Émeutes: trois ans de prison pour un SDF après l’incendie
du centre administratif de Saint-Denis
AFP/actu Seine-St-Denis/Le Parisien, 6 septembre 2023
C’est dans la nuit du 30 juin au 1ᵉʳ juillet que les faits se sont produits. Alors que les émeutes touchent la commune depuis la mort de Nahel à Nanterre, un homme s’introduit dans le centre administratif de Saint-Denis. Il déroule sur le sol de la zone « état civil » de l’essuie-tout, puis prend la fuite. Un incendie se déclare ensuite, se propageant aux 400 m2 du bâtiment. Il faudra deux heures aux pompiers pour vaincre les flammes. Les conclusions mentionnent un incendie volontaire. Une enquête est alors ouverte.
L’exploitation de la vidéosurveillance établit le profil d’un homme au manteau kaki avec un bandage à la jambe gauche. Il est aperçu dans le secteur avant et après les faits. Plusieurs témoins le reconnaissent : il s’agirait de M., un sans-abri de 38 ans souvent présent près de la mairie de Saint-Denis. Des traces ADN sont aussi retrouvées sur le manteau kaki et correspondent à celles de l’interpellé. M., dont le procès en comparution immédiate avait été renvoyé du 27 juillet au 6 septembre, n’a cessé d’interrompre le président de la chambre qui lisait d’une voix monocorde le déroulé des faits tout en se déclarant étranger aux faits (« Des blousons, tout le monde en a de toutes les couleurs. C’est de l’acharnement. J’ai toujours assumé mes conneries. »)
De la mort de Nahel, il n’en sera en tout cas pas question. « Il a profité du chaos pour régler des comptes personnels avec la ville », commente Stéphane Peu, le député (PCF) de la circonscription. De son côté, le maire (PS) de Saint-Denis Mathieu Hanotin est aussi venu s’exprimer à la barre, la Ville étant partie civile dans ce dossier : « Ce qu’il s’est passé a été catastrophique pour la ville. En termes de préjudice matériel, nous estimons que le bâtiment devra être fermé au moins un an et le coût estimé des réparations s’élève à trois millions d’euros ».
Actuellement, la plupart des services du centre dégradé fonctionnent au télétravail. D’autres sont délocalisés : « C’est insupportable pour tous les citoyens qui veulent que leur ville s’améliore. L’ensemble du service état civil a été entièrement détruit mais (…) l’incendie s’est arrêté aux portes des registres de l’état civil, le « trésor » de la municipalité », a poursuivi l’édile. Sont tout de même partis en fumée « 800 livrets de famille, une trentaine de dossiers de changement de nom, des demandes d’actes papier, des demandes de regroupement familial » mais aussi « les actes de mariage des années 2020, 2021 et 2022 », a détaillé l’avocate de la mairie, Marlène Joubier.
Le prévenu a invectivé à plusieurs reprises et insulté le maire de Saint-Denis. « C’est un enc… Cette pourriture, il m’a laissé pourrir dans la rue. Assassin ! Tu laisses crever les jeunes ! j’ai cinq amis clochards qui sont morts », s’est emporté le prévenu. Sorti de la salle d’audience, M. a continué à vociférer dans les geôles, couvrant la plaidoirie de l’avocate de la Ville de Saint-Denis, qui a demandé un renvoi sur intérêt civil. Le prévenu a finalement été ramené pour le réquisitoire du ministère public.
« Malgré les revendications de monsieur, vous avez dans cette affaire tous les éléments pour rentrer en voie de condamnation », a commencé le procureur. Alors qu’il mentionne le passif du prévenu, dont une condamnation pour des faits similaires en 2013, le flot d’insultes reprend : « Trou du c.. tu connais pas ton dossier ! ». « Je demande que les mots de monsieur soient notés », s’étrangle le magistrat.
Tout en retenant une altération du discernement, le procureur a requis une peine de quatre ans de prison ainsi qu’une révocation de son sursis d’un an : « Il n’y a aucune revendication particulière dans cette affaire, si ce n’est profiter du chaos ambiant. Juste une volonté de se venger, de porter son ressentiment (vis-à-vis) du maire et de la mairie en général ».
Dans sa brève plaidoirie, l’avocate de la défense a relayé la demande de son client de se faire interner en psychiatrie : « La prison n’est pas une solution ». Une phrase que n’a pas soutenu le tribunal, condamnant M. à trois ans de prison ferme (dont six mois de révocation du sursis) ainsi qu’une interdiction de paraître à Saint-Denis pendant trois ans.
Une condamnation dont le maire Mathieu Hanotin s’est déclaré satisfait à l’issue de l’audience : « La culpabilité était établie. C’est un signal ferme qui montre qu’on ne peut s’attaquer à la maison du peuple ». Le montant des dommages sera précisé lors d’une audience civile, en juin 2024.