Dans la nuit de mercredi à jeudi 4 avril, vers 3h30 du matin, les pompiers de Munich sont alertés d’un gros incendie dans le quartier de Meillerweg, à seulement quelques centaines de mètres du Maximilianeum, le siège historique du Parlement du Land de Bavière. Sur place, ils découvrent quatre engins de chantier en train d’être dévorés par les flammes : une pelleteuse, deux chargeuses sur pneus et un Unimog (petit camion utilitaire tout-terrain de marque Mercedes).

Sauf que ce lieu n’est pas n’importe lequel, car en plus d’être situé à deux pas du palais des dirigeants du Royaume de Bavière, il s’agit aussi du chantier de construction de la deuxième ligne principale du métro de la capitale, le S-Bahn. Et plus précisément du déplacement d’une conduite de chauffage urbain pour y construire un puits de secours à partir du tunnel ferroviaire. Les quatre engins, éloignés les uns des autres, ont été entièrement détruits, avec des dégâts qui se montent à six chiffres. A présent, les enquêteurs s’interrogent sur les auteurs de cette nouvelle attaque contre une infrastructure critique à Munich, et c’est donc l’Office central bavarois de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme (ZET) ainsi que le groupe d’enquête « Raute » qui se sont rendus sur place avec des chiens renifleurs et la police scientifique.

Heureusement pour eux, les larbins de l’ordre et de la sécurité disposent d’une piste sérieuse, comme l’a révélé un grand journal de la région quelques semaines plus tard (Süddeutsche Zeitung, 10 mai)  : il s’agit probablement de fantômes, peut-être échappés du fameux château de Louis II de Bavière à Neuschwanstein (mais sur ce dernier point, les flics sont moins formels).
Qu’on en juge plutôt, puisqu’avec ce dernier sabotage contre le chantier du métro, les enquêteurs attribuent désormais aux fantômes munichois une trentaine d’attaques destructrices ayant causé au moins 20 millions d’euros de dégâts : « Ils mettent le feu à des lignes électriques et à des engins de chantier, à des antennes de télécommunication et à des véhicules électriques, les voies ferrées sont également la cible de leurs attaques, tout comme les pipe-line de géothermie. L’identité des auteurs et leur provenance restent totalement mystérieuses. Tels des fantômes, ils ne laissent aucune trace exploitable ni aucun communiqué de revendication. Qui a intérêt à s’en prendre aux infrastructures critiques de l’agglomération munichoise ? C’est la question que se posent les services de sécurité depuis le début de la série, qui a commencé il y a au moins trois ans. Les dommages causés approchent jusqu’à présent la barre des 20 millions d’euros. »

Pour notre part, n’étant pas des chasseurs de spectres mais néanmoins enclins à satisfaire les lecteurs curieux, nous reproduisons ci-dessous la liste (non exhaustive) d’une trentaine de ces sabotages généralement anonymes venus frapper les infrastructures de communication, d’énergie, de transport et de guerre dans la région de Bavière. Tous sont sortis dans la presse régionale, et ont été relayés ici au fur et à mesure :

• Le 12 mars 2019, des câbles de télécommunication de Vodafone sont incendiés sur le pont John Kennedy de Munich
• Le 19 décembre 2019, idem contre les câbles de fibre optique de Vodafone et des services municipaux sur les pont Leinthal et Herzog-Heinrich.
• Le 19 février 2020, les boîtiers d’une antenne-relais sont incendiés dans la forêt de Perlach
• Le 22 mai 2020, la tour hertzienne de la Radio Bavaroise est incendiée dans la nuit à Munich
• Le 8 juillet 2020, une antenne-relais est incendiée sur la place Theodor-Heuss, dans le quartier de Neuperlach (Munich)
• Le 31 décembre 2020, les câbles de plusieurs armoires de raccordement à internet et au téléphone sont sectionnés dans le quartier de Neuperlach
• Le 21 mai 2021, une cinquantaine de câbles électriques de moyenne tension sont incendiés sur une chantier de la compagnie municipale d’énergie à Munich
• Août 2021, 350 mètres de la bande transporteuse d’une gravière sont incendiés à Plannegg, près du domaine forestier de Kasten.
• Le 3 novembre 2021, des bâtiments, une bande transporteuse et plusieurs engins de chantier d’une gravière sont incendiés à Oberhaching
• Le 10 février 2022, deux pelleteuses sont incendiées sur le chantier de destruction de la cité-jardins munichoise d’Eggarten
• Le 28 mars 2022, une vingtaine de vitres sont endommagées ou détruites sur deux bâtiments qui hébergent des entreprises de guerre. Un tag « Sabotage War » est retrouvé sur place.
• Le 22 juin 2022, huit vans de la police anti-émeute pré-positionnés en vue du sommet du G7 dans la ville, sont incendiés dans le quartier de la Hochstrasse à Munich
• Le 25 juillet 2022, cinq camions, cinq remorques, une pelleteuse ainsi que 25 tourets de câbles en fibre optique sont cramés sur un site de stockage du quartier d’Obersendling
• Le 1er août 2022, le puits de câbles du poste d’aiguillage de Mering est incendié, perturbant fortement le trafic ferroviaire
• Le 19 novembre 2022, deux voitures sont incendiées sur le parking de l’université de la Bundeswehr [armée allemande] dans le quartier de Neubiberg, à Munich.
• Le 19 mai 2023, deux voitures électriques des services municipaux de la ville de Munich sont incendiées. Un tag « No HKW » (la centrale thermique municipale d’incinération des déchets) est retrouvé à côté
• Le 26 mai 2023, 26 tourets de câbles pour la fibre optique sont incendiés sur un chantier dans le quartier de Harlaching
• Le 9 juin 2023, une antenne-relais de Telekom est incendiée dans le quartier de Waldtrudering
• Le 26 juin 2023, un camion de transmission par satellite de la chaîne de télévision ZDF est incendié dans le quartier de Glockenbach à Munich
• Le 8 juillet 2023, des conduites de câbles de télécommunication et une pelleteuse sont incendiées le long du pont Herzog-Heinrich
• Le 16 juillet 2023, une antenne-relais est incendiée dans le parc Forstenrieder
• Le 26 juillet 2023, plusieurs engins sont incendiés sur le chantier du métro du Pôle scientifique, à Plannegg
• Le 2 août 2023, deux camions de l’armée allemande sont incendiés dans la ville d’Ingolstadt
• Le 16 août 2023, une asphalteuse est incendiée sur le chantier de l’autoroute A94 du côté d’Anzing
• Le 2 octobre 2023, dix engins de chantier et le transformateur électrique sont incendiés sur le site d’une centrale géothermique en construction à Polling
• Le 23 octobre 2023, un pipe-line de géothermie en construction est incendié à Grünwald
• Le 28 octobre 2023, une grue ferroviaire montée sur train est incendiée à la limite d’Unterföhring
• Le 10 novembre 2023, une pelleteuse et un camion-benne sont incendiés à Munich sur le chantier du tramway
• Le 12 décembre 2023, trois incendies surviennent la même nuit, contre des engins forestiers dans la forêt de Perlach et dans le parc Forstenrieder, mais aussi à Munich contre les câbles de fibre optique sur le pont Ludwigsbrücke
• Le 15 décembre 2023, deux engins forestiers sont incendiés dans parc Forstenrieder près de Pullach
• Le 18 décembre 2023, deux engins forestiers sont incendiés dans la forêt de Hofoldinger (Brunnthal)
• Le 5 février 2024, des bâtiments, deux chargeuses sur pneus et plusieurs tapis roulants d’une usine d’extraction de gravier sont incendiés à Kirchseeon
• Le 4 avril 2024, quatre engins sont incendiés à Munich sur le chantier du métro

[Synthèse de la presse allemande, 2 juin 2024]