Puente Alto (Chili) : attaque incendiaire en défense du fleuve Maipo

(Traduit de l’espagnol de noticiasdelaguerrasocial, 2 octobre 2022)

Le 1er octobre 2022 vers 21h, des anonymes parviennent à rentrer sur le site de l’entreprise de graviers Baeza, située à l’intersection des rues Camino Internacional et Avenida Ejército Libertador, sur la commune de Puente Alto (en banlieue de la capitale Santiago).

Une fois à l’intérieur, cinq camions sont arrosés d’essence et réduits en cendres, les personnes parvenant à s’échapper sans être détectées. L’entreprise elle-même a évalué les pertes à 380 millions de pesos [plus de  400 000 euros], tandis que la Confédération Nationale de Propriétaires de Camions (CNDC) déclarait scandalisée : “pour la première fois un incendie affecte des camions de manière massive à Santiago”.

Peu de temps après, la Célula Insurreccional por el Maipo. Nueva Subversión a revendiqué cette attaque incendiaire en défense du fleuve Maipo, qu’on pourra lire ci-dessous.

Revendication d’attaque incendiaire contre une entreprise de graviers
sur la rivière Maipo dans la commune de Puente Alto

Les faits
La nuit du samedi 1er octobre, nous avons matérialisé l’attaque en défense de la terre et des eaux du fleuve Maipo par un sabotage incendiaire contre l’entreprise Empresas Baeza, située sur sa rive nord à la hauteur de la commune de Puente Alto, générant des dommages élevés évalués à des centaines de millions de pesos (380 millions à ce qui se dit).

Le contexte
À la différence d’autres entreprises de graviers du secteur qui ne peuvent gérer que quelques machines, Empresas Baeza génère des millions de bénéfices par la dévastation directe de la berge du fleuve Maipo en la creusant de part en part pour en extraire des graviers et du sable, avec la location de machines destinées à l’excavation et au transport de graviers et de terres, grâce à des contrats avec le M.O.P.  [Ministerio de Obras Públicas] et des constructions d’autoroutes. Elle compte de plus sur de multiples appels d’offres accordés par des municipalités et provenant en grande partie de maires et de conseillers municipaux appartenant au parti de Renovación Nacional
[RN, parti de droite de l’ex-Président Sebastián Piñera, lié aux milieux d’affaires chiliens], ce qui met au passage en évidence les liens, les réseaux et la complicité historique de la famille Baeza avec les militants de ce parti. Un exemple de leurs énormes revenus est le “manoir” familial comme ils et elles ont l’habitude d’appeler leur résidence d’été située sur le Lac Rapel, où ils vont fréquemment jouir du paysage enchanteur qu’offre cet environnement, contrastant énormément avec les environs de leur entreprise qui transpirent la misère et la dégradation tant sociale qu’écologique.


Le fleuve Maipo
Le fleuve Maipo est d’une importance vitale pour une grande partie de la biodiversité existant dans la Région Métropolitaine, ainsi que pour la grande ville qui en dépend (Santiago), fournissant à la population environ 70% de l’eau potable et 90% de l’eau pour l’irrigation, en plus de la grande quantité de production électrique générée par les multiples centrales hydroélectriques qui l’exploitent (Aes Gener S.A., Carbomet Energía S.A., Mallarauco S.A., Eléctrica Puntilla, Sociedad Canalistas del Maipo (SCM), entre autres). Pourtant, au lieu d’être profondément estimé, respecté et pris en compte, il est outragé et exploité par diverses entreprises de tout poil sur presque toutes ses portions comme par exemple :

La zone Cajón del Maipo : exploitée principalement par Alto Maipo (centrale hydroélectrique appartenant à Aes Gener S.A.), du haut de la cordillère jusqu’à son arrivée à la grand-ville.

La zone Pirque, Puente Alto et San Bernardo : plusieurs entreprises destinées à l’extraction et à la vente de graviers créées sous la dictature de Pinochet, comme Empresas Baeza et sa cimenterie voisine du Groupe TX, qui à travers sa société minière Rosario fore profondément sur la rive nord du fleuve. Ici aussi, il y a de nombreux grands vignobles appartenant principalement à Viña Concha y Toro SA, des centrales hydroélectriques telles que celles mentionnées ci-dessus, parmi lesquelles se distinguent particulièrement Carbomet Energía S.A. et sa Compagnie Auxiliaire de Eléctricidad del Maipo S.A. (CAEMSA). Toutes deux, appartenant à Molymet et situées à Puente Alto, utilisent le prétendu canal d’irrigation La Carburera, qui loin de servir de source d’irrigation pour les agriculteurs des zones rurales, travaille exclusivement pour ces deux centrales hydroélectriques, en plus d’EBAEZA pour le fonctionnement de certaines de ses machines de transformation de graviers qui nécessite un pompage et une déviation des eaux impactant significativement le débit sur une grande partie du Río Maipo toute l’année.

Zone de Llolleo : enfin, son embouchure à llolleo est également affectée par la menace de l’expansion du méga-port de San Antonio, élément fondamental du COSIPLAN (ancien IIRSA), un projet écocide et méga-extractiviste dans le cône sud d’Abya Yala*.

Amazon
Et comme si cela ne suffisait pas, la puissante et néfaste multinationale Amazon annonce son arrivée avec l’installation de son premier data-center au niveau sud-américain dans la commune de Puente Alto. Selon toute probabilité, celui-ci exploitera les eaux du Maipo pour alimenter son indispensable système de refroidissement, comme le font déjà les data-center de Google, Microsoft et Huawei dans la zone nord de la Région Métropolitaine, en consommant d’énormes quantités d’eaux souterraines, renforçant ainsi la sécheresse sur tout le territoire.

Qu’ils sachent que leur présence est hostile au fleuve Maipo, et que nous n’hésiterons pas à les recevoir de la pire des manières, en les attaquant avec le feu, les balles et la poudre si nécessaire !


Appel
Aujourd’hui plus que jamais, il est urgent de freiner l’avancée de la dévastation et d’empêcher que la terre continue à être exploitée. Aujourd’hui plus que jamais, il est urgent de détruire tout ce qui perpétue des logiques écocides. Pour nous, il est très clair que les dénonciations et les législations sur ces sujets sont des contretemps qui piègent et minimisent la lutte pour la terre, que les cris, les banderoles et les jolis slogans n’égratignent pas plus qu’ils ne font peur. Que les palabres et l’activisme virtuel en restent seulement là. C’est pourquoi nous propageons une action directe et offensive ici et maintenant, sans médiateurs, matérialisant le feu de la dévastation de nos propres mains, et nous invitons instamment les révolutionnaires, insurgé-e-s, nihilistes, rebelles de toute l’Abya Yala* à prendre aussi le feu et la poudre dans leurs mains pour détruire les entreprises, les maisons, les bureaux, les transports et les vies de toutes celles et ceux qui détruisent la nôtre en ravageant la terre, les forêts, les jungles, les rivières et la faune. Parce qu’il est urgent d’en finir avec ce système de mort sur tous ses fronts, et que la libération d’Abya Yala du saccage, de la colonisation, de la déprédation impérialiste, des logiques extractivistes et capitalistes doit se passer maintenant. Pour une vie libre, autonome et horizontale entre toutes les espèces et la terre.

Reboisons ce qui est originel à travers l’attaque directe et combative !


Nous déclarons
À propos des similitudes que notre action et notre objectif pourraient avoir avec celles qui ont lieu dans le Wallmapu, et de la distorsion et manipulation prévisibles de la part de la presse bourgeoise malintentionnée, toujours servile vis-à-vis du pouvoir. À propos du discours selon lequel “tout est montage” porté constamment par certains secteurs citoyens, voire par de nombreux secteurs pseudo-révolutionnaires, nous déclarons que :

Malgré l’énorme complicité existante et la sincère solidarité exprimée en permanence envers la digne résistance Mapuche, nous n’en sommes pas et ne prétendons pas en faire partie. Nous fraternisons dans la guerre contre l’État, sa domination et sa répression, comme nous fraternisons aussi dans la guerre pour la terre, les forêts et les rivières, parce que leur défense est quelque chose de transversal pour quiconque aspire à la libération totale. Cependant nous ne pouvons pas être les mêmes. Notre action est autonome, anarchiste. Nous ne sommes pas Mapuche, même s’il va sans dire que nous sourions face à chaque action de récupération des terres et d’attaque contre les sociétés forestières, les entreprises extractivistes et latifundistes qui s’approprient et endommagent la ñuke mapu.

Et au cas où ça ne serait pas assez clair. Nous n’agissons pas de manière indiscriminée. Nous pointons nos armes contre la dévastation et celles et ceux qui soutiennent la misère et tout ce système de mort. Mais ne vous méprenez pas. Nous ne perdrons pas de temps ni d’énergie avec des misérables de bas étage, pas plus que nous n’attaquerons les êtres passifs qui n’ont que peu ou rien à voir avec la guerre en cours.

Pour finir. Nous ne sommes pas un montage de l’État, de ses flics ou de ses mercenaires. Des gens comme nous existent, qui, partant de leur individualité, ont décidé d’abandonner tout rôle de victime ou d’agent-e-s passifs/ves pour nous lancer à la conquête de la liberté par tous les moyens à notre portée. Nous sommes anarchistes. Contre l’État et toute autorité. Contre le progrès et la dévastation. Vous ne pouvez pas nous nier, nous invisibiliser ni nous réduire. Nous portons la résistance et l’offensive avec fierté et dignité, jusqu’aux ultimes conséquences. Nous existons. Nous attaquons. Nous serons.

Mónica Caballero, Francisco Solar, Mawünhko, Tomás, Joaquín Garcia, Juan Aliste, Marcelo Villaroel, Mayo, prisonnier-e-s et clandestin-e-s subversifs/ves et mapuche, prisonnier-e-s antiautoritaires et subversifs/ves de toute l’Abya Yala et des autres continents : chacun de ces incendies cherche à vous donner des instants d’évasion et à vous porter ici parce qu’ainsi nous continuons à nous rencontrer dans chaque attaque.

Avec Emilia Bau** fortement présente dans la mémoire de la Vallée du Maipo et de la libération de la terre.
Avec Santiago Maldonado, Macarena Valdés, Ruben Collío, Claudia Lopez, Punky Mauri, Pelao Angry. En propageant le feu contre la dévastation, nous propageons aussi la mémoire et la vengeance.

À quelques semaines du troisième anniversaire de ce 18 octobre [date du soulèvement de 2019], nous n’oublions pas Cristián Valdebenito ni tou-te-s les morts de la révolte. La vengeance et l’attaque permanente contre le pouvoir seront le lieu où nous nous retrouverons constamment avec tou-te-s nos mort-e-s.

Mort au TPP-11*** et à tout traité au service de la dévastation et du pillage par le capital de la terre et de notre autonomie.

Pour l’anarchie, pour la terre, pour nos vies.

Cellule Insurrectionnelle pour le Maipo.
Nouvelle Subversion.

NdT :
* Abya Yala est l’appellation choisie par des population autochtones, plus spécifiquement les Kunas, pour nommer l’Amérique Latine, refusant ainsi le nom imposé par Amerigo Vespucci.
** Emilia ‘Bau’ Herrera est une trans féministe attachée à la communauté mapuche avec laquelle elle vivait, le lof Llaskawe de Panguipulli. Elle a été assassinée le 16 février 2021 d’une balle en pleine tête par des agents de sécurité lors d’un processus de récupération de terres contre le secteur résidentiel de luxe au bord du lac Riñihue.
*** TPP-11 : accord commercial de libre-échange signé en 2018 entre l’Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou , Singapour et le Vietnam.