Berlin (Allemagne) : Feu à la production de microprocesseurs

[Mercredi 10 juin à Berlin, vers 3h du matin, des flammes se sont élevées à l’arrière du bâtiment de l’entreprise Micro Resist Technology, implantée dans la zone techno-industrielle de Wuhlheide. Dans le communiqué de revendication du sabotage incendiaire, on apprend que cette entreprise est notamment un sous-traitant essentiel de l’entreprise néerlandaise ASML, un des principaux fabricants européens de micro-processeurs qui alimente sans cesse le militarisme et la destruction de la planète… Voici la traduction du communiqué paru le lendemain sur de.indymedia, et signé par « des anarchistes »…]


Arrêter le cœur de la méga-machine
Feu à la production de microprocesseurs

La nuit dernière, sur le site du parc d’innovation technologique de Berlin-Wuhlheide, nous avons mis le feu à des armoires électriques, des câbles d’alimentation et un système de ventilation de l’entreprise Micro Resist Technology. En Allemagne, alors qu’on mobilise à nouveau sans complexe pour la force militaire et l’aptitude à la guerre, à coups de budget spécial et de service militaire obligatoire, nous visons avec notre sabotage le cœur de la méga-machine technologique, et touchons aussi, à travers la production de microprocesseurs, l’un des points les plus sensibles de la collaboration civile-militaire. Cette attaque est une contribution aux protestations contre la Journée nationale des vétérans, dimanche prochain [NdT : dans un contexte de réarmement massif du pays, l’Allemagne a inauguré le 15 juin sa  première «Journée des vétérans» depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, afin de rendre hommage à ses anciens combattants]. – « Feu et flammes » plutôt que « Gloire et Honneur » pour le militarisme, la soldatesque et la patrie !

De minuscules géants au croisement de la technologie et de la guerre

Le réseau de la domination capitaliste se tisse toujours plus étroitement autour de nous. Ce faisant, le progrès technologique est le moteur qui permet à la méga-machine destructrice de fonctionner et de pénétrer toujours plus profondément les aspects les plus intimes de notre existence. Des choses inertes, en matière synthétique et en métal qui, équipées de capteurs, de microphones, de lentilles, de puces électroniques, etc. se transforment au fil du temps toujours plus en prothèses pour les interactions sociales, qui remplacent les véritables relations sensibles et atrophient de plus en plus nos capacités cognitives. En même temps, les réseaux sociaux, les assistants vocaux, l’Intelligence Artificielle, les appareils dits „intelligents“, la reconnaissance faciale et encore beaucoup d’autres instruments de surveillance nous suivent à la trace, permettant à la chaîne de création de valeur capitaliste d’absorber toujours plus largement l’ensemble de nos activités. Le Big Data donne de la Big Money. L’implantation de telles technologies dans notre quotidien façonne notre être, et les calculs algorithmiques qui en résultent décident et déterminent toujours plus fréquemment notre avenir. Une fois que nous en avons pris l’habitude, ces mécanismes opèrent avec une telle omnipotence que la plupart des gens peuvent désormais à peine imaginer s’extraire de l’emprise numérique. Chez beaucoup, cette seule pensée déclenche des crises d’angoisse. Ne reste alors qu’une foule d’esclaves de la machine, dépendant.e.s, contrôlé.e.s, aliéné.e.s et la plupart du temps même pas conscient.e.s de ce rapport.

Ce n’est pourtant qu’un aspect de l’assaut technologique. Car la technologie peut et doit non seulement manipuler nos pensées et nos actions, mais elle doit aussi tuer. Presque toutes les technologies importantes sont issues de la recherche et de développements militaires, destinés à avoir l’avantage sur le champ de bataille. Non seulement face à des nations ennemies, mais aussi dans la guerre sociale contre les exploité.e.s, les personnes superflues et les précaires. De la force atomique jusqu’à internet, de la cybernétique à l’Intelligence Artificielle –notre quotidien est traversé de part en part par des objets fondamentalement issus d’une logique militaire. Dans le pire des cas, cela peut signifier que des applications qui nous accompagnent aujourd’hui de manière ludique, alimentent et entraînent les mêmes machines sur la base desquelles demain un drone dirigé par IA déterminera et anéantira sa cible. Une pratique parfois employée par l’armée israélienne, notamment avec des programmes d’IA comme « Lavender », dans sa campagne de destructions sans freins contre la population palestinienne de Gaza, et avec le soutien amical de ses complices occidentaux.
Ce qui ressemble à un épisode de film de science-fiction dystopique, est l’atroce réalité des « réalisations » technologiques regroupées sous le terme de « double usage », inhérent à la plupart des technologies. Des entreprises comme Google, Amazon, Microsoft, IBM, Siemens, Telekom ou Tesla ne sont que quelques-uns des acteurs les plus connus opérant au croisement des applications civiles et militaires. Des entreprises produisant des technologies-clés hautement spécialisées telles que les microprocesseurs/semi-conducteurs sont bien moins connues, alors que sans elles aucun des appareils techniques modernes ne fonctionnerait. Pas plus les smartphones, les ordinateurs, les voitures que les chars, les missiles guidés ou les drones de guerre.

Longtemps passé plus ou moins inaperçu, ce secteur de production attire de plus en plus l’attention de l’opinion publique mondiale, en raison des tensions géopolitiques croissantes entre la Chine et Taiwan. En effet, plus de la moitié de tous les microprocesseurs sont fabriqués à Taïwan,  et dans certains domaines de la fabrication complexe de puces haute performance, la part du groupe taïwanais TSMC dépasse les 90%. C’est que ce l’UE et les États-Unis veulent changer aussi rapidement que possible, car l’accès à des puces électroniques de haute valeur est décisif et peut décider de l’issue d’une guerre, tandis que l’économie mondiale en dépend directement. De plus, en raison du haut degré de spécialisation et de la fragilité des chaînes logistiques globales, la production est extrêmement sensible aux perturbations et aux interruptions. Pendant le Covid, cela a déjà conduit à des pénuries d’approvisionnement et par conséquent à la mise à l’arrêt de centaines d’usines dans le monde entier, notamment des fabricants automobiles. C’est pourquoi plusieurs usines de microprocesseurs sont actuellement en construction dans l’Union européenne et aux États-Unis. Mais les dépendances existent dans toutes les directions et le secteur est marqué par des mesures de sanctions réciproques et une politique de protectionnisme, raison pour laquelle on parle aussi d’une « guerre des puces ». Par exemple, certains dispositifs d’exposition pour microprocesseurs hautement performants ne peuvent être produits en ce moment que par l’entreprise néerlandaise ASML, qui a transféré une part conséquente de sa production à Berlin, ce qui fait de la ville un site important pour l’industrie des microprocesseurs. ASML, comme tous les autres producteurs de l’industrie des semi-conducteurs, dépend à son tour d’un grand nombre de sous-traitants spécialisés.
L’un d’entre eux est Micro Resist Technology, une entreprise de recherche et de high-Tech située dans le quartier berlinois de Köpenick, qui fabrique et contrôle des produits chimiques spéciaux permettant la fabrication et la production de puces électroniques. Comme cette technologie est essentielle pour des raisons de puissance économique et de force de frappe militaire, et vu que l’aptitude à la guerre semble de toute façon être la maxime de notre temps, l’industrie des microprocesseurs connaît actuellement un véritable boom en Europe. C’est pourquoi l’entreprise que nous avons attaquée passe pour être un « Hidden Champion« , ce qui veut déjà tout dire.

Cependant la production de microprocesseurs est également une catastrophe écologique à beaucoup d’égards. Pour les régions où sont installées les usines, comme partout ailleurs où sont pillées les matières premières rares nécessaires à leur fabrication. Si, comme le planifie l’UE, 20 % de toutes les puces électroniques du monde devaient être produites en Europe, les émissions de ce secteur pourraient même dépasser celles de l’industrie chimique et de la sidérurgie européennes. De plus, l’engouement actuel pour l’IA laisse présager une croissance exponentielle de la demande de puces électroniques, ce qui augmentera inévitablement le niveau de destruction de la nature dans la même proportion.

Mais beaucoup d’autres produits qui rendent le monstre technologique encore plus puissant et dont l’utilisation a des conséquences notables sur notre vie à tous, proviennent également de la maison Micro Resist. Ils sont employés dans toutes les technologies-clés possibles, telles que la technologie des microsystèmes, la micro-électronique, l’opto-électronique, la micro- et la nano-photonique, la micro-et la nano-technique, ainsi que les sciences de la vie. De plus Micro Resist travaille en ce moment en recherche et développement en coopération avec Google sur une nouvelle version de lunettes virtuelles, destinées à fournir données et informations dans le champ visuel. Là encore, il s’agit d’une technologie qui trouve son origine dans le domaine militaire et qui permet de transformer les soldat.es en cyborgs et en robots de combat infaillibles grâce à des interactions homme-machine. Reste à savoir si un nouvel essai sur le terrain visant à normaliser de tels instruments de surveillance et de contrôle dans le domaine civil échouera à nouveau en raison des arguments solides de ses opposants face aux yuppies de la technologie. Même si dans l’ensemble ces temps ne nous inspirent que peu d’espoir, il ne reste qu’à espérer.

Pour tout le reste, nous continuons à considérer le sabotage, avec sa tradition pluri-centenaire comme une réponse appropriée à la volonté guerrière, à l’assaut technologique et à la destruction de la planète.

Mettre la méga-machine à l’arrêt !
Feu et flammes au lieu de gloire et honneur pour le militarisme, la soldatesque et la patrie !
Attaquer les profiteurs de guerre – saboter la journée des vétérans !
Bonne chance et force en cavale et en détention – Liberté pour toustes !

Tas d’anarchistes M.R.M.D (micro resist – mega damage)