En Corée du Sud, le gouvernement encourage la délation
Courrier International, 6 janvier 2021 (extrait)
Séoul en fait peut-être trop pour maintenir la réputation du pays en tant que modèle de la gestion de la pandémie. Alors que la Corée du Sud est frappée par une troisième vague depuis la fin de novembre, le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité incite la population à signaler toute violation des règles sanitaires (non-port du masque, non-respect d’une quatorzaine, etc.), “promettant des bons d’achat d’une valeur de 100 000 wons [environ 75 euros] aux cent personnes les plus actives dans ce domaine”,révèle Chosun Ilbo.
L’application Safety Report, créée à l’origine pour permettre aux gens de signaler toute situation susceptible de mettre une vie en danger, aurait enregistré 31 312 déclarations relatives au Covid-19 au cours du mois de décembre, soit deux fois plus qu’en novembre, selon le quotidien Maeil Kyongje.
“Avec plus de mille cas quotidiens de contamination, les activités de ‘coparazzi’ [contraction de ‘coronavirus’ et de ‘paparazzi’] s’intensifient”, explique Chosun Ilbo. L’interdiction, décrétée dans la région de la capitale pour les fêtes de fin d’année, de se réunir à plus de cinq personnes aurait en effet entraîné de nombreuses infractions suivies de dénonciations.
L’opinion publique semble partagée quant à ce phénomène. “Signaler ceux qui ne respectent pas les règles sanitaires est important car ces gens-là mettent ma vie en danger, ainsi que celle de mes proches”, déclare une ménagère interviewée par le quotidien.
De son côté, Huh Young, professeur de droit à l’université Kyung Hee à Séoul, estime que “le gouvernement est en train de fabriquer une société de ‘Small Brothers’ où les gens se surveillent les uns les autres, au risque de porter atteinte à leurs droits fondamentaux”, faisant allusion aux photos et vidéos souvent fournies comme preuves lors d’une dénonciation.