Quand on peut lire ici ou là qu’il existe nombre de bonnes raisons de s’en prendre aux antennes de téléphonie mobile pour les empêcher de nuire avec le monde qu’elles produisent, chacun peut bien sûr penser à toutes les variations d’idées à l’intérieur du spectre révolutionnaire (ou pas), comme au vaste marécage qui va des citoyennistes de proximité aux démocrates radicaux, jusqu’aux différents ennemis de la surveillance policière ou aux amoureux de la nature. Mais on peut surtout facilement imaginer qu’il existe autant de raisons que d’individus déterminés à passer à l’action. En Suisse comme partout ailleurs.
Le 22 février à Kiesen par exemple, c’est ainsi qu’une antenne 5G de l’opérateur Swisscom située le long du poteau d’une ligne électrique (comme souvent chez les Helvètes) a flambé vers 1h30, après que des inconnus aient mis le feu aux câbles. Les dégâts sont estimés à 30 000 francs suisses. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois, puisque cet incendie est le cinquième de ce type en trois ans dans ce canton de la capitale fédérale Berne : les antennes-relais des communes de Grosshöchstetten, Langenthal, Burgdorf, Thoune y avaient déjà été sabotées, tandis qu’en juin 2019 c’était un émetteur qui avait été soufflé à Denens dans celui voisin de Vaud.
Cette fois pourtant, contrairement à tous les anonymes précédents, les auteurs du sabotage de Kiesen ont tenu à laisser quelques lignes tracées d’un bleu limpide sur le transformateur électrique de la structure. Plutôt précis, ils réclament une somme conséquente à chacun des trois opérateurs, faute de quoi ils annoncent qu’ils attaqueront d’autres antennes 5G : 3,6 millions d’euros de Swissscom, 2,7 millions d’euros de Sunrise-UPC et 1,8 millions d’euros de Salt. Soit environ 8 millions d’euros au total, ce qui est à la fois beaucoup et peu, vu les sommes en jeu que peuvent représenter une multiplication d’antennes flambées.
Au pays de l’argent sale et de la mauvaise conscience, ce n’est évidemment pas de demander une rançon qui a franchement surpris, mais plutôt le à qui cette dernière devait être versée : « aux enfants d’Afrique » disait le texte ! Une manière comme une autre –qui sait ? –, de faire le lien entre la téléphonie mobile et les mômes qui s’échinent dans les mines pour en extraire les précieux minerais dont elle est très gourmande (tantale, tungstène, coltan,…). Quand on dit qu’il existe certainement autant de raisons incendiaires que d’individus déterminés à passer à l’action…
Au final, tout aurait même pu s’arrêter là avec cette histoire peu banale que la presse suisse a qualité au choix de « gribouillis », de « maîtres-chanteurs » et de « tentative d’extorsion », si une seconde attaque ne s’était produite trois kilomètres plus loin à Thoune, au lieu dit Strättligwald, la nuit du dimanche 7 mars. Dans un bois quelque peu isolé à côté de l’autoroute 6, c’est en effet une antenne 5G de Sunrise également utilisée par ses deux concurrents qui est partie en fumée, provoquant des dégâts qui cette fois « pourraient s’élever à plusieurs centaines de milliers de francs, notamment parce que le pylône électrique de support a été endommagé ». La police a alors commencé à rigoler un peu plus jaune, d’autant que de nouveaux graffitis au marqueur ont été retrouvés sur place… représentant cette fois le pendu de nos jeux enfantins à côté de la mention 5G.
Puis lorsque des traces d’incendie et des dommages ont été retrouvés lundi 8 mars (sans savoir quand cela s’était produit) lors de travaux sur une troisième antenne-relais à Thoune, située dans la Seestrasse, les enquêteurs sont finalement revenus à la grande tradition du silence radio, en oubliant leurs communiqués de presse moqueurs. Tout juste sait-on par bribes qu’en voulant contrôler le lendemain lors de leurs rondes fébriles un badaud qui se trouvait près d’une autre antenne, ce dernier s’est enfuit à l’aide d’un scooter électrique et que les flics ont réussi à l’interpeller après une chasse à l’homme en forêt à l’aide de chiens.
Il n’est pas dit si ces trois attaques récentes ont un lien, ni ce qu’il est advenu depuis une semaine au type en question (relâché ?). Par contre, il est clair qu’à travers le continent européen, notamment en Angleterre, Pays-Bas, France, Allemagne, Italie ou Suisse, des centaines d’antennes-relais sont en train d’être sabotées depuis quelques années, avec ou sans 5G, et que cela n’est pas près de s’arrêter. Allez, à chacun.e la sienne comme on dit, tout en suivant ses propres chemins de traverse.
[synthèse de la presse suisse alémanique, 15 mars 2021]
Et deux de plus en moins !
Pour le plaisir de la mise à jour, une semaine après ces premiers sabotages, on apprend qu’une nouvelle antenne (5G) a flambé à Thoune dans la même coin, la nuit de dimanche 28 mars 2021. Il s’agit de celle de l’opérateur Sunrise, également utilisée par Swisscom, qui avait déjà fait l’objet d’une tentative dans la Seestrasse.
Et puis le 28 juin 2021, c’est une nouvelle fois à Kiesen qu’une antenne-relais a été sabotée dans la soirée, « le feu s’étant apparemment éteint tout seul », selon les pompiers. Comme dans les cas précédents, c’est la police du canton de Berne qui est chargée de l’enquête.