Nouvelles perquisitions contre des anarchistes de Munich
(traduit de l’allemand de de.indymedia, 28 octobre 2022)
Jeudi 27 octobre 2022, sans surprise, les flics de Munich ont à nouveau fait une descente dans deux appartements. Une fois de plus, les perquisitions étaient dirigés contre des anarchistes. L’un d’entre eux est accusé d’être membre de l’association de malfaiteurs que les flics sont en train de construire autour de la procédure §129 ouverte contre les compagnons munichois. Une fois de plus, ils ont saisi tous les papiers anarchistes ou ceux qui paraissaient tels à leurs yeux. Pour l’instant, il n’y a rien d’autre à dire sur le cadre de ces perquisitions que ce qui avait écrit dans le texte publié la veille (traduit ci-dessous, NdT), et dans lequel elles avaient été annoncées. Nous vous tiendrons au courant de l’évolution de la situation.
Comme toujours, le principe reste le même : pas de spéculation.
ACAB
Derniers développements et contexte autour de la procédure §129 à Munich ou Les poursuites contre des anarchistes et des mégots au royaume chrétien de Bavière
(traduit de l’allemand de de.indymedia, 26 octobre 2022)
Le texte suivant a pour but de donner quelques informations de fond sur l’enquête basée sur l’article 129 du code pénal [association de malfaiteurs] en cours à Munich, et de fournir les derniers développements ainsi qu’une évaluation générale de l’ensemble de l’affaire. Cette affaire a été rendue publique le 26 avril 2022, lorsque des perquisitions coordonnées ont eu lieu dans quatre appartements, la bibliothèque anarchiste Frevel et une imprimerie.
Avant d’expliquer chronologiquement le déroulement connu des investigations qui ont eu lieu, expliquons ici à nouveau les faits reprochés : la procédure ouverte sur la base de l’article 129 pour association de malfaiteurs, concerne l’accusation d’avoir commis 15 infractions qui sont soit l’incitation à commettre des crimes ou délits, soit leur apologie, soit des menaces, soit les deux, en référence à l’accusation d’avoir publié, rédigé, imprimé et diffusé le journal anarchiste Zündlumpen, paru de mai 2019 à septembre 2021. En bref, les personnes accusées seraient la rédaction de Zündlumpen, qui serait elle-même une association de malfaiteurs.
Comment tout a-t-il commencé ?
Zündlumpen a eu l’immense honneur de se voir attribuer sa première plainte par le vice-roi chrétien de Bavière, à savoir le Dr. Joachim Hermann en personne. Explication : depuis la nuit des temps, Joachim, un homme strict de la CSU [le parti très à droite qui dirige la région de Bavière depuis l’après-guerre], est le commandant en chef de son exécutif encore plus strict, car Joachim est Ministre de l’Intérieur de la Bavière. Joachim veille sur la police bavaroise, qui n’est pas réputée pour sa clémence, sur les frontières bavaroises et sur l’Office bavarois de protection de la Constitution [soit les services de renseignement, NdT]. Avec Joachim, il est clair que lorsqu’il s’agit des frontières, il veut les rendre étanches, lorsqu’il s’agit des réfugiés, il n’en veut pas, lorsqu’il s’agit des policiers, il veut en recruter des dizaines de milliers, lorsqu’il s’agit de « sécurité », Joachim veut investir des milliards d’euros, lorsque Joachim parle d’un Noir, il le qualifie de « merveilleux nègre », et lorsqu’il s’agit de l’extrémisme de gauche, Joachim y voit chaque année un « danger croissant » lors de la présentation du Rapport officiel sur la protection de la Constitution. C’est donc Joachim lui-même, Sa Majesté de l’Armada verte, qui s’est soudainement senti menacé par le journal Zündlumpen. Lorsque Zündlumpen, en référence à certaines déclarations faites par Joachim sur le dangereux Zündlumpen, a dit en gros qu’il était historiquement et théoriquement du côté des régicides, etc. , Joachim Hermann, qui résiderait au ministère de l’Intérieur, a personnellement déposé une plainte pour « menace« .
Chacun sait que les autorités répressives de Bavière sont nerveuses et très vieille école, même Jakob, le plus jeune fils du Dr Joachim, alias le rappeur Jaggy Jackpot : « Beaucoup de Jobs, beaucoup de Cops, c’est la Bavière, Diggah./ Ça veut dire que j’accroche la beuh à mes couilles, Diggah« . Zündlumpen s’est donc rendu coupable d’un crime de lèse-majesté, cette fois-ci sous forme de menace – le début d’une enquête à grande échelle dont les motivations politiques ne pourraient pas être plus claires et symboliques avec ce prélude.
Premières enquêtes
Après cette première plainte, le journal Zündlumpen a continué à les collecter avec assiduité : à partir de mars 2020 tout ne tournait plus qu’autour du coronavirus, et comme Zündlumpen recommandait de le cracher sur les policiers en cas d’infection, un séisme s’est produit sur les réseaux sociaux des flics. A Erfurt, Lüneburg et Cologne, des plaintes ont été déposées pour « incitation au crime » et les parquets respectifs les ont transmises à Munich. A peu près au même moment, des affiches dont les modèles avaient été publiés dans Zündlumpen sont apparues à Munich, et le fait qu’elles aient été collées n’a pas non plus échappé à la police. Quelques citoyen.nes alertes se sont aussi retrouvés de temps à autre avec un numéro de Zündlumpen dans la main ou dans leur boîte aux lettres, ce qui les a tellement provoqués qu’ils ont immédiatement appelé le 110 [l’équivalent français du 17]. Au fil du temps, les plaintes concernant Zündlumpen se sont donc accumulées sur le bureau des policiers en charge de l’extrémisme de gauche (au sein du Staatsschutz, soit l’organisme de Protection de l’Etat, un équivalent de la DCRI, NdT).
Les premières étapes de l’enquête ont été les suivantes : tenter d’identifier les créateurs de l’adresse internet du blog de Zündlumpen sur noblogs. Sans succès. Ensuite, l’office régional de la police criminelle (LKA, Landeskriminalamt) a tenté d’analyser l’image imprimée des exemplaires de Zündlumpen récupérés : ils ont apparemment été imprimés à l’aide d’une imprimante à jet d’encre. Ensuite, l’ADN a été recherché à l’intérieur des exemplaires de Zündlumpen retrouvés, ce qui n’a pas donné de résultats.
Une autre étape a consisté à porter plainte contre Zündlumpen une nouvelle fois pour « incitation au crime« , car celui-ci expliquait dans une édition suivante (pendant le couvre-feu de l’époque) comment éteindre les lampadaires. Le service munichois de protection de l’État a ensuite mis cette explication en lien avec plusieurs câbles coupés sur des boîtiers Internet et téléphoniques à Munich. Les câbles électriques ayant été coupés et laissés à l’air libre, une enquête a été ouverte pour « sabotage menaçant l’Etat ». La police a enquêté un peu sur ces lignes téléphoniques et Internet coupées le 31 décembre 2021, et n’a obtenu aucun résultat. Apparemment, les flics n’ont pas pu relever de traces sur les boîtiers téléphoniques, car pour garder les lignes ouvertes, il fallait toujours qu’un.e employé.e des télécoms vienne d’abord réparer le boîtier. Les stratégies d’enquête utilisées par les policiers, comme que la consultation des services de police fédéraux pour savoir si des faits similaires s’étaient déjà produits ailleurs, l’affichage d’appels à témoins ou l’analyse des possibles itinéraires des auteurs, n’ont fourni aucun indice. La protection de l’Etat était également en contact étroit avec Telecom-Security à ce sujet, et a suggéré d’introduire un système d’alarme en cas de perturbations, qui informerait immédiatement la police, ce que Telecom-Security a refusé, car selon eux cela aurait généré trop de perturbations.
A ce moment-là, plusieurs rapports et enquêtes avaient déjà été effectuées contre Zündlumpen, mais sans aboutir à aucun résultat. La clôture policière de l’enquête a été envisagée… mais ensuite la protection de la constitution (Verfassungsschutz, VS) est intervenue…
Tada !
… et puis l’enquête s’est « soudainement » portée sur trois prévenus que la police a sortis de son chapeau après un intermède avec l’Office de protection de la Constitution. Il n’est pas surprenant que cette transmission d’informations se soit manifestement déroulée de manière très « désordonnée » et « peu transparente » (le fait que le VS bavarois travaille de manière relativement « peu transparente » n’est plus un secret, au moins depuis le NSU – Nationalsozialistische Untergrund, groupe clandestin néo-nazi actif de 1999 à 2011, NdT). Trois personnes sont d’ailleurs le nombre minimum pour pouvoir constituer juridiquement une organisation criminelle. Alors que l’Office de protection de la Constitution (VS) a fourni quelques analyses de l’idéologie (anarchisme insurrectionnel), du radicalisme et de la proximité de la violence ainsi que du langage (le mot « flic », Bullen, est utilisé tant et tant de fois) de Zündlumpen, le service de Protection de l’Etat (Staatsschutz) a enquêté sur trois personnes pour « formation d’une organisation criminelle« . L‘Office de protection de la Constitution (VS) a fourni des informations générales sur les trois suspects et a avancé l’hypothèse qu’ils étaient tous des anarchistes et qu’ils devraient tous avoir des liens avec la bibliothèque anarchiste Frevel (qui est de toute façon un lieu dangereux et criminel). En outre, il est évident que le SV a construit un environnement fixe concernant la bibliothèque Frevel, qui a également fait l’objet de mesures de surveillance. Dans ce contexte, le VS mentionne également un certain nombre de crimes non résolus et d’incendies criminels commis à Munich.
Mais que reprochent les policiers aux accusés respectifs et comment sont-ils tombés dans le collimateur des policiers ?
Il est reproché à la « personne 1 » de l’enquête d’avoir loué un local dans lequel Zündlumpen aurait été fabriqué (une soi-disant hypothèse d’enquête, c’est-à-dire : une simple supposition sans indices). En outre, la personne 1 serait connue de la police, anarchiste et connaissant d’autres anarchistes. La police aurait appris l’existence de cette imprimerie grâce à un appel téléphonique suite auquel des policiers en patrouille seraient passés sur les lieux suite à une plainte pour bruit… et d’autres policiers auraient découvert, à la suite d’un contrôle d’identité effectué quelques jours plus tard, que du matériel anarchiste y étaient imprimé. De plus, un autre policier aurait vu une fois par hasard la personne 1 dans le contexte d’une autre perquisition dans la maison en question, l’aurait reconnue et se serait ensuite renseigné auprès du propriétaire sur la location.
Il est reproché à la « personne 2 » d’avoir fait des études d’informatique, ce qui indiquerait qu’elle aurait les capacités professionnelles pour gérer un blog Noblogs, qui a posé des obstacles insurmontables aux informaticiens du LKA en matière de désanonymisation. De plus, la personne 2 aurait collé à deux reprises des affiches dont le contenu aurait été similaire à celui publié dans Zündlumpen (par exemple sur l’IAA, le Salon de l’Automobile). En outre, la personne 2 écrit parfois des grossièretés et des invectives contre les policiers dans la rubrique « objet » de ses virements bancaires personnels, ce que fait également le journal Zündlumpen. En outre, il serait anarchiste et connu des services de police.
Il est reproché à la « personne 3 » de parler français. Cela suggère qu’elle aurait fait des traductions du français pour Zündlumpen. En outre, la personne 3 aurait été filmée par une caméra de surveillance à l’intérieur d’une église en train de laisser un seul exemplaire de Zündlumpen dans cette église. Elle aurait également commandé sur son compte du matériel qui pourrait être utilisé, entre autres, pour imprimer des choses.
Cette construction a finalement permis à la police, au parquet et aux juges de lancer des observations et d’autres mesures de surveillance, ainsi que de mettre en route les perquisitions d’avril 2022 qui avaient été fixées deux mois à l’avance. L’Office pour la protection de la Constitution a également reçu le pouvoir général de prendre des mesures de surveillance globale pour la période en question et au-delà. Lors des perquisitions suivantes, l’ensemble des pièces ont toujours été fouillées, car il a été affirmé que les anarchistes vivaient partout, qu’ils étaient prêts à recourir à la violence et qu’ils se partageaient les biens. Le fait que certaines personnes ne figuraient pas sur la liste des colocataires (tout en semblant habiter dans les appartements), n’a pas empêché leurs ordinateurs portables, clés USB, lettres personnelles, etc. d’être saisis ni que soient prélevés des échantillons de leur écriture. Un mandat de perquisition avait également été délivré à la prétendue compagne d’une personne concernée, mais il n’a pas été exécuté.
Un mégot de cigarette – voilà !
Après avoir fait main basse sur des dizaines de cartons d’objets et de toutes sortes de journaux, de brochures, bref, de tout le papier qui semblait anarchiste, et après avoir pris tout ce qui n’était pas une chaise ou une poubelle dans l’imprimerie, c’est-à-dire des dizaines de milliers de feuilles de papier blanc, toutes les machines, des milliers de journaux et de livres, les flics se sont mis à analyser en particulier tous les objets de l’imprimerie à la recherche de traces d’ADN, comme si celle-ci avait été un laboratoire secret de bombes. Ils ont prélevé des dizaines et des dizaines d’échantillons sur des imprimantes et des machines… et ont finalement trouvé une trace d’un ADN connu !
Cette trace ADN pourrait être attribuée à la « Personne 4 », alors qu’en même temps, il pourrait être exclu que toute autre trace ADN provienne de la Personne 4. La personne 4 aurait donc fumé une cigarette dans l’imprimerie… et voilà, la personne 4 fait désormais aussi partie de l’organisation criminelle. Car la personne 4 serait également anarchiste et connue des services de police. L’accusation ridicule d’avoir fumé une cigarette dans une imprimerie a suffi à un juge pour accorder un mandat de perquisition, qui n’a pas encore été appliqué… et dans lequel il est à nouveau stipulé que tous les imprimés anarchistes, les écrits personnels, les imprimantes, etc. doivent être saisis. Intéressant : les flics veulent à chaque fois saisir les routeurs WLAN afin d’évaluer les adresses MAC qui y sont enregistrées.
L’absurdité de tout cela
La police a manifestement une énorme volonté politique de démanteler les espaces fréquentés et utilisés par les anarchistes, comme l’ont montré les pressions et les intimidations exercées sur le propriétaire de la bibliothèque anarchiste Frevel, qui a par la suite résilié le bail de la bibliothèque. L’interaction entre le ministère de l’Intérieur, la protection de la Constitution, la protection de l’État et le LKA fait qu’il suffit d’être anarchiste, d’être considéré comme appartenant à un cercle de personnes et de connaître soi-disant des gens pour être accusé d’appartenir à une organisation criminelle. L’État bavarois n’hésite pas à donner l’image d’une dictature lorsque ses sbires confisquent toute publication anarchiste et tout matériel d’impression, ni à intimider les propriétaires à la manière de la mafia et à menacer de perquisitionner les domiciles en cas de non-remise des contrats de location. Il s’agit manifestement pour l’État d’étouffer la présence d’idées, d’espaces, de relations et de pratiques anarchistes.
Le niveau juridique de cette tentative est significatif : la police ne peut établir de lien réel entre aucune des quatre personnes désormais accusées et Zündlumpen, et encore moins avec la rédaction d’articles. Principale accusation : les accusés sont des anarchistes et se connaissent certainement. La ligne d’enquête suivie par l’Etat consiste à construire des indices quelconques à partir de traces d’ADN ! Il essaie de trouver des traces d’ADN d’anarchistes sur des imprimantes ou des numéros isolés de Zündlumpen ou simplement quelque part dans une imprimerie et de présenter cela comme si on faisait partie de la rédaction de Zündlumpen. Cette construction absurde suffit au parquet et aux juges pour faire passer toute mesure répressive et toute perquisition et saisie. Cette tactique d’enquête est pertinente pour l’ensemble de la République fédérale : si les flics, les juges et les procureurs qui travaillent ici parviennent à faire en sorte que la simple accusation selon laquelle une trace d’ADN trouvée sur un journal, un appareil d’impression ou un objet quelconque dans une imprimerie correspondant à une personne donnée, signifie que l’on a soi-disant imprimé, distribué ou même rédigé les articles du journal en question, alors la possession de n’importe quel journal anarchiste constitue un crime potentiel. Fahrenheit 451 vous salue !
Vouloir démontrer la participation à la publication d’un journal par des traces d’ADN (comme sur les mégots dans une imprimerie) est une initiative répressive qui nous concerne tous ! L’État bavarois ne veut pas seulement réprimer l’existence de locaux et de publications anarchistes, mais aussi le simple fait de posséder, de lire et d’imprimer des journaux anarchistes.
Ces dernières avancées répressives à Munich concernent tous les subversifs, les rebelles, les anarchistes, les anti-autoritaires et les cœurs sauvages. Car si lire des journaux anarchistes est un crime, alors aucun d’entre nous n’est innocent !
Liberté pour les rotatives et tous les prisonniers du monde entier !
Solidarité et salutations à toutes les autres personnes concernées par les procédures sous article 129 !
Quelques rats de bibliothèque anarchistes
et des lecteurs de Bavaria