Contes (Nice) : les gendarmes en planque et la cellule Oracle [re-mis à jour]

Indymedia Nantes, 19 juin 2020

A l’occasion de l’arrestation dans la nuit du 16 au 17 juin à Contes (Alpes-Maritimes) de deux hommes soupçonnés d’avoir voulu attaquer une antenne de Free, quelques infos supplémentaires sont sorties sur la cellule Oracle de la gendarmerie.

Tout d’abord l’arrestation. Il s’agit d’une antenne 5G de 21 mètres de haut contestée en mode citoyenniste par les habitants, mais qui a fait l’objet de plusieurs sabotages. Le 30 avril dernier, sur le chantier qui avait pris du retard en raison du confinement, des ouvriers découvrent que des câbles ont été sectionnés. Quelques jours plus tard, le 12 mai, alors que l’antenne venait d’être installée, une nouvelle intrusion sur le site est signalée mais aucune dégradation n’est constatée. La police technique et scientifique a alors procédé à des relevés et un dispositif de surveillance a été mis en place. Ce qui n’a pas empêché la dégradation, le 15 juin, de plusieurs ventilateurs sur ce même site.

Rebelote le lendemain 16 juin peu avant minuit, sauf que ce soir-là, le site était placé sous la surveillance physique de gendarmes de la section de recherches de Marseille et de la brigade de recherches de Nice. Ces derniers ont alors interpellé deux hommes âgés de 25 ans, domiciliés à Nice et à Tende (Alpes-Maritimes). Selon la presse, ils auraient reconnu en garde-à-vue s’être introduits sur le site le 15 juin dernier afin de mettre hors d’usage des ventilateurs, en revanche ils ont nié leur implication dans les autres faits pour lesquels une enquête a été ouverte. Ce jeudi 18 juin, ils ont été déférés et mis en examen l’un comme l’autre dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour dégradation des biens d’autrui par moyen dangereux et association de malfaiteurs. Un contrôle judiciaire a été demandé à leur encontre.

Sur la cellule Oracle de la gendarmerie, dont on avait déjà entendu parler de façon elliptique, une « source » des journaflics est revenue sur son existence en donnant quelques infos supplémentaires : non seulement elle centralise les enquêtes sur les attaques d’antennes tout court, mais aussi les « attaques de gendarmerie » ou de « bâtiments institutionnels » attribuées à « l’ultra-gauche« . Mais quels critères pouvait-elle alors retenir pour se saisir des enquêtes, puisque les communiqués de revendication sont rares ? Eh bien voici : « Le type d’atteintes, le mode opératoire, la présence à proximité du lieu de commission des faits de gens qui appartiennent à une certaine mouvance ». On pouvait déjà s’en douter, il y a là de quoi ratisser le plus large possible.

Vu en effet leur définition extensive de tout ce qui rentre dans la catégorie policière « ultra-gauche » et dont on peut alors trouver des individus fichés de la sorte un peu près partout, soit « à proximité » géographique de n’importe quelle attaque diffuse ; vu aussi que des méthodes comme celles du sabotage remontent au minimum à ce bon vieux mouvement ouvrier et aux luddites avant lui, sans même parler du feu qui est l’un des arts antiques les plus partagés du monde (à base de pneus, d’huile, d’arbres, de palettes, de molotovs ou de toute autre fantaisie, comme c’est le cas contre des antennes depuis trois ans) ; vu enfin que l’identification de structures de la domination n’est l’apanage de personne mais concerne tout être sensible qui pense et observe… Oracle risque d’avoir toujours plus de pain sur la planche à se mettre sous la dent. Ce qu’elle ne pourra par contre jamais prévoir, c’est à quel point les hostilités contre la technologisation du monde sont désormais ouvertes, et qu’il faudra bien plus qu’une cellule spécialisée pour mettre fin à l’attaque de structures désormais diffuses sur tout le territoire, et à portée de main de tout individu dont le coeur révolté n’est pas encore virtuel.

Face à la pandémie technologique comme à toute autre oppression, la meilleure défense c’est l’attaque !

Un simple lecteur


Contes (Alpes-Maritimes) : gare aux caméras ad hoc

En complément de l’article « Les gendarmes en planque et la cellule Oracle« , quelques précisions sont sorties le 19 juin sur un site de la gendarmerie (Gendinfo), précisant photos à l’appui le dispositif déployé par les pandores pour surveiller l’antenne-relais de Contes, sabotée à plusieurs reprises, puis interpeller deux saboteurs locaux :


auteur : Sirpa, Gendarmerie nationale, qui publient trankillou cette photo extraite du dossier judiciaire sur leur site

Alpes-Maritimes : deux interpellations pour dégradation d’une antenne relais
Gendinfo, 19 juin 2020

Mardi 16 juin peu après 23h, à Contes près de Nice, les gendarmes de la section de recherches de Marseille et du Groupement de gendarmerie départementale (GGD) des Alpes-Maritimes interpellent deux hommes qui viennent de mettre le feu à une antenne relais 4G, destinée à passer en 5G, de l’opérateur Free. Les individus ignoraient que l’installation faisait l’objet d’une vidéo surveillance, dans la cadre d’une enquête diligentée à la suite d’une série de dégradations.

Le 30 avril en effet, les câbles d’alimentation de cette même antenne avaient été sanctionnés à l’aide d’une pince coupante. Suite au dépôt de plainte, la S.R. de Marseille et la brigade de recherches de Nice étaient co-saisies par le parquet de Nice, dans le cadre du protocole ORACLE.

Cette cellule coordonne les enquêtes portant, entre autres, sur les dégradations d’antennes relais, afin d’effectuer des recoupements et de déceler d’éventuelles attaques de mouvances extrémistes.

Le 12 mai, une nouvelle tentative d’intrusion est constatée. Le grillage a été déformé par la pose d’une échelle et des empreintes de pas sont visibles. En accord avec le propriétaire du site et  l’exploitant, une caméra est installée par le groupe d’observation et de surveillance (GOS) de Marseille.

Le 15 juin, d’importantes dégradations sont à nouveau constatées, mais un problème technique ne permet pas aux gendarmes d’exploiter les images. Deux nouvelles caméras sont positionnées. Le lendemain, celles-ci détectent la présence de deux individus. Un dispositif d’interpellation est mis en place pour les prendre en flagrant délit. Les gendarmes découvrent dans leur véhicule des gants, des lampes, un tournevis, une pince, un briquet ainsi que deux téléphones éteints.

Ils sont immédiatement placés en garde à vue pour « destruction d’un bien d’utilité publique en réunion ». Si l’un d’eux s’est montré coopératif, l’autre préfère pour le moment garder le silence et refuse de signer les procès-verbaux. Les gardes à vue ont été prolongées.


Antenne 5G brûlée à Contes
Nice Matin, 28 septembre 2020

Rares sont les activistes qui s’expriment sur leur motivation à détruire des relais. Nous avons retrouvé l’un des deux jeunes Niçois qui a mis le feu à celui du quartier du Castellar. Il témoigne

Demain, s’ouvrent les enchères pour les fréquences des antennes 5G. Les géants de la téléphonie vont se disputer un marché qui devrait rapporter 2,1 milliards d’euros à l’État.

Alors que la contestation grandit, comprendre, avec le recul qui s’impose, les motivations de ceux qui dégradent ces nouveaux relais 5G, un peu partout en Europe, ne manque pas d’intérêt. Une soixantaine d’entre eux ont été attaqués en France cette année, selon la Fédération française des telecoms.

Justement, D. A., 25 ans, tiré à quatre épingles, se trouve devant nous dans le bureau de son avocat, Me Jean-Pascal Padovani. Le jeune Niçois a été mis en examen en juin, avec un complice, pour « destruction de bien par incendie »et « association de malfaiteurs »dans le bureau du juge d’instruction, Violaine Boisseau.Et ce, pour avoir mis le feu à l’antenne 5 G du quartier du Castellar à Contes. Une installation de 21 mètres de haut, achevée en mai. D. A., est commercial, il vend des formations.

« C’est un militant écologiste qui a de la bienveillance pour autrui. Il a fait sa révolution verte. Il est tombé sur cette antenne qui, selon lui, dégrade la santé des riverains. Il reconnaît les faits », souligne son avocat.

Titulaire d’un DUT en commerce et d’une licence de droit et management, D. A. affirme ne pas avoir « d’idéologie extrémiste », ne pas être membre d’associations qui« dérivent ». Il mange peu de viande, pratique le tri sélectif, vote écolo. Il signe parfois des pétitions, s’enorgueillit d’un don pour les koalas en Australie, touchés par les grands incendies.

Il réfute faire partie des groupuscules d’extrême gauche qui dégradent les antennes de par l’Europe. Le jeune Niçois décrit son acte comme un coup de tête, « sous l’emprise de l’alcool ». Et s’affiche en encyclopédie ambulante de la 5G. « J’ai travaillé deux ans dans la téléphonie, j’avais accès à de la documentation professionnelle », justifie-t-il. C’est à ce moment qu’il dit avoir découvert les nuisances de cette technologie. Toutes les cinq minutes, il cite une étude, un chiffre.

Se mêlent dans son discours des informations scientifiquement vérifiées, et des fake news. Comme la mort supposée de centaines d’oiseaux aux Pays-Bas lors d’un test 5G. Problème, aucun essai de ce type n’avait été effectué dans la région. Il a l’honnêteté de reconnaître qu’il n’a pas vérifié l’info.

Il parle « cancer du cerveau », « lobbys de la téléphonie », « du rayonnement cent fois supérieur à la 4G ». S’interroge sur la nécessité de la 5G alors que des zones ne sont toujours pas couvertes par la 4G. Réclame un référendum. Évoque le remplacement « calamiteux pour la planète »de tous les téléphones que nous avons aujourd’hui dans notre poche. Parle avec émotion de ces « enfants qui meurent dans des mines en République démocratique du Congo pour extraire le cobalt, qui entre dans la composition de nos smartphones ». Une association de défense des droits de l’homme a effectivement déposé plainte contre les géants de la tech.

Il s’enquiert de savoir si Xavier Niel, nouvel actionnaire de Nice-Matin, également propriétaire de Free, ne va pas censurer notre article. L’antenne 5G de Contes, à laquelle il a mis le feu, dépend en effet de cet opérateur.

Ce 18 juin 2020, il affirme qu’il voulait bivouaquer dans la campagne avec un ami d’enfance, du collège. Il dit avoir pris avec lui ce soir-là « la popote », une lampe, un réchaud, des pâtes, un briquet. Et être tombé nez à nez, « par hasard », avec l’antenne.

Dit-il la vérité ? Ignorait-il vraiment l’existence de cette installation dont la presse a pourtant largement parlé car un collectif, soutenu par la mairie, s’oppose à sa présence ? Les riverains dénoncent sa construction dans une zone agricole protégée.

Un militant aussi convaincu et informé pouvait-il vraiment tomber forfuitement sur cette antenne du quartier de la pointe du Castellar, plantée dans une oliveraie privée, non loin de belles villas empierrées ? Il affirme que oui. Se défend d’avoir repéré les lieux avant. « Je n’y étais jamais allé. (…) On avait bu. On ne la connaissait pas. Quand on l’a vue, on s’est dit » C’est quoi cette merde ?  » Il explique avoir observé que des fils avaient déjà été sectionnés. « Il y avait de la mousse expansive dans les boîtiers. C’était bien que l’antenne ait déjà été dégradée. D’autres avaient fait la démarche avant nous. Mais les boîtiers étaient toujours là. On était un peu chauds. On s’est dit, » On va la cramer cette saloperie d’antenne « . On voulait finir le travail déjà commencé. »

C’est ce qu’ils font. Ils mettent le feu aux boîtiers, observent l’incendie. « On ne voulait pas que ça parte sur les arbres. » Puis prennent la fuite en courant. Problème : l’antenne ayant été plusieurs fois attaquée, les gendarmes étaient en veille. Cinq cents mètres plus loin, ils leur sont tombés dessus. Garde à vue, interrogatoire poussé, cellule et toilettes à la turque malodorantes.

Il a été remis en liberté au bout de 48 heures. Un bon signe pour son avocat qui a bataillé pour son client. « Ils ont compris qu’il n’était pas dans un réseau, que c’était un passage à l’acte irraisonné. Je m’emploierai à démontrer que ce n’est ni un terroriste, ni un casseur. »

Aujourd’hui, D. A. craint la sanction et plus que tout une inscription à son casier judiciaire, vierge jusque-là. « Ça m’empêcherait de monter une société. »Ses ordinateurs ont été saisis, des investigations sont en cours. Il dit regretter amèrement, que c’était une première. Et une dernière. Avec parfois, dans son discours, une véritable ambiguïté. Il pensait faire « une bonne action ». « Je ne suis pas fier de ce geste. Mais c’est bien, même si c’est un petit pas. »

D. A. est sous contrôle judiciaire. Il attend désormais son procès. Les deux mis en examen risquent jusqu’à dix ans de prison et 150 000 euros d’amende.