Le 2 mai, un avant-projet de décision de la Cour suprême des États-Unis a fuité dans la presse, révélant qu’une majorité de ses juges étaient prêts à annuler la jurisprudence de 1973 rendue dans l’arrêt Roe vs Wade, qui légalisait l’avortement dans tout le pays de façon constitutionnelle. Si la Cour Suprême confirmait cet avant-projet au 30 juin prochain, cela renverrait immédiatement chaque État nord-américain à la possibilité d’interdire ou d’autoriser les avortements, ainsi qu’à toutes leurs législations antérieures à 1973. Treize États ont d’ailleurs déjà voté des « trigger laws », des lois interdisant l’avortement qui s’appliqueront automatiquement dès l’officialisation de la décision de la Cour Suprême.
Depuis, de grandes manifestations pacifiques se sont tenues, organisées par des associations comme le planning familial américain et la Women’s March, appelées aussi par plusieurs syndicats et collectifs, tous faisant appel au bon vouloir des politiciens (notamment démocrates). Mais d’autres ont décidé de passer à l’action directe, en faisant référence dans leur communiqué au Jane Collective, ce collectif féministe qui avait favorisé des IVG illégales sûres à des milliers de femmes avant 1973. C’est ainsi qu’à Madison (Wisconsin) le 8 mai dernier, le siège du groupe de pression anti-avortement Wisconsin Family Action avait été consumé par deux molotovs, accompagné d’un tag « Si l’avortement est menacé, vous l’êtes aussi » ainsi que d’un A cerclé. L’attaque avait été revendiquée deux jours plus tard par le groupe Jane’s Revenge [la vengeance de Jane].
Et pour ne pas en rester là, mardi 7 juin vers 3h du matin, c’est cette fois le centre de santé anti-avortement CompassCare, situé à Amherst, en banlieue de Buffalo (Etat de New-York) qui a été entièrement ravagé par les flammes. A l’arrière du bâtiment trônait un immense tag disant : Jane was here [Jane est passée ici]. Compasscare se présente comme un de ces centres de santé qui fournit des soins de grossesse, pompeusement baptisé « clinique », mais est en réalité un bastion bien connu de l’extrême-droite religieuse, dont l’objectif est d’attirer les jeunes femmes pour les empêcher à tout prix d’avorter.
Selon la police, les inconnu.e.s « ont brisé les deux fenêtres principales de la réception et du bureau de l’infirmière puis ont allumé le feu à l’intérieur ». On notera également non sans déplaisir, que cette attaque ravageuse ne s’est pas produite n’importe où, puisque c’est dans cette même banlieue de Buffalo que le gynécologue Barnett Slepian avait été assassiné à son domicile par un intégriste anti-avortement du groupe « Les agneaux du Christ » en octobre 1998, une exécution survenue après une période où Buffalo avait été le point de départ du mouvement national anti-avortement, avec des manifestants venus des quatre coins des États-Unis pour tenter de faire fermer des cliniques où se pratiquaient l’avortement, comme dans celle où officiait Slepian.
Enfin, la police a déclaré qu’outre le siège cramé de l’important groupe de pression anti-avortement du Wisconsin et à présent ce centre de santé des anti-avortement dans l’Etat de New York, l’entrée de l’organisation anti-avortement Oregon Right to Life, situé à Keizer, dans la banlieue de Salem (Oregon), avait également été endommagée le 8 mai vers 22h40 par deux molotovs, après une tentative infructueuse de briser ses vitres.
Enfin, le 7 mai à Fort Collins (Colorado), l’église catholique Saint John XXIII connue pour son exposition annuelle anti-avortement avait eu plusieurs fenêtres brisées tandis qu’un tag disait sur le portail : « My Body My Choice » [Mon corps, mon choix) suivi d’un A cerclé…
[Synthèse de la presse nord-américaine, 7 & 8 juin 2022]