Berlin (Allemagne) : attaque incendiaire contre le géant mondial du béton Cemex

La nuit du 26 au 27 décembre 2023 à Berlin, le site du bétonneur Cemex a subi une attaque destructive en règle. Pour rappel, la multinationale d’origine mexicaine Cemex est l’un des trois plus gros producteur mondiaux de béton et de ciment (aux côtés de Lafarge-Holcim et du chinois CNBM), en exploitant notamment près de 120 usines et carrières en Allemagne.

Sur son site berlinois situé au bord de l’écluse de Kreuzberg, c’est vers 3h20 que des riverains ont constaté des incendies allumés à différents endroits et ont alerté les pompiers. A leur arrivée, ces derniers ont constaté que cinq camions toupie, la ligne de convoyage des matériaux en vrac (soit le tapis-roulant) ainsi que des parties d’un bâtiment technique près des silos étaient en flammes. Ils ont mis près de deux heures pour parvenir à éteindre les différents foyers allumés sur le site industriel, en restant sur place jusqu’à huit du matin pour éviter toute reprise des incendies.

Quelques heures plus tard, cette attaque « contre la destruction de l’environnement, l’oppression et la guerre » a été revendiquée sur le site allemand indymedia, un communiqué dont on trouvera ci-dessous la traduction.



Contre la destruction de l’environnement, l’oppression et la guerre – Feu à l’usine de béton CEMEX

(traduit de l’allemand de indymedia.de, 27 décembre 2023)

Inspirés par une série d’actions et de sabotages contre « le monde du béton » en France (2), en Belgique et en Suisse, nous nous sommes rendus aux premières heures du 27 décembre à l’usine de béton CEMEX, située sur les rives de l’écluse à Berlin-Kreuzberg, où nous avons utilisé le feu pour retirer plusieurs bétonnières de la circulation et immobiliser le tapis roulant ainsi qu’un bâtiment technique.

Un champion parmi les tueurs de climat

Le désert de béton et d’asphalte ne cesse de s’étendre. Rien qu’en Allemagne, ce sont jusqu’à 30 hectares de sols vivants qui sont ensevelis chaque jour sous le matériau de construction le plus demandé. Les routes, les places, les centres commerciaux, les installations industrielles et les maisons ; d’énormes parties de la surface terrestre sont déjà scellées et les projets d’infrastructure tels que les barrages, les autoroutes, les ponts, les aéroports, etc. engloutissent chaque année plusieurs milliards de tonnes de béton supplémentaires.

Tout cela n’est pas sans conséquences. Le béton est considéré comme le tueur du climat par excellence. Près de 10 pour cent du dioxyde de carbone que ce système rejette actuellement dans l’air provient de l’industrie du ciment. C’est presque trois fois plus que le trafic aérien. Parallèlement, la production de béton consomme d’énormes quantités de ressources. Le sable, notamment, indispensable à la production, se fait déjà rare, ce qui explique que des zones côtières et parfois des îles entières soient démolies dans le monde entier. Avec des effets dévastateurs sur les écosystèmes environnants. De même, l’imperméabilisation croissante des sols a des conséquences catastrophiques. Les espaces urbains se réchauffent de plus en plus, tandis que l’eau de pluie ne peut plus s’infiltrer dans le sol. Les nappes phréatiques ne se remplissent plus comme avant, ce qui entraînera à long terme une pénurie d’eau en de nombreux endroits, ou l’a déjà fait. Sécheresse et aridité en sont d’une part le résultat, tandis qu’en d’autres endroits, les fortes pluies de plus en plus fréquentes provoquent inondations et érosion. Bien plus encore, chaque mètre supplémentaire de béton détruit des habitats et des sources de nourriture. La perte de surfaces naturelles et le manque de végétation entraînent une diminution de la biodiversité, ce qui a une influence sur de nombreuses populations animales et végétales et entraînera l’extinction de certaines espèces.

Dommage que le béton ne brûle pas

Le béton est devenu le symbole de toute une époque. Une époque où le capitalisme a célébré son expansion jusque dans les moindres recoins de la planète et a coulé cette victoire dans le béton sous forme de constructions monumentales dans les centres de pouvoir des métropoles. Le monstre appelé « civilisation » a fait le tour du monde en empruntant un réseau de routes qui a ouvert la voie à l’exploitation et à la valorisation de l’homme et de la nature à l’échelle industrielle.

Mais depuis toujours, il y a aussi une résistance contre elle. Dans le Sud global, où les effets du changement climatique se font le plus sentir jusqu’à présent et où la domination occidentale trouve son prolongement néocolonial dans l’exploitation des ressources et de la main-d’œuvre, il existe d’innombrables foyers de conflit. Des révoltes déclenchées par des menaces existentielles, lors desquelles des humains s’opposent à la destruction de leur environnement par tous les moyens imaginables. Ironiquement, il n’est pas rare que les causes de tels conflits soient actuellement liées à l’ouverture de nouveaux marchés pour les prétendues « technologies vertes » et à la soif de matières premières qui les accompagne. Si nous ciblons ici les responsables de cette misère, nous le faisons aux côtés de toutes celles et ceux qui n’ont pas le choix. Car comme alternative à la résistance, beaucoup n’ont d’autre choix que la fuite ou la mort.

C’est pourquoi il est presque cynique de voir une partie du mouvement climatique de ce pays [l’Allemagne, ndt] se distinguer surtout par des demandes bienveillantes adressées à la politique, qui nous a mis dans le pétrin et ne montre aucun intérêt, pour qu’elle renonce d’elle-même à ses privilèges et à la prospérité. Ces activistEs tombent ainsi dans le piège de vouloir plaire aux conceptions morales bourgeoises, avec leur profession de foi mensongère en faveur du renoncement à la violence. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.
Pendant le mouvement anti-nucléaire, par exemple, des centaines de pylônes électriques ont été sciés dans toute l’Allemagne et les transports de déchets nucléaires Castor n’ont pas pu être menés à destination sans rencontrer un sabotage massif de l’infrastructure ferroviaire. Les protestations contre la piste de décollage ouest à Francfort-sur-le-Main ou contre l’usine de retraitement de Wackersdorf ont été accompagnées d’émeutes régulières auxquelles ont participé des milliers de personnes.
Alors pourquoi les conflits actuels sont-ils si conformistes au moment même où ils sont plus nécessaires que jamais ? Si nous voulons stopper durablement la destruction de la planète par la machine industrielle, il n’y aura pas d’autre solution que de se confronter à cette société issue d’une exploitation impitoyable qui a succombé à la foi aveugle dans le progrès. Dommage que le béton ne brûle pas.

 

Le sale business de l’or gris

En attaquant l’entreprise CEMEX, nous avons touché l’un des plus grands producteurs de béton au monde. CEMEX Deutschland AG est rattachée à la société mère CEMEX S.A.B. de C.V., dont le siège est au Mexique, et dispose dans le monde entier de 64 cimenteries, 1.348 usines de béton prêt à l’emploi, 246 carrières, 269 centres de distribution et 68 terminaux maritimes. L’entreprise participe à des projets d’infrastructure et de construction à grande échelle dans plus de 50 pays. C’est le cas de l’extension controversée de l’autoroute urbaine A100 à Berlin. Une tombe de 560 millions d’euros que le gouvernement nous a balancée à la figure. En fabriquant et en livrant les quelque 170.000 m³ de béton, CEMEX est l’un des grands bénéficiaires de ce monstre autoroutier qui ouvre désormais une voie en plein milieu de la ville de Berlin et recrachera bientôt une bruyante avalanche de tôle près du parc de Treptow.

Outre les destructions habituelles de l’environnement qui font partie des activités quotidiennes de ce secteur, CEMEX a cependant une autre histoire particulièrement sanglante à son actif en ce qui concerne le Proche-Orient, que nous souhaitons évoquer à l’heure où une guerre dévastatrice fait à nouveau rage à Gaza. En 2005, Cemex a avalé l’entreprise israélienne Readymix Industries, qui fournissait du béton pour le mur israélien et participait à la construction de points de contrôle militaires en Cisjordanie, dont les points de contrôle de Hawara et Azun-Atma. CEMEX gagne de l’argent en construisant des colonies et des avant-postes illégaux en Cisjordanie et y exploite des cimenteries à Mevo Horon, Atarot et Mishor Edomim, ainsi qu’à Katzerin sur les hauteurs du Golan.
L’entreprise se fait ainsi l’acolyte et l’alliée de la politique d’extrême droite de Netanyahu et de ses partisans fanatiques et religieux dans les colonies de peuplement. Ces structures n’ont qu’un seul objectif : empêcher les Palestiniens de mener une existence digne sur cette parcelle de terre par le harcèlement, l’oppression, la violence et l’expulsion, ce qu’ils paient de leur vie dans le pire des cas. Rien ne peut justifier la souffrance indescriptible qui résulte de cette politique.

Néanmoins, nous nous garderons de vouloir comprendre cette guerre au Proche-Orient selon le schéma simpliste en noir et blanc du bien et du mal. Nous sommes aussi bien dégoûtés par l’abominable terreur des bombardements de l’armée israélienne contre la population civile de Gaza que par les massacres perpétrés par le Hamas. Même si cette lutte et le nombre de victimes sont très inégaux, il est fatal de vouloir opposer la souffrance des uns à celle des autres. Au lieu de brandir « une seule opinion » ou un seul drapeau apparemment exempt de contradictions, nous tournons notre regard vers ceux qui tirent un profit économique de cette politique belliqueuse et qui s’enrichissent grâce au militarisme et à l’oppression raciste.
C’est aussi pour cela que nous attaquons CEMEX. Et nous le faisons avec la plus grande empathie possible pour la souffrance et la douleur des personnes qui doivent vivre sous la guerre permanente et la militarisation croissante dans la région. Toujours aux côtés de ceux qui luttent pour la liberté de tous, partout. Au-delà de l’État, de la nation et de la religion, et de leurs frontières et armées meurtrières.

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