Trévise (Italie) : Juan condamné à 28 ans de prison

Les yeux remplis de rage

Samedi 9 juillet, le tribunal de Trévise a condamné notre ami et compagnon anarchiste Juan à 28 ans de prison (plus trois ans de liberté surveillée, 30 000 € de dédommagements à la Lega et 17 000 € de frais de justice) car il a été tenu pour responsable de l’attaque explosive contre le siège trévisan du parti d’extrême-droite la Lega en août 2018, à Villorba.

Après la récente reconfiguration en crime de « massacre politique »– qui prévoit la prison à perpétuité – pour un attentat à l’explosif contre la caserne des carabiniers de Fossano en 2006 attribué aux anarchistes Anna et Alfredo, il s’agit de mémoire de la peine la plus lourde jamais infligée en Italie pour une action directe qui n’a pas fait de blessés. Parmi l’infinité d’exemples possibles, on peut noter que le crime de « massacre politique » n’a pas été retenu pour le massacre de Capaci*, tandis que le fasciste Luca Traini a de son côté été condamné à 12 ans de prison pour avoir tiré en 2018 au pistolet semi-automatique sur des immigrés (et sur un siège du Parti Démocrate…), en faisant six blessés. Les circonstances aggravantes du code pénal de « terrorisme » (et de « massacre » sans morts ni blessés) s’appliquent aux révolutionnaires en général et aux anarchistes en particulier.

… Si, jusqu’à présent, personne n’avait pris 28 ans de prison pour une action comme celle de Trévise, ce n’était pas en raison de limitations juridiques (avec la circonstance aggravante de « terrorisme » appliquée aux différents éléments qui composent une action – confection, transport, utilisation de matériel « mortel » – on arrive vite pas loin de la prison à vie), mais en raison de limitations sociales. C’est pour la même raison que personne n’a encore pris 12 ans de prison pour un piquet de grève (bien que la loi qui le permet soit là, prête à être utilisée). Voilà : on est face à un système en guerre, qui va d’urgence en urgence, qui transforme ses propres désastres en occasions de nouvelles fuites en avant techno-militaires, qui tend à dépasser ces limites qui étaient le résultat de cycles de lutte antérieurs –mais aussi de la valorisation capitaliste –. En ce sens, se pose un problème urgent d’autodéfense collective.

L’acharnement envers les anarchistes révolutionnaires a certainement sa propre spécificité. Leur disponibilité à prendre des risques qui a été démontrée au cours de ces décennies de pacification sociale, ainsi que l’absence de saints au paradis parmi la classe politique et intellectuelle [c’est-à-dire de relations haut placées, NdT], les rendent particulièrement vulnérables aux coups.
Mais ceux qui, dans la sphère « antagoniste », resteront indifférents au 41bis [régime carcéral spécial où les prisonniers sont enterrés vivants] où Alfredo vient d’être transféré, à la possible condamnation à perpétuité pour lui et Anna, aux 28 ans pour Juan, non seulement révèlent leur propre indigence éthique, mais font un mauvais calcul. Ne sont désormais à l’abri de la répression que ceux qui se résignent.

Quant à nous, après l’avoir eu à nos côtés pendant 20 ans, nous n’abandonnerons pas Juan pour autant. Ce n’est pas seulement la haine envers la domination de l’homme sur l’homme et sur la nature qui nous remplit de rage, mais aussi l’amour pour un compagnon dont nous avons appris à connaître le courage, la modestie et la douceur.

Pour lui écrire :
Juan Antonio Sorroche
Casa circondariale
Str. delle Campore, 32
05100 Terni TR
Italie

NdT
* Référence à l’attentat du 23 mai 1992 à Capaci (Sicile), lorsque la mafia a fait sauter en l’air sur l’autoroute le juge Falcone avec toute son escorte.

** Au moment de son arrestation après deux années où il était parti dans la nature, Juan devait déjà effectuer un cumul de différentes peines de 8 ans de prison ; et après le classement sans suite de la procédure où il était mis en examen pour l’attaque contre l’école de police de Brescia de 2015 (« attentat à finalité terroriste », art. 280bis), il reste inculpé pour celle de 2014 contre le Tribunal de surveillance de Trente (même article).

[Traduit de l’italien de Il Rovescio, 14 juillet 2022 (extrait)]