Avis aux amateurs : l’Etat se prépare à « délester »…

Electricité : délestages tournants, trains et métros annulés, écoles fermées… le gouvernement demande aux préfets
d’anticiper d’éventuelles coupures

Le Monde, 1er décembre 2022

Le gouvernement va adresser une circulaire aux préfets afin qu’ils puissent anticiper et préparer leurs départements à d’éventuelles coupures programmées de l’électricité, a-t-on appris, mercredi 30 novembre, de source gouvernementale. Cela concerne le territoire métropolitain, à l’exception de la Corse, reliée à l’Italie, et qui dispose de sa propre production électrique.

Le texte sert à « finaliser la préparation du pays », même si des délestages tournants, de deux heures maximum, restent à ce stade une hypothèse, notamment en janvier si l’approvisionnement en électricité vient à poser problème. « On ne couperait que si le froid se confirme, qu’on a un problème de production ou d’interconnexion [avec les pays voisins] et si la consommation ne baisse pas », insiste-t-on de même source.

Dans la pratique, une partie de la population ne sera jamais délestée car prioritaire, ou raccordée par chance à une ligne prioritaire, « ce qui concerne 40 % des gens », selon le gouvernement, ajoutant que les délestages ressembleront aux taches d’une « peau de léopard ». Il n’y aura aucun département délesté en entier, mais seulement des parties minoritaires du territoire. Un foyer pourra être touché à plusieurs reprises et les préfets doivent identifier les 3 800 patients à haut risque dépendants d’un équipement médical à domicile branché sur le secteur pour s’assurer qu’ils disposent d’un générateur personnel ou pour organiser leur transfert dans un centre hospitalier.

Les écoles fermées le matin

Dans tous les cas, les coupures auraient lieu aux moments des pics de consommation, entre 8 heures et 13 heures, et entre 18 heures et 20 heures. Avec comme inconvénient pour les écoles susceptibles d’être délestées, qu’elles soient privées de lumière, chauffage et alarme en matinée. Jeudi, le ministre de l’éducation nationale, Pap NDiaye, a confirmé la fermeture des écoles le matin en cas de coupure d’électricité. « La rentrée des élèves le jour concerné se fera en début d’après-midi, avec sans doute un repas qui sera néanmoins prévu pour les élèves qui sont à la cantine », a-t-il déclaré.

Par ailleurs, « des écoles situées à proximité de structures qui ne subiront pas les délestages » pourront « accueillir les enfants de personnels prioritaires, selon un schéma qui a d’ailleurs été expérimenté pendant la crise sanitaire », a détaillé le ministre. « Il n’y a pas encore de carte de ces délestages, ni bien entendu, y compris pour des raisons de sécurité, des structures prioritaires. Nous allons travailler à tout cela », a-t-il poursuivi.

Les consommateurs prévenus la veille à 17 heures

Pour les voyageurs, certains trains ou métros pourraient être annulés pour éviter d’avoir des passagers bloqués en pleine voie : « Soit ça roule de bout en bout, soit on préférera interrompre deux heures, car être coincé dans le métro deux heures n’est pas une option. »

Un signal EcoWatt rouge serait émis trois jours à l’avance, permettant de connaître un jour avant quels départements seraient concernés, puis de savoir, en bout de chaîne, la veille à 17 heures qui est précisément touché par les coupures en renseignant son adresse sur un site Internet d’Enedis et de Réseau de transport d’électricité (RTE), qui gèrent le réseau français de distribution et de transport de l’électricité.

Selon une autre source proche du dossier, il est demandé aux préfets de présenter des schémas de délestage permettant de réduire à 38 % la consommation dans les zones concernées. La cellule interministérielle de crise travaille sur l’hypothèse que six à dix délestages seront nécessaires sur la période, et des délestages de deux heures touchant six millions de personnes en même temps. La cellule interministérielle de crise travaille aussi à un scénario de black-out mais sans y croire.

Il y a « une situation à risque, mais il ne faut pas considérer ces coupures comme une fatalité », a rassuré le président du directoire de RTE, Xavier Piechaczyk, sur Franceinfo, rappelant la nécessité de baisser la consommation. La consommation d’électricité en France a diminué de 6,7 % la semaine dernière par rapport à la moyenne des années précédentes, une baisse « largement concentrée dans le secteur industriel », selon le dernier bilan de RTE mardi. Cette baisse, « on commence à la voir chez les particuliers, ça frémit (…) de l’ordre du pourcent », a commenté M. Piechaczyk.

La circulaire vient parachever un travail préparatoire déjà effectué par les préfectures pour mettre à l’abri des coupures les sites critiques : casernes de pompiers, gendarmerie, hôpitaux, etc. Quelques sites industriels ont également été placés sur les listes de clients prioritaires, de même que les installations classées disposant de groupes électrogènes qui ont désormais un mois pour en tester leur fonctionnement.

Pour les urgences, il sera recommandé de privilégier le 112. Une cartographie complexe des zones blanches où les antennes téléphoniques relais seraient coupées est en cours de réalisation. La directrice générale d’Orange, Christel Heydemann, a prévenu mercredi que les coupures d’électricité et donc du réseau mobile français cet hiver auraient un impact sur « l’accès aux services de numéro d’urgence ». « Il est illusoire d’imaginer qu’en cas de délestage, on saura maintenir un service continu pour l’ensemble des Français. Les services mobiles, s’ils sont éteints dans une zone géographique pendant deux heures, il n’y aura pas d’accès aux services de numéro d’urgence pendant un temps », a-t-elle déclaré lors d’une audition devant la commission des affaires économiques du Sénat.

« Il y a des systèmes de secours qui permettront de prendre le relais. Néanmoins si les délestages se multiplient, on ne sait pas comment se comportera le réseau », a affirmé Mme Heydemann, ajoutant qu’il « est illusoire d’imaginer mettre des batteries au pied de chacun des sites mobiles en France ». « Il pourrait y avoir des situations où la lumière fonctionne dans un appartement, mais les [réseaux] mobiles ne fonctionnent pas parce que la tour est dans une zone qui est elle-même délestée, et vice-versa », a encore averti la dirigeante d’Orange.

La France est exposée à des risques de coupures, en particulier en raison d’un niveau de production d’électricité nucléaire au plus bas. La moitié de son parc de réacteurs est indisponible à cause de maintenances programmées, mais parfois prolongées, ou de problèmes de corrosion. La crainte de coupures a été ravivée après les dernières prévisions de RTE, le gestionnaire du réseau de haute tension, qui a averti à la mi-novembre d’un risque « élevé » de tensions sur le système électrique en janvier, en raison du redémarrage plus lent que prévu de réacteurs nucléaires d’EDF.


Electricité : Enedis prépare les coupures
Le Monde, 2 décembre 2022

« Nous sommes dans une situation inédite, mais il n’y a pas de stress, pas de fébrilité. Les agents de conduite s’entraînent. » Olivier Loriot, directeur régional, pour le Centre-Val de Loire, d’Enedis (filiale d’EDF) – le gestionnaire du réseau de distribution électrique –, se veut rassurant : « Nous sommes prêts », insiste-t-il, alors que le gouvernement a évoqué, mercredi 30 novembre, de potentielles coupures d’électricité cet hiver, dans le sillage des pénuries engendrées par la guerre en Ukraine.

Derrière lui, plusieurs techniciens, les yeux rivés sur leurs six écrans, scrutent, dans une ambiance studieuse, les 80 000 kilomètres de réseau électrique de la zone. Au mur, d’autres écrans diffusent en direct la météo, selon une série de critères sophistiqués. De temps à autre, une alarme retentit pour signaler un incident.

Rompus à la gestion quotidienne des pannes, ces opérateurs savent qu’en cas de problème d’approvisionnement national ils seront aux premières loges. « Notre préparation s’est intensifiée,assure M. Loriot, et ce, depuis les toutes premières alertes de RTE [Réseau de transport d’électricité] en juin »,ajoute-t-il.

Le 18 novembre, le gestionnaire du réseau a invité à redoubler de vigilance face à un risque de tensions accru sur le réseau national en janvier 2023, en raison notamment d’un manque d’électricité nucléaire. A cette fin, plusieurs exercices de simulation de coupure (des « délestages programmés », dans le jargon interne) censés éviter la panne généralisée (ou « black-out ») ont d’ores et déjà été effectués, tant au niveau local que national.

« Principe de solidarité »

Véritable tour de contrôle, cette agence de conduite régionale d’Enedis, sise près d’Orléans et dont l’adresse est tenue secrète, est l’une des 28 disséminées sur le territoire ayant la charge de la surveillance et de la sécurité du réseau. En cas de déséquilibre entre l’offre et la demande, RTE donne l’alerte, mais c’est Enedis qui aurait la main sur les coupures.

Dans un tel scénario, « RTE nous enverrait une première alerte trois jours à l’avance », explique Sébastien Sarrazin, chef de l’agence de conduite régionale Centre-Val de Loire. « A J − 2, nous recevrions les estimations sur le nombre de tranches de 100 mégawatts qu’il est nécessaire de couper [un bloc équivaut à 100 000 clients] et à J − 1, nous serions en mesure de définir un plan de délestage ciblé que nous serions prêts à activer le lendemain », détaille-t-il.

Les baisses de tension et les délestages seront effectués à distance de manière automatisée, non pas au niveau des compteurs connectés (Linky), mais à l’échelon des postes sources, sortes de grandes armoires électriques qui alimentent particuliers et entreprises de chaque quartier ou village. Un gage d’égalité de traitement, selon Enedis, qui assure que, sur le papier, les zones urbaines ou rurales seront traitées de la même manière, alors que des doutes subsistent à ce sujet. « On fera porter l’effort en tournant sur l’ensemble de la population, selon un principe de solidarité », avait expliqué Thierry Sudret, directeur exploitation et systèmes d’Enedis, fin octobre, lors d’un point de presse.Le gouvernement a aussi précisé, mercredi soir, que les zones les plus froides ne seraient pas les plus ciblées par les délestages.

Des exemptions sont néanmoins prévues. Au préalable, Enedis aura pris connaissance des listes de clients prioritaires désormais établies par les préfets dans chaque département : hôpitaux, laboratoires, sites liés à la sécurité nationale…Sont également identifiés, grâce aux agences régionales de santé, les quelque 4 000 patients à haut risque vital ayant par exemple des problèmes respiratoires ou étant sous dialyse, afin qu’ils soient prévenus par courriels et SMS, voire à domicile s’ils ne répondent pas.

Ces exemptions généreront, de fait, des inégalités : en France métropolitaine, 40 % de la population ne subirait aucun délestage, car elle est approvisionnée par les mêmes lignes électriques que les clients prioritaires. A ce titre, la spécificité de Paris soulève des interrogations.« Evidemment, quand on dresse la carte ne serait-ce que des hôpitaux parisiens, couper des lignes électriques est un casse-tête qu’on ne sait pas résoudre », concède une source gouvernementale. La Corse devrait être épargnée, puisqu’elle est reliée au réseau d’électricité italien. En fin de compte, les coupures se concentreraient donc sur 60 % de la population.

« Dernier recours »

Concrètement, un signal Ecowatt rouge (le système d’alerte de RTE) serait annoncé trois jours à l’avance sur le site et l’application Ecowatt. La carte des départements concernés serait publiée la veille à 15 heures. A partir de 17 heures, les utilisateurs pourraient, en renseignant une adresse postale, savoir si celle-ci figure ou pas dans le plan de délestage. Les coupures seraient en effet effectuées sur des petites poches réparties sur le territoire. Mais la situation est susceptible d’évoluer jusqu’à la dernière minute.« Un délestage peut être décrété la veille au soir et, finalement, ne pas avoir lieu si la météo s’est radoucie pendant la nuit, par exemple », avait précisé Thierry Sudret, fin octobre.

D’une durée de deux heures maximum, ces coupures tournantes n’interviendraient qu’en dehors des week-ends, lors des pics de consommation (de 8 heures à 13 heures et de 18 heures à 20 heures), a priori une seule fois par jour, sur un ou plusieurs jours si nécessaire. Une même adresse ne devrait a priori pas être visée deux fois d’affilée.

Plus probables que jamais, ces coupures restent le « dernier recours », insiste-t-on chez Enedis, alors que des leviers sont déjà activés en vue d’éviter d’en arriver à ce stade. Parmi eux figurent la sobriété (le gouvernement espère que les Français limiteront volontairement leur usage sur les créneaux concernés), mais aussi le décalage de l’enclenchement des ballons d’eau chaude la nuit ou encore une baisse de tension de 5 % sur le réseau de distribution.


Coupures d’électricité : en cas de délestage, les réseaux télécoms et Internet seront bien hors-service
Le Parisien, 1er décembre 2022

C’est le scénario du pire qui est envisagé et anticipé. En cas de coupures d’électricité ou lors de délestage de quelques heures, tous les réseaux de communication fixes et mobiles du pays pourraient basculer hors-ligne. Conséquence : une société et une économie à l’arrêt car soudainement privées de téléphone et d’Internet.

« Nous avons averti le gouvernement sur les risques dès le mois de février et nous travaillons avec les services de l’État de plusieurs semaines », rappelle Michel Combot, le Directeur général de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms). « Il y a une vraie inquiétude sur des délestages tournants peu simples à anticiper », souligne-t-il, en regrettant la stratégie des « coupures subies en mode taches de léopard plutôt que ciblées sur des territoires ».

Le gouvernement va adresser aux préfets une circulaire pour anticiper et préparer les départements à d’éventuelles coupures programmées d’approvisionnement en électricité, qui pourraient concerner 60 % de la population, mais aucun site critique ou client prioritaire. Problème : « Les réseaux télécoms ne sont pas considérés comme prioritaires et les antennes mobiles ne seraient donc plus alimentées », pointe le représentant des opérateurs. Or, il y a fort à parier que le réseau sera extrêmement sollicité puisque en cas de coupure à la maison, les clients des FAI voudront compenser l’extinction de leur box en tentant un partage de connexion.

Un délestage de deux heures aurait pour conséquence l’arrêt de la couverture mobile d’une zone et, par ricochet, l’impossibilité de contacter ses proches mais aussi les numéros d’urgence comme le 17, le 18 ou le 112. Dans les zones urbaines, le signal pourrait basculer sur l’antenne la plus proche épargnée par la coupure avec un risque élevé de saturation. En milieu rural, la distance entre les antennes-relais, malgré un bon maillage, devrait enterrer les chances d’accrocher un réseau mobile.

Certains opérateurs disposent de sites équipés de batteries à l’autonomie de 10 à 30 minutes conçues pour gérer les micro-coupures « mais elles ne tiendraient pas longtemps si tout le monde les sollicite au même moment quand les autres ne répondent plus » résume un cadre d’un opérateur. L’idée de faire appel à des générateurs de secours est hors de question. « Ils sont destinés à combler des petites pannes locales et pèsent plus d’une tonne donc ils sont difficilement installables partout et dans un délai très court », balaie d’un revers de main Michel Combot.

Les datas centers sont eux, a priori, épargnés par le problème des coupures car « il y a des plans de continuité de l’activité qui sont mis en place et testés régulièrement avec l’entrée en action de groupes électrogènes au fioul qui prennent le relais pour alimenter nos serveurs comme le fait aussi la concurrence » explique-t-on chez OVH. Vos précieuses données attendront donc sagement le retour du « jus » pour être de nouveau accessibles.


Des milliers de sites prioritaires à l’abri des coupures
Sud Ouest/La Dépêche du Midi, 1er décembre 2022

Dans sa feuille de route, l’exécutif a identifié quelque 14 000 sites « sensibles », qui ne seront pas concernés par les délestages. Parmi ceux-ci les hôpitaux, les commissariats, les gendarmeries, les casernes de pompiers, ou encore les tribunaux.

Quelques sites industriels et des installations classées, dont la liste reste confidentielle, disposeront de groupes électrogènes. Ils ont un mois pour en tester le fonctionnement.

Les trains et métros

Le cas des trains est particulièrement épineux pour les préfets. En effet, si le réseau électrique qui alimente les trains est indépendant et ne risque pas de coupure, celui qui fait tourner les éléments nécessaires au bon fonctionnement du trafic – gares, passages à niveau – pourrait bien être impacté. Ainsi, le mot d’ordre est le suivant : certains trains ou métros pourraient être [annulés ou suspendus] durant deux heures, soit entre 8h et 10h ou entre 18h et 20h.

La question des feux tricolores et de l’éclairage public se pose également : en cas de coupure, ils ne fonctionneront pas. Les préfets devront ainsi demander aux populations de limiter au maximum les déplacements en voiture le temps du délestage. Face au risque d’embouteillages, le gouvernement a prévenu : durant les deux heures de coupure, la circulation pourra être limitée par les préfets. De façon générale, la présence des forces de l’ordre et des secours pourrait être renforcée sur la voie publique.


Coupures d’électricité: Pap Ndiaye confirme qu’il n’y aura « pas école le matin » en cas de délestage
BFM, 1er décembre 2022 (extrait)

Les écoles seront également potentiellement concernées par les coupures d’électricité. Il « n’y aura pas (cours) le matin » dans les zones qui subiront des coupures programmées et ciblées cet hiver, a confirmé ce jeudi le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye – des annonces qui inquiètent les syndicats enseignants.

« Les délestages programmés vont en effet toucher les écoles et les établissements scolaires, selon trois créneaux : 8h-10h, 10h-12h et puis 18h-20h le soir » , a indiqué Pap Ndiaye à la presse, lors d’un déplacement au Salon Educatech Expo à Paris.

« Ces deux créneaux du matin, s’ils sont dans une zone qui subit un délestage, auront pour conséquence que la rentrée des élèves le jour concerné se fera en début d’après-midi, avec sans doute un repas qui sera néanmoins prévu pour les élèves qui sont à la cantine. Donc il n’y aura pas d’école le matin« , a-t-il ajouté. Pap Ndiaye a souligné que ce serait également « une question importante pour ce qui concerne la restauration et le périscolaire dans le créneau 18h-20h« . « Des fiches seront envoyées également dans les écoles, pour être prêts », a-t-il détaillé.

Par ailleurs, « des écoles situées à proximité de structures qui ne subiront pas les délestages » pourront « accueillir les enfants de personnels prioritaires, selon un schéma qui a d’ailleurs été expérimenté pendant la crise sanitaire ».

Complément (France info 2/12) :

Les familles seront alertées par mails et Pronote. « Donc on sait pertinemment » que certaines d’entre elles « vont passer à côté de l’information », regrette Stéphane Crochet, du syndicat des enseignants SE-Unsa. Les enfants des personnels considérés comme prioritaires (agents hospitaliers, gendarmes, policiers) seront quant à eux accueillis dans d’autres établissements qui ne sont pas fermés.

Les internats des collèges et lycées resteront ouverts le soir, même s’il y a une coupure entre 18 heures et 20 heures. Les systèmes d’alerte incendie peuvent tenir quelques heures sans courant, ils doivent être testés en décembre.


Crise énergétique : l’exécutif se prépare au scénario
de coupures de courant cet hiver

Le Parisien, 30 novembre 2022

Le risque est tellement pris au sérieux qu’il a fait l’objet mardi 29 novembre dans la matinée d’une communication très officielle d’Élisabeth Borne en Conseil des ministres. Devant la vague de grand froid redoutée cet hiver et face aux difficultés d’approvisionnement en électricité que subit la France depuis quelques mois, le scénario d’une coupure de courant est désormais plus que jamais une hypothèse crédible. « Il est nécessaire qu’on soit prêt, au cas où », explique l’entourage de la Première ministre.

« Gouverner, c’est prévoir. Là, on entre clairement dans un scénario de gestion de crise », embraye un poids lourd de la majorité, particulièrement pessimiste sur les semaines à venir. Quand un autre est encore plus direct : « Notre plus gros sujet, c’est l’hiver et les coupures d’électricité. »

Lundi matin, à Matignon, Élisabeth Borne a d’ailleurs reçu une dizaine de ministres pour justement faire le point sur la situation, en présence de plusieurs opérateurs, dont RTE et Enedis. « C’était une réunion de partage d’information. On anticipe pour essayer de minimiser l’impact des délestages », raconte un participant. Depuis un mois et demi, une cellule de crise interministérielle a surtout été activée en présence des cabinets ministériels concernés et de l’ensemble des préfets. Selon nos informations, c’est la préfète Anne Clerc, l’ancienne chef de cabinet d’Édouard Philippe, qui en assure la coordination.

« RTE a dernièrement indiqué que le risque de délestage était faible pour décembre mais, pour janvier, c’est la grande inconnue. Il pourrait largement être revu à la hausse », s’inquiète déjà un conseiller. « Il se pourrait que certains jours de grand froid, la demande et la production ne soient pas alignés », a lui-même reconnu le porte-parole Olivier Véran, en sortie de Conseil des ministres.

« On est inquiets depuis des mois »

Concrètement, cela pourrait se traduire par des opérations de délestage ponctuelles dans les zones de tension. Mais pas dans n’importe quelles conditions. « On prévoit de prévenir en amont les foyers concernés, trois jours avant dans l’idéal. Cela doit passer par une grande campagne de communication pour inciter les Français à télécharger l’application EcoWatt. Car c’est par elle, et le passage de son indicateur en rouge, que l’information sera principalement véhiculée », explique Matignon.

Et la Première ministre d’en préciser les détails ce mardi en Conseil des ministres : « Si ces coupures devaient intervenir, elles dureraient deux heures consécutives, en affectant alternativement des portions de département. Les périodes de délestage concerneraient les pics de consommation électrique situés les jours ouvrés, sur des créneaux horaires indicatifs de 8 heures à 13 heures et de 18 heures à 20 heures », a-t-elle dit, manière de rassurer les troupes et de montrer que tout est sous contrôle. Voire.

Au gouvernement, plusieurs redoutent déjà l’impact sur le moral des Français. « On entre dans l’hiver, les gens s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat et voilà qu’on reparle d’une nouvelle vague de Covid. C’est la série noire », souffle un cadre de la majorité. « On est inquiets depuis des mois. S’il y a des délestages, on rentre dans une zone totalement inconnue », rebondit un ministre, qui redoute aussi le retour de bâton pour l’exécutif : « S’il y a des conséquences inattendues de délestage, ça se retournera automatiquement contre le gouvernement… »