Zehlendorf, perturbant encore une fois le trafic ferroviaire. En mars 2018, un groupe Volcan avait également incendié sous le pont Mörschbrücke (à Berlin-Charlottenburg) deux grosses liaisons de fibres optiques et de câbles électriques appartenant à différents gros opérateurs civils et militaires, avec des dégâts conséquents. Enfin, le 15 avril 2020 à Berlin-Charlottenburg, un groupe Volcan avait cramé les gros câbles de communication qui alimentaient notamment le «Heinrich Herz Institute », l’institut alors chargé par l’État de travailler sur une application pour smartphone de type pass sanitaire dans le contexte du Covid-19. Ou encore le 26 mai 2021 à Berlin-Grünheide, un groupe Volcan avait incendié avec succès six câbles électriques à haute tension qui alimentaient le chantier de construction de la Giga-Factory de l’entreprise Tesla.
Nous livrons ci-dessous la traduction de l’allemand du très long communiqué de revendication de l’attaque du Vulkangruppe Lützerath contre la centrale électrique à charbon berlinoise, paru le 13 juin sur Indymedia allemagne.]
Attaque contre une centrale électrique au charbon à Berlin
Le sabotage comme grève – la vie comme sabotage
Notre action est un salut puissant à l’appui des luttes indigènes en Colombie contre l’exploitation du charbon et un sabotage de la politique climatique et industrielle allemande. Contre l’expulsion de Lützerath, cette action est une forme de facture différée. Et une manifestation de solidarité avec « Dernière Génération ».
Le enviamos saludos de apoyo, solidaridad y libertad. Nous vous envoyons des salutations de soutien, de solidarité et de liberté.
No estáis solos : ¡juntos liberaremos la Tierra ! Vous n’êtes pas seuls : ensemble, nous allons libérer la Terre !
Rendez la Terre ! ¡Devuelvan la tierra
Attaquer Glencore, RWE, Steag.
Ce matin du 12 juin 2023 à Berlin, nous avons déposé un engin incendiaire contre la centrale électrique à charbon Reuter et y avons mis le feu. Nous n’avons pas laissé de superglue sur place [référence aux militants pour le climat qui collent leurs mains sur des routes ou des périphériques urbains, NdT], mais avons simplement allumé un engin incendiaire plus important au petit matin. Nous voulions ainsi frapper la centrale à charbon Reuter dans la zone industrielle et commerciale autour des rues « Wiesendamm » et « Freiheit » : nous n’avons pas trouvé de « Wiesen » [Prairie] ni de « Freiheit » [Liberté] à cet endroit-là, seulement un trou de chantier d’environ trois à quatre mètres de profondeur, dans lequel plus de dix câbles à haute tension étaient mis à nu. Pour lancer l’incendie, nous sommes descendus avec une échelle dans le puits d’environ deux mètres de large sur deux.
Notre objectif principal était la centrale à charbon Reuter et une partie de son alimentation électrique, qui compte un imposant pont de câbles à hauteur de l’excavation, passant au-dessus de la rivière Spree et allant dans l’enceinte de la centrale électrique, et ce presque depuis l’existence de cette dernière. Ce pont de câbles, qui n’est pas sans importance, ne figure pas sur les cartes analogiques et numériques actuelles et anciennes ! Il se trouve à la hauteur du tournant de la rue « Wiesendamm », là où des travaux de construction sont actuellement en cours sur l’alimentation électrique, et traverse les jardins familiaux situés en contrebas au-dessus de la rivière Spree. L’exploitant de la centrale, Vattenfall, n’aura aucun intérêt à commenter les conséquences de l’attaque, de peur d’avouer sa vulnérabilité face à l’activisme climatique militant.
Si le village de Lützerath est expulsé au profit du géant de l’énergie RWE, et si des personnes meurent au nom du « charbon de sang » en Colombie pour les géants de l’énergie Steag, Glencore et RWE, nous attaquons ici des parties de la grande centrale à charbon comme mesure de légitime défense. Contrairement aux groupes énergétiques, nous n’avons pas mis de vies humaines en danger par cette action.
Autour de la rue « Freiheit », la camelote de la civilisation est recyclée pour l’industrie. Des usines de béton et de ciment (Cemex, Deutag, Deutsche Teer- und Asphaltschotterwerke, etc.) sont également implantées ici. Plus de 4,6 milliards de tonnes de ciment sont utilisées chaque année dans le monde. Or, sa production génère 2,8 milliards de tonnes de CO². Cela représente près de 8 % des émissions mondiales, soit plus que le trafic aérien et les data centers réunis. CEMEX est loin d’être un petit poisson. Nous avons également rencontré dans ce quartier industriel, des entreprises de sécurité (comme le Sicherungsgruppe Berlin) ou des entreprises de logistique comme Tanklager Berlin ou Train Truck, chargées du transport des produits pétroliers.
Nous considérons notre action comme un frein à la destruction de notre environnement et de nos conditions de vie.
Nous ressentons chaque jour que la ligne rouge du tolérable est franchie. Nous sommes témoins de la glorification sans limite de la croissance économique brutale, du progrès illimité et des ravages incommensurables qui en découlent dans le monde.
Nous voyons, entendons et lisons sans cesse des situations horribles pour les hommes, les animaux et l’environnement, provoquées par la destruction de l’environnement et les guerres.
Manque-t-on d’arguments ? Ou de connaissances ? Faut-il encore convaincre les gens ? Et vis-à-vis de qui ? Ne faut-il pas passer à la résistance active ? Tout a déjà été dit mille fois à travers la voix de femmes, d’enfants, d’hommes, d’un nombre incalculable de personnes. Des paroles dites, criées, désespérées ou muettes. La peau de ces voix était brune, elle était noire, elle était rouge ou jaune, et parfois elle était claire. Ce n’est pas non plus d’hier que tout a été dit, mais depuis des siècles.
L’exemple de la Colombie :
Ici, chez nous, la prétendue fin du charbon est célébrée comme un exemple de durabilité écologique, tandis qu’en Colombie, la mort et la destruction sont échangées en vert contre de l’énergie pour l’industrie allemande : c’est le colonialisme d’aujourd’hui.
La mine « El Cerrejón« , en Colombie, était déjà un crime contre l’humain et la nature avant l’attaque russe contre l’Ukraine. Cette mine de charbon s’étend sur près de 70.000 hectares dans une région semi-désertique de Colombie. Les expropriations forcées, les expulsions, les menaces et les assassinats de militants écologistes indigènes ne sont pas inconnus des Yukpa et d’autres groupes indigènes. Une plaie béante a été creusée sur leurs terres. A cela s’ajoute le meurtre par empoisonnement environnemental. La mortalité infantile est extrêmement élevée. Les membres du groupe ethnique indigène Wayuu décrivent la pollution de l’environnement par la mine de charbon El Cerrejón et par le port maritime connexe de Puerto Bolívar comme une menace pour leur existence.
Chaque jour (!), la mine, appelée « monstre » dans le langage populaire local, engloutit plus de 30 millions de litres d’eau et pollue la nappe phréatique. Tout le charbon qui y est arraché est destiné à l’exportation vers l’Europe, la Chine et les États-Unis. Pour que nous puissions assouvir ici notre soif d’énergie, 30 millions de tonnes de charbon étaient déjà exportées et brûlées chaque année en Allemagne avant la guerre en Ukraine. Selon rbb [média public berlinois], un simple appel téléphonique du chancelier Scholz au président colombien le 6 avril 2022 a suffit pour conduire à l’agrandissement d’une mine de charbon controversée en Colombie
Le jour même de l’entretien entre Scholz et le président Duque, des communautés indigènes ont été « informées » par le ministère de « l’environnement » qu’elles devaient désormais partir pour faire place à l’extension du « monstre« . L’Allemagne a ainsi sécurisé l’exportation de charbon avec des accords conclus depuis la guerre d’Ukraine en acceptant une nouvelle augmentation de CO2. Les communautés indigènes, afro-colombiennes et paysannes sont en revanche dos au mur, par exemple dans leur lutte pour l’eau et la protection de la rivière Bruno à La Guajira. « La rivière Bruno est le plus grand affluent du seul fleuve de la région Río Ranchería. Selon le [journal degôche] « taz », ils doivent déjà « forer de plus en plus profond, et certains puits sont déjà contaminés. L’eau du ruisseau est sacrée pour eux, elle a une signification spirituelle et culturelle. »
L’un des profiteurs est l’une des plus grandes entreprises suisses. Glencore, active dans le secteur des matières premières, qui possède ses propres mines dans le monde entier. C’est le cas du « monstre » en Colombie. Dans le sillage de la guerre, Glencore a pu augmenter sa production de charbon de 14 pour cent entre janvier et juin 2022 pour atteindre les 53 millions de tonnes. Cela est principalement dû à l’extraction dans la mine d’El Cerrejón en Colombie.
Il y a 500 ans, les Wayuu ont été parmi les premiers à être envahis par les conquistadores européens. Plus tard, ils ont été parmi les premières victimes des cartels de la drogue, rackettés, chassés et assassinés, notamment pour le marché de la drogue nord-américain et européen. Aujourd’hui, les Wayuu, les Yukpas et d’autres groupes indigènes vivent à nouveau dangereusement en raison de la proximité de l’or noir, également appelé « charbon de sang » : le colonialisme prend à chaque fois de nouvelles formes, seuls changent les signes avant-coureurs. Il s’agit toujours pour les conquérants de puissance matérielle – d’or, de cocaïne et aujourd’hui d’énergie. Le business que la Colombie réalise avec le charbon s’élèvent à plusieurs milliards d’euros, puis les groupes énergétiques doublent et triplent encore ce bénéfice.
Depuis la guerre d’Ukraine et la visite ultérieure de Scholz en Colombie, les importations de charbon en Allemagne ont atteint 690.000 tonnes en mars – (environ trois fois plus que le mois précédent). Il va de soi que le projet énergétique colonial est accompagné d’un accord économique et de l’accord militaire correspondant ; la guerre et l’économie ne sont pas des phénomènes indépendants l’un de l’autre – ce sont des caractéristiques du colonialisme. La conquête des marchés, l’extorsion de main-d’œuvre et de ressources, l’exploitation de la nature sont des rapports de guerre. Nous voyons les luttes contre ces conditions dans d’autres pays – par exemple celles des Yukpas et des Wayuu – et nous voulons contribuer maintenant – ici et maintenant – à interrompre cette interaction destructrice de vie.
Le géant suédois de l’énergie Vattenfall veut encore et toujours continuer avec le charbon et ses deux centrales thermiques implantées dans la ville de Berlin. Ainsi, Vattenfall (aux côtés des géants de l’énergie Glencore, RWE et Steag) doit également être considéré comme un vainqueur de la guerre. Steag, par exemple, exploite des centrales à charbon sur six sites en Allemagne, représentant environ cinq pour cent de la production totale d’électricité en Allemagne. Le groupe, dont le siège est à Essen, est le cinquième producteur d’électricité allemand ; il est dirigé par la société Kommunale Beteiligungsgesellschaft GmbH & CoKG. Derrière ce groupe se cachent Stadtwerke Duisburg AG (19%), Dortmunder Stadtwerke AG (36%), Stadtwerke Bochum (18%), Stadtwerke Essen (15%) et d’autres.
Dans son premier rapport trimestriel de 2023, Vattenfall fait état d’une augmentation de 62 % de son chiffre d’affaires – le bénéfice du groupe suédois est donc également en hausse. La guerre est rentable. Le commerce meurtrier de l’énergie fossile ne doit pas être rentable un jour de plus ! Nous n’attendrons pas que Vattenfall ferme (peut-être !) ses deux centrales de cogénération au charbon de Berlin en 2030. Nous n’avons pas ce temps.
En Allemagne, le 4 mai est le « Earth Overshoot Day » (jour de la surcharge de la Terre). En ce qui concerne les ressources naturelles, à partir de cette date nous vivons en Allemagne aux dépens de la planète. En matière de comparaison internationale, nous faisons ainsi partie des plus grands tueurs de climat.
Notre soif d’énergie est également alimentée en permanence par de nouvelles technologies intelligentes dont nous aurions soi-disant besoin. La fabrication du béton, la production et la transformation de l’acier et de l’aluminium, l’imperméabilisation des sols, la destruction des terres agricoles, les chaînes d’approvisionnement et logistiques gourmandes en énergie, les SUV, le trafic aérien (croissant), les yachts de luxe, les « smart cities » et tant d’autres choses encore attisent le réchauffement climatique. Dans le domaine des affaires, les vols court-courriers atteindront un total de 100.000 en 2022.
La numérisation de tous les domaines de la vie crée une nouvelle soif d’énergie. L’individu fait l’objet d’une exploitation et d’une surveillance (auto)optimisée. Le fait que le contrôle de l’humain par des systèmes autoritaires peut également conduire à l’anéantissement, par exemple lorsque les personnes sont étiquetées comme « sans valeur », devrait davantage être rappelé dans ce pays. Si le navire de fortune « Summerlove » chavire en Méditerranée centrale [le 26 février 2023, avec à son bord 200 migrants originaires d’Afghanistan et de Syrie qui tentaient de rejoindre la Calabre, faisant 94 morts, NdT] ou si le droit d’asile est encore plus dénaturé et déshumanisé, c’est notamment à cause des « doubles standards » en matière de vies humaines. Nous appelons cela du racisme flagrant.
Des problèmes dans la salle des machines ? par exemple :
Nous ne voulons plus rien avoir à faire avec la logique du profit, avec la croyance dans le progrès comme promesse de bonheur, ni (non plus) avec un contrat social non écrit de « prospérité au détriment des autres ».
Mais aucune vie, aussi consciente soit-elle, ne nous libérera. Nous ne nous échapperons pas en émigrant sur une île ou sur Mars, ni en nous exilant intérieurement, ni en mangeant bio et équitable, ni en participant aux élections ou en les boycottant. Nous ne sortirons pas de la dynamique de nos conditionnements issus du système si nous ne y opposons pas radicalement.
Nous sommes nous-mêmes assis dans la salle des machines, au sein des métropoles ou dans le Nord global – souvent même sans nous en rendre compte. A travers chaque opération de paiement, à travers chaque utilisation de smartphone, à travers chaque participation volontaire et productive au contrat social non écrit qui cimente l’inégalité et la domination comme une loi naturelle immuable, nous devenons des rouages de la machine.
Et avec beaucoup d’autres, nous avons beaucoup outils à portée de main dans la vie quotidienne pour arrêter la machine !
Ici, nous faisons référence au débat et au travail préparatoire d’autres Groupes Volcan comme les nôtres. Assis dans la salle des machines, notre sabotage est une forme de grève pour arrêter le moteur. La vie comme sabotage, le sabotage comme grève. Le sabotage est un excellent moyen d’intervenir et d’attaquer : au sein de l’économie, au sein de l’exploitation et de l’exploitation néocoloniale, et de destruction globale. Exercé à grande échelle, il peut soutenir les luttes.
Qui, sinon nous, peut arrêter la machine en tant que lieu d’extraction de la plus-value économique. La révolution est permanente. Et elle est sociale. Ensemble ! nous pouvons refuser la collaboration quotidienne. Ou pour reprendre les mots du Commando Angry Birds à Düsseldorf : « Notre loyauté ne doit plus être achetée avec des joujoux bon marché et des divertissements à l’eau de rose, ni être forcée par une violence grossière. Chaque grain de sable dans les rouages contribue à bloquer l’expansion de la machine. »
Dans notre cas : si personne ne veut retirer une centrale électrique au charbon du réseau, alors nous le faisons. Si plusieurs groupes le font, nous pouvons faire trébucher les machines.
Nous voulons discuter du sabotage de l’infrastructure au sein de la mouvance, comme forme moderne de l’assaut contre les machines.
Dans sa fonction de lieu économique, la salle des machines est parcourue de fils, de faisceaux de câbles, d’autoroutes de l’information, de faisceaux de rails, de centrales de commande, de nœuds, d’unités administratives et de surveillance.
Mettre hors service, arrêter, détruire les antennes-relais, les télécommunications, les centrales électriques, le trafic de marchandises, les transformateurs et les lignes électriques de manière ciblée et intentionnelle interrompt le fonctionnement dans la salle des machines, arrête brièvement l’engrenage à des points choisis et peut aussi, à plus grande échelle, forcer la fin de projets destructeurs. L’exploitation destructrice des ressources de la Terre, bien au-delà de l’utilisation de l’énergie fossile, exige avant tout de nous le courage d’agir.
Avec notre action, nous nous plaçons dans la continuité des groupes Volcan. Nous avons également choisi ce nom parce que l’expulsion de Lützerath devait avoir une conséquence pour nous tous. Nous saluons les quelque 35.000 personnes qui ont tenté, par tous les temps, de défendre Lützerath avec leurs corps et leur ingéniosité, même si nous n’avons pas tout osé à Lützerath. Nous saluons tous ceux qui ont construit la résistance pendant des années.
RWE et l’économie doivent payer cher l’expulsion de Lützerath. Et avec eux les hypocrites de la politique et les robocops.
Notre action était une petite contribution parmi tant d’autres. Avec notre peur – mais aussi avec notre courage – nous sommes sortis dans la nuit.
La superglue est une arme de guérilla ? Par exemple :
Les tentatives de criminalisation contre les activistes climatiques se multiplient actuellement. Le fait de s’être collé les mains dans la rue a déjà été dénoncé comme… l’émergence d’une « RAF climatique » ! La sénatrice à la Justice de Berlin examine sérieusement si « Dernière génération » est une organisation criminelle. Le syndicat des policiers de choc « GdP » affirme de son côté que les activistes pour le climat « sont devenus encore plus radicaux dans leurs actions de guérilla au cours des dernières semaines ».
Cela a été suivi par une série de perquisitions des enquêteurs (anti-)terroristes en Bavière et dans d’autres régions contre « Dernière génération ». Il est clair que l’attaque contre le mouvement climatique est motivée politiquement et couverte par des instances supérieures.
La justice, en tant qu’arme de la politique, de l’économie et des rapports de propriété injustes, intervient parce qu’une structure organisée ose sortir des formes d’action symboliques pour stopper la mobilité « naturelle » du transport individuel et paralyser les villes. Et ce dans un pays où la voiture est reine. On tente déjà d’éliminer les débuts d’une « désobéissance civile » qui ne s’est pas laissée intimider jusqu’à présent, avec un paragraphe comme le §129 [« constitution ou soutien à une organisation criminelle », NdT].
Cette attaque contre une partie du mouvement pour la justice climatique nous concerne tous, bien au-delà des luttes pour le climat. Car la criminalisation est le signe avant-coureur d’un État de plus en plus autoritaire, lorsque les tensions sociales augmentent suite aux destructions climatiques et aux guerres. Relier les luttes du mouvement pour la justice climatique à d’autres luttes, par exemple celles de l’antifascisme, fait du §129 une arme émoussée (nous envoyons des salutations solidaires à Lina et à tous les antifas qui luttent ou qui sont poursuivis).
En effet, les attaques de l’État contre les actions climatiques très médiatisées ont, selon nous, au moins deux fonctions : diviser le mouvement, le désolidariser de ses soutiens, l’affaiblir de la sorte et pousser une partie du mouvement dans la clandestinité afin de mieux pouvoir le traiter comme un problème isolé.
Mais c’est au mouvement révolutionnaire de décider du moment de l’action militante ou des activités de guérilla selon ses propres critères politiques, et pas la répression !
La défense contre les attaques de l’Etat peut réussir grâce à l’extension des actions radicales et publiques d’une part, et d’autre part au soutien radical de groupes comme le nôtre.
Et la deuxième fonction de l’attaque de l’Etat contre les activistes : le tir de grenades aveuglantes. On détourne l’attention des véritables distorsions sociales dans la société et du mécontentement à leur égard, on efface les conséquences sociales de la destruction du climat et on construit une image de l’ennemi. La colle forte devient alors l’outil de « criminels » sur lesquels on peut tirer, et la colère est canalisée. Ce concept est éprouvé depuis longtemps – par exemple contre les réfugiés. Ce ne sont pas les responsables des injustices sociales mondiales qui sont visés – pas ces riches impitoyables qui s’enrichissent démesurément au détriment de la planète et qui provoquent des mouvements de migration à l’échelle mondiale, mais des groupes comme « Dernière génération » qui défendent des positions très modérées et pacifiques, mais qui le font avec insistance. Ils n’ont pas peur de la superglue, de quelques embouteillages, de revendications tout à fait gérables – mais du fait que cela pourrait être le début de quelque chose de plus grand, et que c’est même peut-être déjà le cas. Du journal Bild au chancelier Scholz, qui déclare que les activistes sont « fous », en passant par les partis FDP, les Verts et l’AfD, tout le monde est d’accord pour vilipender cet ennemi.
L’antidote est ici ; élargir les activités et relier les luttes, par exemple avec les luttes des groupes indigènes en Colombie. Contre les conditions de vie précaires et la destruction du climat, contre la misogynie, contre les alliances patriarcales comme celles des fascistes, de nombreuses forces peuvent être rassemblées pour s’opposer à la domination dans son ensemble. Si un mouvement pour le climat thématise également les autres exclusions sociales, ou s’allie à d’autres mouvements, les tentatives de division par la criminalisation des militant-e-s tombent à l’eau. Et si nous nous soutenons mutuellement, si nous communiquons nos intentions à la société et si nous nous autorisons différentes formes d’action, l’accusation de terrorisme tombe à l’eau. Dans le cas de notre action, discutez de l’intention politique présente derrière l’acte, mais moquez-vous des politiciens, des flics et des chefs de mouvement qui vous demandent de dénoncer les actions.
Il n’y a aucune raison de se distancier de quelque chose que l’on n’a pas fait soi-même. Surtout : politiquement, ne nous distançons pas de nous-mêmes, en tant qu’activistes climatiques, nous avons des stratégies politiques différentes et nous ne devrions rien laisser passer pour sauver la Terre de la destruction. Notre force réside dans la diversité de la résistance.
Ce sont ceux qui brûlent la terre pour un profit sans limite qui sont criminels, pas la résistance contre eux. Les terroristes portent des costumes et siègent dans les conseils de surveillance et les étages de direction de RWE, de Vattenfall, d’Amazon, de Bayer et de Rheinmetall et regardent tour à tour sur leurs écrans les cours de la bourse qui montent et les robocops qui détruisent Lützerath.
Nous leur renvoyons l’accusation d’association de malfaiteurs et de terrorisme avec des salutations enflammées.
Dans ce pays, la « liberté » est professée abondamment, mais les fondations de la « liberté » sont construites sur une terre volée, tandis que son simple échafaudage a été et est toujours construit à partir de vies volées.
Par exemple :
Défendre la vie des indigènes en Colombie
« Rendez la terre ! ¡Devuelvan la tierra ! »
Défendons la vie des indigènes au Mexique – Stop Train Maya
Alto a la guerra contra los pueblos zapatistas ! – Stop à la guerre contre les pueblos zapatistas !
Si tocan a un@, nos tocan a tod@s – S’ils touchent à l’un d’entre nous, ils nous touchent tous.
Arrêter la production d’énergie fossile par le sabotage
Attaquer Glencore, RWE, Steag
Impunité pour tous les activistes climatiques
Impunité pour tous les antifascistes
Le sabotage comme grève – la vie comme sabotage
Friends of the last generation – Groupe Volcan Lützerath