Des câbles haute tension incendiés : l’ultragauche suspectée
Le Dauphiné, 27 juin 2024
À Noyarey, les auteurs de cette nouvelle attaque s’en sont pris à des câbles aisément accessibles, qui traversent un petit cours d’eau, le Ruisset (ou ruisseau du Gélinot), à la hauteur d’un petit pont qu’emprunte la RD 1532. L’incendie a fortement endommagé ces câbles mais il semble qu’il n’y ait pas eu de coupure majeure dans le quartier, tant dans les habitations que dans les entreprises voisines, ce qui expliquerait que l’incendie n’ait été découvert que mardi après-midi.
Où l’on reparle de Lynred
Selon nos informations, l’acte de sabotage ne fait aucun doute, d’autant plus qu’à quelques mètres des câbles endommagés ont été découvertes des inscriptions signant une forme de revendication sur un panneau de la Métropole souhaitant la bienvenue aux visiteurs du parc d’activité Actipole. Sous le mot Lynred barré d’une croix figurent les termes “Palestine Kanaky libre”. Si la défense de la Palestine et de la Kanakie (“Kanaky” étant le nom donné à la Nouvelle-Calédonie par les indépendantistes) sont des causes habituellement défendues par de nombreuses organisations de gauche et d’extrême gauche, Lynred fait référence à une société dont le siège se trouve à environ 1,5 kilomètre au nord du petit pont de la RD 1532, sur la commune de Veurey-Voroize.
Alimentation électrique
En mars 2022, cette société fournissant des composants électroniques – le spécialiste européen de détecteurs infrarouges – avait été épinglée par le média en ligne Disclose, qui avait révélé que la France avait continué à livrer des technologies militaires de très haut niveau à la Russie entre 2015 et 2020. Parmi les bénéficiaires de ces contrats, Lynred, société soutenue par des fonds publics. Sollicitée par Le Dauphiné Libéré, la société avait indiqué qu’« aucun nouveau contrat n’a été passé avec la Russie depuis l’embargo de 2014. En matière d’exportations, Lynred se conforme strictement aux règles du ministère de la Défense ».
Il est probable que les auteurs du sabotage, qui avaient connaissance de l’accès aisé à cette ligne de 20 000 volts protégée par d’épais tubes, aient ainsi tenté de nuire à Lynred en s’attaquant à son alimentation électrique. Cependant, aucun élément d’information ne permettait d’affirmer ce mercredi que la société ait été touchée par une rupture d’approvisionnement.
Attaques prises très au sérieux
Les enquêteurs de la gendarmerie ne vont pas manquer d’effectuer des rapprochements avec les attaques d’avril 2022 dans le Grésivaudan. Il y a deux ans en effet, une série d’actions de sabotage d’installation électriques attribuée à des groupuscules libertaires avait visé un poste RTE à Froges, des lignes électriques sous le pont de Brignoud qui traverse l’Isère entre Villard-Bonnot et Crolles, puis un poste source haute tension d’Enedis à Meylan. Les grandes entreprises de haute technologie du bassin de Crolles et Inovallée, l’un des principaux parcs technologiques de la région grenobloise, semblaient être les cibles principales des activistes.
Il est probable que ce nouveau dossier aille rejoindre l’information judiciaire ouverte à Grenoble sur ces différents faits ainsi que sur d’autres actions antérieures, qui n’ont jamais été élucidées. Selon nos informations, en cette période de très grande instabilité politique, ces attaques sont prises très au sérieux par les autorités ainsi que par les services de renseignements, qui craignent une multiplication d’actions de ce type au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
Attaque de lignes électriques : un classique de l’action directe
Le Dauphiné, 27 juin 2024
Toujours en avril 2022, un poste RTE à Froges (alimentant notamment la société STMicroelectronics) avait également été incendié, ainsi qu’un poste source haute tension d’Enedis, à Meylan, alimentant Inovallée, principal parc technologique de la région grenobloise. On se souvient également de l’incendie volontaire allumé dans un garage d’Enedis à Seyssinet-Pariset en janvier 2020 : une douzaine de véhicules lourds et un hangar situé avenue de la République avaient été détruits par les flammes, l’action étant revendiquée par un groupuscule d’ultragauche sur une plateforme contributive proche des milieux anarchistes et anticapitalistes
Une violence revendiquée comme légitime
Si les infrastructures électriques sont aussi souvent attaquées par les équipes d’anarchistes, c’est en premier lieu parce que ces actions directes permettent d’atteindre indirectement des entreprises cibles, une attaque directe étant probablement considérée comme trop risquée ou comme impossible du fait des dispositifs de protection et de sécurité mis en place par ces firmes. Même si le cas de Lynred diffère un peu des autres cibles de l’ultragauche dans la mesure où cette société a été plus spécifiquement soupçonnée de continuer à fournir des équipements à la Russie après l’invasion de la Crimée en 2014, le socle idéologique commun à ces actions est la lutte contre les technologies de pointe, considérées comme des outils d’asservissement.