Leipzig (Allemagne) : trois nuits d’émeutes d’affilée, c’est le tarif pour l’expulsion d’un squat
Après Berlin le mois dernier, c’est à Leipzig que des émeutes ont éclaté en réponse aux expulsions et face à la gentrification galopante des quartiers périurbains des grandes villes allemandes. A l’aube du 2 septembre, le squat situé au n° 71 de la Ludwigstrasse dans le quartier-est de Neustadt, ouvert vendredi 21 août, a été expulsé par la police. La riposte ne s’est pas faite attendre.
De multiples appels à exprimer sa rage dans les rues pour le lendemain soir (jeudi 3 septembre à 21h) ont très vite circulé. L’un disait notamment « si vous nous prenez nos maisons, nous mettrons la ville sens dessus dessous ». Un cortège d’environ 350 personnes s’est formé, la plupart étant vêtues de noir et le visage masqué. Très vite attaqué-e-s par les policiers, des enragé-e-s ont bloqué les voies du tramway puis ont pris la direction de la Torgauer Straße en allumant des barricades sur les voies et aux alentours, incendiant des poubelles et en bombardant les policiers de projectiles (pavés et de bouteilles). Les forces de l’ordre ont répliqué par des lancers de grenades lacrymogènes. Vers 22h, la foule en colère était toujours présente, le long de la Neustädter Straße en direction cette fois de la Ludwigstrasse, avec comme objectif pour certains de reprendre le lieu. Un hélicoptère de la police a été visé au laser à plusieurs reprises, compliquant pour quelques instants son sale travail contre-insurrectionnel, notamment celui d’identifier et de suivre à la trace les révolté-e-s.
Au cours de la nuit, des personnes ont tenté en vain de reprendre le lieu expulsé désormais protégé par les escadrons de police. Des barricades ont une fois de plus été érigées et incendiées, des mortiers tirés sur les forces antiémeute. Un immeuble vide a plus tard été brièvement occupé à Großzschocher, dans le secteur ouest de Connewitz. Vers minuit, le bilan s’élevait à 22 interpellations pour « troubles à l’ordre public, violences à agents, entraves dangereuses à la circulation et dégradations ».
Plus tard dans la nuit, des anonymes ont détruit les vitres d’une agence immobilière. Le communiqué dit: « si vous nous empêchez de réaliser nos actions, alors ça pétera ailleurs. Le lieu ‘Ludwi 71’ n’a pas été évincé en raison de l’ordonnance d’expulsion de la part du propriétaire mais parce que les flics étaient d’avis que l’ordre public était perturbé. C’est une bonne chose que ces derniers aient reçu la facture lors de la manif sauvage de ce soir. Chaque expulsion a son prix, perturbez l’ordre là où vous pouvez ! Si vous nous prenez nos maisons, nous mettrons la ville sens dessus dessous ! »
Connewitz sous état d’urgence
Vendredi soir (4 septembre), les rues du quartier Connewitz ont une nouvelle fois été synonymes de danger pour les flics. « Les jets de pierres incessants et la pression des émeutiers ont contraint les forces de l’ordre à sortir leurs armes non-létales pour se dégager », selon une porte-parole de la police. Ce sont notamment cette pluie de pavés qui aurait provoqué une collision entre deux fourgons de police. Au total, 8 policiers ont été blessés et 6 véhicules de police endommagés. Contrairement à la veille, il n’y a eu aucune arrestation. En outre, le poste de police du Wiedebachpassage a été attaqué à coups de pavés, de briques et de bouteilles de peinture. Les barricades en feu se sont multipliées sur les voies du tramway. La station de tramway „Wiedebachplatz“ a été détruite, tout comme plusieurs voitures garées dans le secteur.
Dans la soirée, il y eu une nouvelle tentative d’occuper un bâtiment, cette fois au n° 34 de la Bornaischen Strasse.
Samedi soir (5 septembre), sous le slogan « relions les luttes – pour une solidarité de quartier », des centaines de personnes sont de nouveau descendues dans les rues de Connewitz. La manif a été très brève, compte tenu de la détermination du cortège à ne pas subir la pression et le harcèlement des flics déployés en grand nombre depuis l’état d’urgence décrété la veille (outre les policiers de la ville, des escadrons de CRS, de la police fédérale, ainsi que des unités de police venues du land de Thuringe). Selon la porte-parole de la police, Mandy Heimann, « Immédiatement après que le cortège se soit élancé, des participants du rassemblement ont jeté pierres et pétards sur les policiers et sur des bâtiments neufs, tout en allumant des feux d’artifices et des fumigènes ».
La police a gazé et attaqué le cortège de 500 personnes au bout d’un quart d’heure de manif en raison de la « situation absolument pas pacifique ». S’en sont suivies plusieurs heures de courses-poursuites et de jeux du chat et la souris entre émeutiers et policiers, jets de pavés et de projectiles en tous genres sur les escouades anti-émeute, de feux de poubelles et de barricades, provoquant l’interruption de la circulation du tramway dans cette partie sud de la ville une bonne partie de la soirée. Plusieurs policiers ont été blessés (2 ou 9 agents souffrent de blessures, selon différentes sources médiatiques) et 15 personnes ont été placées en garde à vue, poursuivies pour « troubles à l’ordre public, dégradations et violence à agents ».
Peu après minuit, deux rassemblements spontanés se sont tenus en solidarité avec les interpellées, auxquels 150 personnes ont pris part. Dans la nuit, un ou des incendiaires sont parvenus à pénétrer sur le parking protégé du centre régional de logistique de la police à Lindenauer Hafen, où se trouve notamment des armes et des munitions de la police de Saxe. D’après les rares infos que les flics ont bien voulu lâcher à la presse, on apprend qu’un véhicule de patrouille a été incendié. Au même moment, le pilote de l’hélico, mobilisé cette fois jusqu’à l’aube, a une nouvelle fois été au laser.
Vers 1h30, de nouvelles barricades sont érigées et incendiées, l’aide de caddies, de barrières de chantier et de poubelles dans le but d’immobiliser un tramway et de le recouvrir de graffitis. Tout le monde s’est volatilisé sans encombre à l’arrivée des crs
[Synthèse réalisée à partir de la presse allemande et d’articles publiés sur Dyimedia, 4-5-6 sept. 2020]