Susanna Schlein est certes la sœur aînée de la députée italienne de gôche Elly Schlein (également dans la course aux primaires de 2023 pour prendre la tête du Partito Democratico), mais est surtout en train d’accomplir une brillante carrière de diplomate. Après avoir été en poste en Allemagne ou en Albanie, elle a finalement obtenu en septembre 2021 celui très convoité de Première conseillère de l’ambassade d’Italie en Grèce, devenant concrètement la n°2 de l’ambassade transalpine dans ce pays. Un métier qui n’est évidemment pas sans risques, et dont elle assumait certainement la charge avec confiance… jusqu’à ce qu’elle soit réveillée chez elle dans le quartier huppé de Papágos au beau milieu de la nuit athénienne, le 2 décembre vers 3h50 du mat’, par une série d’explosions.
Ce bruit obsédant ne provenait pas de pétards lancés par quelques noctambules éméchés dans une rue adjacente, mais de sa propre voiture, sagement stationnée dans le garage de son domicile : une BMW en train d’être réduite à l’état de carcasse fumante par un incendie volontaire, dont l’explosion du réservoir et des pneus l’ont brusquement sortie du sommeil, alors qu’elle rêvait peut-être en toute innocence à comment servir au mieux sa patrie. Et ce n’est pas tout, puisque la seconde voiture de Mâdame la diplomate italienne, celle de service, était également sur le point de connaître le même sort que la première, avant que les pompiers accourus en hâte ne découvrent un engin incendiaire placé sous sa roue.
Inutile de dire que cela a valu à la diplomate des messages de solidarité de toute la classe politique de son pays, où personne ne semble avoir grand doute quant aux motivations de cette attaque venue frapper une représentante de l’Etat italien juste sous son nez, notamment après les tags apparus le 17 novembre dernier sur les murs de l’ambassade italienne à Athènes (« Alfredo libero (A) » en italien, et « Le régime du 41bis en Italie est une torture (A) » en grec), suivis de l’intervention du 30 novembre contre la Chambre de commerce gréco-italienne à Athènes (peinture et tracts), elle-même précédée de celle qui avait visé l’Institut culturel italien de la ville (banderole et tags) le 9 novembre… et le tout entre plusieurs attaques incendiaires de véhicules sur le même thème.
Sans surprise, la Première ministre Giorgia Meloni a donc affirmé à propos de la nuit chaleureuse passée par sa n°2 d’ambassade en Grèce, qu’il s’agissait d’« une attaque probablement d’origine anarchiste », tandis que la presse italienne se tournait à nouveau vers la situation d’Alfredo Cospito, en grève de la faim depuis 45 jours contre la perpétuité incompressible et contre le régime carcéral 41bis, sur lequel une audience du Tribunal de surveillance de Rome devait justement se prononcer ce 1er décembre…
[Synthèse de la presse italienne, 2 décembre 2022]
* Note du 10/12 : une semaine après la parution de ce texte, cette attaque vient d’être revendiquée par Noyau de la vengeance « Carlo Giuliani », dont on pourra trouver une traduction ici…
Un qui aurait mieux fait de se la boucler dans les médias…
Voici la réaction de Flavio Rossi Albertini, l’avocat de Cospito, dans les médias italiens, à propos du fait qu’il pourrait s’agir d’une attaque solidaire avec son client, comme l’a par exemple affirmé le ministre grec de la Sécurité Panagiotis Theodorikakos…
« J’espère qu’il ne s’agit pas de déclarations fondées sur des préjugés ou d’hypothèses non vérifiées », a commenté Flavio Rossi Albertini, l’avocat d’Alfredo Cospito, à propos de la possibilité que l’attaque contre Susanna Schlein soit un acte de solidarité avec l’anarchiste. « Une voiture a été brûlée, et aussi grave que cela puisse être, on parle d’une voiture incendiée : il faut regarder les choses avec mesure » ajoute-t-il. « La quasi-totalité des initiatives de solidarité ont été légitimes et légales, et même lorsqu’elles ont dépassé la limite, elles ont emprunté des formes très peu offensives, juridiquement parlant. Laissons les enquêtes se dérouler, et agissons avec rationalité », souligne l’avocat.
(Il fatto quotidiano, « L’attentato a Schlein: le accuse sugli anarchici e il caso di Alfredo Cospito, detenuto al 41 bis », 2 décembre 2022)
À Athènes, un mystérieux incendie criminel au domicile
d’une diplomate italienne
Courrier international, 3 décembre 2022
“‘Acte criminel grave’ : c’est ainsi que le ministère italien des Affaires étrangères a décrit l’attentat qui, dans la nuit du 1er au 2 décembre, a détruit la voiture d’une diplomate italienne à Athènes”, dans son garage, rapporte le Corriere della Sera. Il s’agit de Susanna Schlein, première conseillère à l’ambassade d’Italie et sœur d’Elly Schlein, figure de la gauche italienne et possible candidate à la présidence du Parti démocrate.
Comme le précise le journal, la voiture a été incendiée puis “entièrement détruite par une explosion”. Un deuxième véhicule, qui appartenait également à la diplomate, a été visé : un cocktail molotov a été retrouvé à l’intérieur, la mèche à moitié consumée. “Ce qui laisse accroire que l’attentat la visait personnellement”, relève Il Post, ajoutant que “La police grecque et le parquet de Rome se penchent sur les faits.” L’incident n’a pas fait de blessés.
“On ne connaît ni l’identité des responsables ni leurs motivations, poursuit le site. La Première ministre Giorgia Meloni, qui a exprimé sa solidarité à Schlein, a parlé de ‘probable origine anarchiste’, même si à ce stade on ne dispose pas d’assez d’information pour étayer cette hypothèse.” L’attaque n’a pas été revendiquée.
Une large mobilisation
La piste anarchiste est reprise par les médias italiens, qui font un lien entre l’attentat et la mobilisation récente de groupes anarchistes en Grèce et en Italie en soutien à Alfred Cospito. Ce militant anarchiste, notamment condamné pour “un attentat qui n’a pas fait de blessés ni de morts”, risque de voir sa peine commuée en réclusion à perpétuité dans les prochains jours, indique Il Post dans un autre article. En avril, son régime de détention a été sévèrement durci au motif qu’il a entretenu une correspondance avec d’autres anarchistes. Cospito a entamé une grève de la faim fin octobre.
“Mercredi 30 novembre, toujours à Athènes, une nouvelle manifestation de soutien à Cospito a eu lieu, précise Il Manifesto. À cette occasion, un groupe d’anarchistes s’est rendu à la chambre de commerce italo-grecque et a laissé des messages sur les murs, de la peinture sur la porte et des tracts, dans le but de ‘lancer un message de résistance internationaliste contre la tentative d’extermination de notre camarade par l’État italien’.” Les semaines précédentes, des messages de soutien étaient également apparus sur les murs de l’ambassade d’Italie, ajoute La Stampa, et “des manifestations de soutien ont également eu lieu dans plusieurs villes d’Italie”, complète Il Post, qui, prudent, maintient que “le lien avec l’attentat qui a visé Schlein est difficile à vérifier”.