Quelques infos sur la convention Etat/opérateurs pour défendre les antennes-relais [mis à jour]

Vandalisme sur les réseaux télécoms : opérateurs et préfets se mobilisent autour de conventions départementales
La gazette des communes, 2 juin 2021

Dégradation, incendies, vol de cuivre et de batteries… Les pylônes de téléphonie mobile subissent de nombreux actes de vandalisme, en recrudescence depuis le début de la pandémie. Comme cet incendie sur un site de Télédiffusion de France (TDF), près de Marseille, qui a privé plus de trois millions et demi de personnes de radio et de télévision en décembre 2020.

« Les maires sont confrontés à de réelles difficultés, explique Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l’Audiovisuel). Les délinquants ne sont pas toujours des hurluberlus anti-5G ou des marginaux, ce sont plutôt des individus anti-système au profil assez dangereux, pour qui les opérateurs représentent le mal » . De surcroît, ils n’hésitent pas à mettre en danger le personnel qui intervient sur ces ouvrages de plus de 40 mètres, en mettant le feu ou en démontant les boulons, ce qui les fragilise.

Les opérateurs rapportent aussi des cas d’agressions de personnel, plus préoccupants. Et, au bout du compte, ces actes de malveillance occasionnent des coupures de réseau et de services pour les utilisateurs : particuliers, professionnels et organismes publics (hôpitaux, numéros d’urgence…) et aussi, parfois, des opérateurs d’importance vitale [comme la police, la gendarmerie et l’armée], ce qui peut mettre en risque la sécurité nationale.

Pour les opérateurs, les pertes se chiffrent en millions d’euros : au-delà des pertes d’exploitation, un seul pylône coûte en effet entre 100 000 et 200 000 euros… « Et le problème est aussi de savoir ensuite si l’infrastructure est suffisamment solide pour la remise en service », constate Vincent Cuvillier, président de l’Association française des opérateurs d’infrastructure de téléphonie mobile (Ofitem).

Echange d’informations

Pour tenter de contrer ce vandalisme, une convention nationale a été signée entre le ministère de l’Intérieur et les opérateurs le 9 mars dernier, qui sera déclinée par départements sous l’égide des préfets. Objectif : organiser la lutte contre les malveillances visant les réseaux de télécommunication, de façon coordonnée, entre les pouvoirs publics, les élus, et les opérateurs. Il s’agit de faciliter l’accès aux sites des policiers et des gendarmes, en particulier lors des enquêtes.

Cette convention doit améliorer les échanges d’information et les dépôts de plainte, déjà systématiques en cas de dégradation d’infrastructures, et renforcer la collaboration dans les enquêtes menées par les services de l’État. « Toutes les infrastructures n’ont pas le même degré de criticité, explique Vincent Cuvillier. Pour préparer la déclinaison départementale de la charte, chaque opérateur doit recenser ses infrastructures les plus sensibles, comme certains nœuds d’agrégation et de distribution du trafic dont les délais de rétablissement se comptent en semaines plutôt qu’en jours, une population largement impactée par les coupures de services… Il doit aussi préciser quels actes de vandalisme il a subis. La charte mentionne notamment les tendances constatées et les points d’alerte sur le département.« 

Les quatre opérateurs mobiles (Orange, SFR, Bouygues, Free) ont signé la charte nationale, ainsi que les quatre opérateurs d’infrastructures membres de l’Ofitem : Cellnex, ATC France, Hivory, TDF et la Fédération française des télécoms (FFT). « Nous ne l’avons pas nous-mêmes signée car les réunions préparatoires à son élaboration se sont déroulées alors que l’association était en cours de constitution, précise Vincent Cuvillier. Mais bien entendu, nous sommes totalement alignés sur cette volonté commune d’agir contre les malveillances, ce que j’appelle le terrorisme numérique« . À l’échelon départemental, plusieurs conventions ont déjà été signées : Morbihan, Ille-et-Vilaine, Seine-et-Marne, Cantal…

Sécurisation physique des pylônes ?

Aux dires des opérateurs, sécuriser les sites par vidéosurveillance n’est pas réaliste, étant donné leur nombre (plus de 60 000) et leur localisation : des lieux souvent isolés en rase campagne. À supposer que les millions d’images remontées par les caméras puissent être visionnées…

« On ne va pas vidéosurveiller les sites en permanence, on ne pourrait pas traiter les images à temps pour intervenir », a ainsi constaté le président de la Fédération française des télécoms (FFT), secrétaire général et secrétaire du conseil d’administration du Groupe Orange, Nicolas Guérin, le 12 mai, au Trip de printemps de l’Avicca. Alors, quid d’une sécurisation physique des pylônes ? Des murs de trois mètres de haut, bétonnés, n’arrêtent pas les délinquants, selon Vincent Cuvillier. Mais il y a de bonnes procédures de maintenance, avec des systèmes d’ouverture de portes, ou de contrôle de l’ouverture et de la fermeture des portes à distance.

Selon Ariel Turpin, « des sanctions financières lourdes, le remboursement des dégradations par exemple, pourraient limiter le passage à l’acte de certains délinquants. Il faudrait peut-être aussi requalifier juridiquement ce type d’attaques, en particulier pour mise en danger de la vie d’autrui. Pour les moins violents, il reste la prévention qui peut les faire réfléchir : leur expliquer qu’incendier un pylône est une catastrophe écologique, qu’il sera de toute façon reconstruit et que ce n’est pas comme ça qu’on peut avancer sur le sujet… »

Et la délinquance ne s’arrête pas là. La criminalité touche aussi les réseaux de fibre optique (en Seine-et-Marne, des points de passage de la fibre ont été sciés à la disqueuse…), et des cyberattaques de plus en plus sophistiquées visent les réseaux fixes et mobiles, poussant les opérateurs à être encore plus vigilants.


Patrice Faure, le préfet du Morbihan et Fabienne Dulac, directrice générale adjointe d’Orange France ont signé la première convention territoriale

Morbihan : vols de cuivre, dégradations d’antenne relais… Une convention signée pour y faire face
actuMorbihan, 21 mai 2021

Gendarmerie, police, préfecture, l’entreprise Orange. Ils étaient tous autour d’une table le 20 mai 2021 à Vannes (Morbihan) pour signer la première convention territoriale.  Dans quel but ?  « Un objectif commun de conjuguer les efforts des partenaires pour prévenir et lutter plus efficacement contre toutes les formes de malveillance (vols, destructions, dégradations…) commises à l’encontre des infrastructures des opérateurs de télécommunications ».

« Dans le Morbihan, 25 kilomètres de câbles ont été dérobés pour les années de 2019 à 2021. Les actes de malveillance sont en hausse ces derniers mois », d’après Fabienne Dulac, directrice générale adjointe d’Orange France. Les malfrats s’attaquent au cuivre, aux armoires et même aux antennes relais. La dernière en date : dégradation d’une antenne fin avril 2021 du côté de Lorient.

Les forces de l’ordre, les services de l’État du Morbihan ont donc signé la première convention territoriale avec Orange pour renforcer la lutte contre ces actes de vandalisme. Elle appuiera la convention nationale de mars signée avec plusieurs opérateurs.

« Le télétravail a explosé, l’école à la maison, etc. Tout cela a montré l’importance des connectivités », avance Fabienne Dulac, directrice adjointe. Ainsi, la convention veut accélérer la collaboration entre les acteurs et simplifier les procédures judiciaires. Les sites sensibles seront surveillés.

« Des correspondants se rendent auprès des entreprises et des collectivités », rappelle le colonel Pascal Estève du groupement de gendarmerie du Morbihan avant de poursuivre sur les autres actions :   « Pour la protection des sites, des référents de sûreté peuvent conseiller et accompagner sur les mesures de défenses passives, physiques et numériques. Lors d’une crise, nous avons nos enquêteurs spécialisés pour l’enquête et la judiciarisation du dossier.  »

Pour la police, « on dispose de correspondants sûreté ou de référents sur ces questions », détaille Alain Beauce, commissaire général directeur Départemental de la Sécurité Publique du Morbihan.


«Champion du vol de cuivre», l’Oise renforce son arsenal pour contrer ce fléau
Le Parisien, 5 juin 2021

Depuis 2019, Orange, le principal opérateur de téléphonie dans le département (70 % des lignes), a recensé « près de 100 vols de câble » visant ses réseaux, soit environ 50 km de câbles cumulés et quelque 20 000 foyers touchés. Et pour l’opérateur historique, ces vols à répétition commencent à coûter cher. Avec des remplacements de câbles dont le prix s’élève à chaque fois entre 10 et 15 000 euros, « on a largement dépassé le million d’euros rien que pour l’Oise », assure Olivier Girault.

«Raccourcir nos circuits d’alerte»

L’ampleur du phénomène est telle que la société vient de signer aux côtés des autorités une « convention de lutte contre la malveillance sur les réseaux de télécommunication ». L’Oise est le cinquième département français à signer un tel texte, après le Morbihan, la Drôme, le Vaucluse, et la Seine-Maritime.

« C’est une réponse organisée et structurée, là où on avait jusque-là une gestion au cas par cas, insiste la préfète de l’Oise. « Il faut résoudre plus vite et mieux les affaires », complète Olivier Girault, le patron d’Orange. Il s’agit aussi, selon le patron des gendarmes dans l’Oise, de mieux « cibler les zones géographiques » et « raccourcir nos circuits d’alerte ».

Désormais, un policier et un gendarme seront chargés des questions relatives à la sûreté des sites de communication. Ils seront notamment chargés d’effectuer des visites de terrain « des points de faiblesse des sites particulièrement sensibles ou ayant déjà fait l’objet d’acte de malveillance ». Le nouveau dispositif doit aussi permettre de faciliter les dépôts de plaintes. Très logiquement, il n’est pas possible d’en révéler les détails.

C’est que la situation devient critique pour l’opérateur et ses usagers. Rien qu’en 2019, « année référence » selon les mots de la préfète de l’Oise, Corinne Orzechowski, 54 vols ont été enregistrés. Soit 74 câbles dérobés et 12 500 foyers impactés. En 2020, année marquée par la pandémie de Covid-19, 30 vols ont encore été relevés. Et cette ruée sur le cuivre semble revenir de plus belle en 2021 avec, à la date du 1er juin, 10 vols à déplorer, dont quatre sur le seul mois de mai.

En Ile-de-France, la Seine-et-Marne très ciblée

En comparaison, les départements franciliens semblent davantage épargnés. En 2019, 52 vols ont été recensés sur l’ensemble de la région parisienne et 31 en 2020. Dans le détail, la Seine-et-Marne est le plus impacté avec 8 vols de câbles, trois tentatives et 18 actes de vandalismes depuis le début 2021. « Ce territoire représente pratiquement la moitié du territoire de l’Ile-de-France, dit-on chez Orange. Nos voleurs ont bien compris qu’il est très facile de voler nos câbles en pleine campagne, loin de toutes habitations et à l’abri de dispositifs de vidéoprotection. »

Dans le reste de la région, en revanche, l’opérateur constate une tendance à la baisse « qui fait suite à plusieurs succès de flagrant délit, d’arrestations et de condamnations en justice pour des individus surpris sur les lieux ».

Dans l’Oise, depuis 2019, trois équipes ont été interpellées, selon les gendarmes. « Des équipes peu nombreuses mais très actives, soutient le colonel Tugdual Vieillard-Baron, patron des gendarmes dans l’Oise. Quand on en interpelle une ou deux, il y a rapidement une chute de l’activité. »

Pour les amateurs de cuivre, le procédé est toujours le même : « Ils sont au minimum trois, dans la nuit, se positionnent à hauteur des chambres d’accès, sectionnent les câbles, attachent la partie coupée à leur camion et tirent sur parfois plusieurs kilomètres pour aller brûler les câbles plus loin. »

Une méthode express face à laquelle les forces de l’ordre sont le plus souvent démunies. Principale difficulté : prendre les malfaiteurs en flagrant délit. « Avec ces nouvelles mesures, on va désormais pouvoir être plus efficients », veut croire un gendarme du département.