Détails sur l’enquête liée aux récentes perquisitions à Berlin et Athènes

On trouvera ci-dessous un panorama des mesures de surveillance adoptées et des accusations formulées concernant les enquêtes sur la formation d’une organisation criminelle [ayant menées aux perquisitions du 16 septembre dernier à Berlin et Athènes]. L’objectif de ce texte est surtout d’éviter les spéculations et les rumeurs, mais aussi d’avoir une approche publique face aux tentatives répressives de l’État et de ses appareils de sécurité.
Une discussion politique et sur le contenu des accusations, ainsi que leur contexte, devrait sortir sous peu.

Le 7 février 2019, le Procureur général auprès la Cour Fédérale de Justice allemande a lancé une procédure au sens de l’article §129a – soit la formation d’une organisation terroriste – contre trois accusés, bien que dès le départ les enquêtes se soient concentrées contre sept personnes.
C’est ainsi qu’à partir du 1er juin 2019, y compris les quatre autres ont été inscrites comme accusées dans la procédure, et l’accusation a été déclassée de l’article 129a à l’article 129, paragraphe 1 – soit la formation d’une organisation criminelle.
L’élaboration de la procédure montre de façon impressionnante la collaboration des autorités les plus variées – les régions (Länder), le gouvernement fédéral, les autorités de tutelle constitutionnelle, sans parler du niveau international.

Les lieux perquisitionnés

Comme cela a déjà été publié dans les textes des compagnons d’Athènes (voir là) et du collectif Kalabal!k (voir ici), le 16 septembre 2020 les fonctionnaires de l’Office fédéral de la police criminelle (BKA) et ceux de l’Office berlinois de la police criminelle (LKA 5) ont pris d’assaut plusieurs appartements à Berlin. Au même moment, deux appartements à Athènes ont été perquisitionnés par l’autorité antiterroriste grecque, sous la direction de l’Office fédéral allemand de la police criminelle

A Berlin, ont été ciblés 5 appartements liés aux personnes accusées, plus 2 adresses supplémentaires de personnes hors de la procédure. La bibliothèque anarchiste Kalabal!k a également fait l’objet d’une incursion par les fonctionnaires du BKA et de la LKA.
En ce qui concerne les 2 appartements de tierces personnes, il s’agit à chaque fois d’adresses à laquelle un accusé aurait eu accès : à la première ce serait un résident habituel, et pour la seconde il y aurait eu un véhicule garé reconductible à lui.

En plus de ces adresses de résidence ou de domicile, devaient être perquisitionnés aussi les véhicules utilisés par l’accusé (et pas seulement ceux dont il est propriétaire ou inscrit comme conducteur). De plus, ont été émis deux mandats supplémentaires contre deux autres personnes, également objet des perquisitions et des saisies.

Les saisies

Ce que les enquêteurs cherchaient est pratiquement tout ce qui peut venir à l’esprit :
a) outils et dispositifs de protection et d’offensive, objets permettant de se déguiser, gants, vestes de protection, gazeuses lacrymo et au poivre, vêtements noirs comme par exemple les coupe-vent et sweats à capuche, brouilleurs d’ondes et autres perturbateurs de fréquences radios, dispositifs de détection de technologies de surveillance, appareils photo et vidéo et accessoires liés.
b) documents, moyens électroniques de communication, supports de mémoire, supports de données et appareils liés à internet – pouvant contenir toute référence à des communications concernant le délit, à la commission du délit par l’accusé, le co-accusé et des tiers encore inconnus –, ou de reconnaissance, par exemple sous forme de cartes de la ville, de cartes routières et de listes de numéros ‘immatriculation de véhicules de police (en civil ou de patrouille). Mais aussi :
— tout objet/lieux supplémentaires à perquisitionner, comme des caves, abris de jardins ou autres locaux de stockage utilisés par l’accusé, et
— incluant une participation à des publications sur le site internet  de.indymedia.org.

En conséquence de quoi, tout type de technologie dont l’invention est plus récente que le grille-pain a été saisie.

Ont été saisis tous les dispositifs sur lesquels il est possible de mémoriser des données, comme les clés USB, mais aussi les Playstation, les dispositifs de navigation, RaspberryPi, etc., les routeurs et téléphones fixes, mais aussi les portables et les appareils photo. Des habits comme les sweats noirs à capuche, pantalons, vestes, gants, casquettes et écharpes ont été saisis et emmenés dans des boîtes, tout comme les gazeuses au poivre et les couteaux de poche, les outils multifonction et autres similaires. Des sacs à dos et des sacs « banane » ont également été recherchés et saisis. Tout type de document permettant de soutenir la construction de leur enquête a été photographié, copié ou saisi : lettres et notes permettant de mettre en avant connaissances personnelles et liens politiques ; factures et listes de téléphones, calendriers, cartes, etc.
Vu que le mandat de perquisition précisait que les personnes accusées auraient tenté de se familiariser avec les structures policières de façon à pouvoir se bouger de manière encore plus subversive contre « l’ordre libéral-démocratique », un théorème déjà utilisé dans le passé par les flics de la LKA pour tenter de retarder et ralentir l’accès au dossier et aux actes de procédure, dans au moins un cas ont été saisis le courrier privé et les PV d’enquête appartenant à l’avocat de la défense.

La compétence de la police criminelle de Berlin (LKA) était uniquement limitée à appuyer les perquisitions et au traitement des découvertes aléatoires lors de celles-ci.

La construction de l’enquête

Selon les mandats de perquisition émis fin août et début septembre, le Procureur général de la République (GBA) construit son accusation sur une série d’enquêtes préliminaires qui ont été menées ces dernières années contre les intéressés par le Département de protection de l’Etat de la police criminelle de Berlin. A part quelques procédures contre des personnes particulières, aucune des procédures pénales listées n’a jamais donné lieu à une condamnation, et une bonne partie se sont mêmes conclues par des acquittements. Malgré cela, ils présument à présent que l’organisation criminelle en question aurait planifié tous ces crimes ensemble.
On peut remarquer qu’une grande partie des formulations contenues dans le texte de synthèse sont pratiquement des citations du Département de protection de l’Etat de Berlin au Bureau de la police criminelle de l’État (LKA 52). Beaucoup de ces constructions, qui dans le passé ont déjà été analysées et démenties publiquement, peuvent être lues ici : www.gefaehrlich.noblogs.org. Qui plus est, elles ont également été rejetées dans certains verdicts, par exemple concernant la balade en vélo de 2016 (de.indymedia.org), mais aussi dans d’autres cas concernant la Rigaer Straße (de.indymedia.org).

En réalité, les enquêtes semble se concentrer sur un épisode survenu à Hambourg en 2017 quelques semaines avant le sommet du G20 (voir unitedwestand.blackblogs.org…). Ce jour-là, deux personnes ont été arrêtées à l’intérieur d’un véhicule, et dans une fourgonnette garée dans le coin ont été retrouvés différents objets « suspects ». Au cours des investigations suivantes, plusieurs traces ADN et des empreintes digitales ont conduit à d’autres personnes, qui sont à présent celles accusées.

Le procureur général défend que ce fait était un acte préparatoire pour l’émeute qui s’est déroulée sur la Elbchaussee lors du G20 de Hambourg.

Les mesures policières mises en œuvre, dont certaines ont été remarquées à l’avance, découlent de cette ordonnance.

Écoutes et filatures

Les filatures se sont déroulées aussi bien à Berlin qu’à l’étranger. Les écoutes ont également eu la main lourde : les personnes concernées ont trouvé dans leur véhicule un GPS et un micro juste avant que soient déclenchées les perquisitions.

Au total, deux véhicules ont été mis sous écoute, et les entrées d’au moins deux bâtiments d’habitation ont été sous caméras pendant une année. La surveillance des télécommunications a été faite à la grande :  e-mail, connexions internet et conversations téléphoniques ont été écoutées et enregistrées. Des enquêtes financières ont été effectuées, tout comme le contrôle des comptes bancaires et le fichage de comptes ouverts chez des entreprises d’expédition de courrier et de vente par correspondance.

Afin que l’ensemble de ce petit théâtre puisse être propagé en conséquence, le jour même des perquisitions les flics ont transmis à des journalistes l’ordonnance du tribunal de la Cour fédérale de justice (BGH).

Toutes les mesures décrites ont été conçues pour mettre le plus grand nombre possible d’informations à disposition des autorités. Pour éviter que leurs découvertes ne se multiplient encore plus, mais aussi pour garantir l’autodétermination au niveau informatif des intéressés et des solidaires, tout type de spéculation est à proscrire.

Merde au §129 !
A Bas l’Etat, le capital, leurs Boss et leurs flics !

Dans ce sens, ne donner aucun espace à la rumeur et aux spéculations.

[Traduit de l’italien de infernourbano,
(les intertitres sont de nous). L’original de ce texte est sorti en allemand le 16 octobre 2020 sur Indymedia]