Paris/Vincennes : Mouvements de révoltes au CRA, évasions, répression et solidarités

Mouvement de révolte au centre de rétention de Vincennes, évasions, répression et solidarités à l’extérieur…
abaslescra, 4 février 2024

Le CRA de Vincennes est l’un des 25 centres de rétention administrative en France dans lesquels l’État enferme des personnes n’ayant pas les bons papiers. Ce CRA, l’un des plus grands et retenant des personnes assignées homme à la naissance, a la particularité d’héberger en son sein une école de police, ce qui permet à l’État d’entraîner sa milice à de nouvelles méthodes pour bien mater tous ceux qui oseraient se révolter et pourrir la vie aux milliers de personnes qui s’y retrouvent chaque année enfermées.

Malgré la volonté des autorités de briser toute solidarité entre retenus et avec l’extérieur en les isolant, ce mois de décembre 2023 a été marqué par un puissant mouvement de rébellion. Bien que répartis dans trois bâtiments, les retenus ont réussi à s’organiser et à résister, refusant ainsi d’attendre passivement de se faire expulser vers leur « pays d’origine », comme le voudrait l’État. Ils ont, par exemple, permis d’éviter à un retenu de se faire expulser en le cachant, ont écrit plusieurs communiqués ensemble et les ont visiblisés…

Encore plus fort, le 25 décembre au matin 11 personnes ont réussi à s’échapper de l’enceinte
 !! Deux jours plus tôt une première tentative coordonnée entre les enfermés s’était malheureusement soldée par un échec…
Le 26 au soir, en solidarité, des feux d’artifice ont été tirés aux abords du CRA.
Des évasions ou des tentatives d’évasion, il y en a régulièrement dans les CRA (on pense notamment aux 8 personnes qui se sont déjà fait la belle en novembre au CRA Vincennes). Et on en profite ici pour souhaiter bonne route et bon courage aux évadé.es et aux futurs évadé.es !

L’évasion réussie du 25 décembre a particulièrement fait réagir le gouvernement dans le contexte du débat autour de la loi raciste de Darmanin. Le jour J, les médias s’emballent à partir d’une dépêche AFP forçant le préfet de Paris, Nunez, à tenir une conférence de presse au Cra de Vincennes.
Sans surprise Nuñez comme les médias nous servent sur un plateau l’habituelle rengaine raciste de l’État qui diabolise les personnes enfermées et plus généralement les personnes sans papiers.
Le chef des keufs annonce alors un renforcement du dispositif de sécurité dans le CRA et ses alentours et évoque « des tirs de mortiers contre le CRA », en les qualifiant « d’incidents venant de l’extérieur » qui s’ajoutent aux « incidents venant de l’intérieur ».
Depuis l’évasion, les flics harcèlent encore plus les retenus : les rondes se sont multipliées, les chambres sont fouillées plusieurs fois par nuit, les gens sont mis à l’isolement pour un oui ou pour un non…

C’est dans ce contexte, qu’arrive le 31 décembre.
Chaque année, des feux d’atifices sont tirés devant différents lieux d’enfermement en France en solidarité avec les personnes à l’intérieur. Cette année encore en Île-de-France, par exemple, des gens sont allé.es tirer des feux devant les prisons de la Santé, Villepinte et Fleury et devant le CRA du Mesnil Amelot.

À Vincennes ce soir-là, 12 personnes se font interpeller pas loin du CRA et placer en garde à vue pour « groupement en vue de… ». Les médias indiqueront plus tard qu’un sac de feux d’artifice a été retrouvé dans une « une fourgonette fichée ». Les individu.es vont passer 48h en GAV, avant d’être déféré.es au TGI de Paris. Iels ressortiront toustes libres avec un contrôle judiciaire (incluant l’interdiction de paraître aux abords du CRA) et une convocation pour un procès qui aura lieu le 14 février 2024. On leur reproche, selon les personnes, « groupement en vue de », « identité imaginaire », « refus de signalétique » et « transport d’explosif ».

Dès le lendemain, des médias, alimentés par les flics, s’en donnent à cœur joie, à grands renforts de sensationalisme. On entend parler d’« invidus fichés S », de « l’ultra gauche », « de personnes coordonnées avec les personnes enfermées en vue d’une évasion », de « matériel pour fabriquer des coktails molotov », d’« explosifs ». Cnews ira même jusqu’à parler d’« attaque mortelle ». Bref, rien de neuf dans leur vision fantasmée, ces gens-là vivent en dehors des réalités des luttes et des révoltes.

Quelles qu’aient été les intentions des 12 personnes du 31 décembre, nous leur exprimons toute notre solidarité !

L‘État montre une fois de plus sa volonté de réprimer et de criminaliser aussi bien les personnes enfermées et les actes de révoltes à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Il serait impossible pour nous d’écrire ce texte sans lier ces événements à la fascisation de la société, marquée notamment par la loi Darmanin, qui vise à rendre impossible la vie des étrangers avec ou sans papiers, ou par les discours haineux vis-à-vis d‘eux déversés tous les jours par les médias.

Durant ces quelques jours, les médias ont une fois de plus justifié l’enfermement des personnes, en disant que ce serait toustes des délinquants, des sortants de prison, des violeurs, des multirécidivistes… Un discours également porté par le gouvernement, Darmanin expliquant que sa loi ne viserait qu’à faire un tri entre bon.nes et mauvais.es migrant.es.
Autant d’arguments de merde. Si les personnes sont enfermées dans les centres de rétention, c’est uniquement parce qu’elles sont étrangères : la majorité des personnes sont enfermées en CRA car elles ont subi un contrôle au faciès dans la rue, une gare, une station de métro et n’ont pas pu présenter « les bons » papiers ; de plus en plus sont aussi envoyées en CRA à la fin de leur peine de prison – c’est la double peine – notamment car leur titre de séjour leur a été retiré, ou car l’administration pénitentiaire les a empêchées de le renouveler ou de faire un recours contre leur OQTF.
Elles sont enfermées car les frontières permettent de trier des personnes et de créer des divisions entre une soi disant population « nationale » qui aurait le droit de vivre sur un territoire donné et les « étrangers ». Les frontières permettent de contrôler, enfermer, créer des ennemis ou des indésirables. Si elles existent, c’est par l’existence même de la notion d‘État.
Les frontières tuent et continueront de tuer tant qu’elles existeront.
Nous visons à la destruction de tous les CRA, toutes les frontières, tous les États, toutes les prisons et à toute forme d’autorité.

C’est la notion même d’enfermement qui nous dégoûte. Toutes les différentes formes de pouvoir veulent nous mener à une acceptation absolue de l’enfermement, même dans ses formes les plus «sociales démocratiques» : il serait justifiable a minima d’enfermer les «déviants», les «violeurs», les «multi-récidivistes», etc.
Nous refusons cette catégorisation et cette façon de décider qui serait légitime à être enfermé.e ou pas. Nous ne croyons pas en la justice punitive, nous ne croyons pas en la justice dictée par des lois, des juges, un pouvoir.

Que brûlent tous les lieux d’enfermement que ce soit des prisons, des CRA, des hôpitaux psychiatriques, des cellules de commissariats ou de palais de justice…

Continuons à montrer notre solidarité avec les gens enfermé.es, en étant en lien avec elleux, en diffusant leur parole et leurs revendications, en montrant activement notre soutien (par des feux d’artifices à l’extérieur par exemple), en imaginant sans cesse des nouvelles formes de solidarité. Continuons à lutter contre et attaquer les frontières, partout où elles se trouvent et sous toutes leurs formes, des centres de rétention aux boîtes qui se font de la thune dessus, en passant par les bureaux de la PAF (police aux frontières)…

Soyons solidaires avec les personnes révoltées à l’intérieur comme à l’extérieur ! Et avec toustes les prisonnier.e.s !

Soyons présent.e.s massivement le 14 février au TGI de Paris en soutien aux personnes inculpées suite aux arrestations du 31 décembre, comme aux audiences devant le juge des libertés qui renouvelle la durée de détention des retenu.e.s enfermé.e.s en CRA !

Que brûlent les CRA!
Feu aux frontières, feu aux prisons!

Màj arrestations du 31/12 : l’affaire fera vraisemblablement l’objet d’un renvoi lors de l’audience du 14 février