sur le réseau ferroviaire
Le Figaro, 9 septembre 2024
Le sabotage contre les voies ferrées la nuit précédant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le 26 juillet dernier, a laissé des traces à la SNCF. Officiellement, le groupe ferroviaire préfère mettre en avant sa réaction après cette attaque XXL : en trois jours, la circulation de tous les trains avait été rétablie. « 435 agents ont travaillé en 3×8 pendant trois jours. La rapidité du retour à la normale montre la résilience de notre réseau face à une attaque de très grande ampleur », estime Damien Pallant, directeur général adjoint de la sécurité à SNCF Réseau, chargée des voies ferrées en France. Le grand public, lui, a découvert la fragilité du réseau hexagonal. Et, loin des micros, les langues se délient au sein de l’entreprise publique : « On a été estomaqué que plusieurs axes de notre réseau fassent l’objet d’une attaque concomitante », glisse un de ses cadres.
Quinze jours avant, le PDG du groupe, Jean-Pierre Farandou, semblait pourtant confiant lors de sa visite du centre de supervision de SNCF Réseau Île-de-France. Le patron de ce PC opérationnel, niché quelque part à la gare du Nord, lui avait présenté un dispositif rassurant où 25 personnes se relayant en 3×8 et 7 jours sur 7 suivaient sur des écrans d’ordinateur l’état du réseau. Avec 50 % des équipements pourvus de capteurs (rails, caténaires…), ils étaient immédiatement tenus au courant des pannes. Mais cela ne disait rien des façons de déjouer des actes de malveillance sur ces installations. Dans ce domaine, SNCF Réseau estimait qu’il faisait déjà beaucoup : dispositif antieffraction sur les postes d’aiguillage, transformateurs électriques protégés…
« Sur 2023 et 2024, nous avons investi en tout 60 millions d’euros dans la sécurité de nos installations alors que nous étions à 40 millions sur la période précédente », appuie Damien Pallant. Visiblement, ce n’était pas encore assez. La vieille dame ferroviaire a quelques excuses à faire valoir : « Nous n’avions pas eu d’alertes selon lesquelles nos installations seraient particulièrement visées », précise Damien Pallant. Avec cela, tout le monde comprend aisément qu’il est quasiment impossible de sécuriser les 28.000 km de voies ferrées dans l’Hexagone.
Une question se pose néanmoins : la SNCF a-t-elle suffisamment dissimulé ces installations très sensibles, qu’il s’agisse de postes d’aiguillage ou de transformateurs électriques ? A-t-elle de bons dispositifs empêchant d’identifier ces sites sensibles sur le web ? « Une revue a été faite, et les documents aujourd’hui en ligne sur le réseau ferroviaire sont des documents considérés comme non sensibles », avance-t-on à SNCF Réseau. Spécialiste du transport chez Sia, Arnaud Aymé a une approche un peu différente « Quand on est dans le train, on voit ces transformateurs électriques le long de la voie. Et ils sont indiqués sur Google Maps ou presque. » En plus, outre les cheminots, tous ceux qui interviennent sur les voies (sous-traitants ou fabricants de matériel ferroviaire) ont accès au plan des installations.
Plus de drones
Pour éviter de nouveaux sabotages pendant les Jeux olympiques, les pouvoirs publics et la SNCF ont déployé les grands moyens jusqu’à dimanche dernier. Les forces de l’ordre ont été renforcées pour sécuriser le réseau ferroviaire « en multipliant les contrôles de nuit sur les axes jouxtant les voies ferrées », précisait, le 1er août, Gérald Darmanin, ministre démissionnaire de l’Intérieur. De son côté, la SNCF a mobilisé ses agents pour surveiller les voies. Deux cent cinquante agents de la sûreté ferroviaire, la police interne du groupe, ont été placés aux endroits stratégiques. Mille agents de maintenance ont fait des tournées sur les sites. Et une cinquantaine de drones les ont surveillés. « Comme nous n’en avons pas une telle quantité, nous avons fait appel à des prestataires pour survoler nos installations », raconte Damien Pallant. Mais on ne peut pas proroger un dispositif d’une telle ampleur maintenant que les Jeux olympiques sont finis.
En conséquence, la SNCF réfléchit à se doter d’outils permettant de limiter les risques d’une nouvelle attaque. Ainsi, elle va éloigner les chambres de tirage où sont enfouis les câbles des postes d’aiguillage, une façon de limiter les risques d’incendie. Les dispositifs antieffraction des installations les plus critiques vont également être renforcés. À l’étude aussi, plus de caméras de vidéosurveillance et de drones. Et pour qu’ils détectent mieux la présence humaine, la SNCF va débroussailler plus systématiquement autour de ces sites la végétation qui peut servir de camouflage aux saboteurs. Mais compte tenu des temps incompressibles des appels d’offres propres aux entreprises publiques, ils ne seront pas disponibles avant 2025.