Nous vous avons vu. Nous vous avons entendu. Vous êtes désormais partout. Nous savons qui vous êtes. Vous êtes ces 99 % qui protestent contre les excès du capitalisme et les abus de l’État. Vous êtes les 99 % qui exigent des réformes électorales, des alternatives sociales, des subventions économiques et des mesures politiques. Vous êtes les 99 % angoissés de perdre votre futur, de n’être plus capables de vivre comme vous l’avez fait jusqu’à présent : un boulot, un revenu, un crédit pour la maison, une retraite. Vous laisser vivre, au minimum. Faire carrière, au maximum. Voilà ce que vous demandez. Vous ne voulez pas payer la « crise », vous voulez que tout redevienne comme avant. Que personne n’éteigne les écrans qui ont jour après jour asséché votre vie, la privant de tout sens et de toute émotion, la condamnant à la tristesse de la survie. Et tout cela, vous le demandez aux gouvernements et aux banques, afin que la démocratie soit : des gouvernants non plus intéressés au pouvoir mais au bien commun, des banquiers non plus intéressés au profit mais au bonheur des populations. Comme dans les contes, comme dans les films.
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Archives par mot-clé : finimondo
2012 : Le trou de la serrure
Une vie passée devant le trou de la serrure n’est-elle pas bien misérable ? Une vie à lorgner ce que les autres font, à écouter en cachette ce que les autres disent. Une vie de voyeurs, qui s’évertuent à arracher des morceaux d’autres existences, de personnes qu’ils ne sont même pas en mesure de connaître dans leur complexité, mais dont ils violent l’intimité sans aucun scrupule. Il y a ceux qui le font derrière un buisson, ceux qui le font avec l’aide d’un micro caché, ceux qui le font planqués derrière un écran. Et il n’est pas dit que les premiers soient les pires. Au moins, leur passion n’est-elle pas exempte de risques. Pour la satisfaire, ils mettent presque toujours leur peau en danger. Mais que dire des autres, de ceux qui doivent presser un simple bouton et installer une antenne pour envahir en toute tranquillité les émotions et les sensations de leurs cibles ? Lire la suite
2014 : Pas d’identification
Quand ils frapperont à la porte…
Début décembre, un des télé-virologues les plus appréciés des journalistes déclarait que la liberté de choix est un problème que le pouvoir devrait résoudre. Que ceux qui s’obstinent à ne pas obéir volontairement devraient être contraints de le faire de force. Que la liberté de ne pas se faire vacciner, par exemple, ne peut exister que pour un ermite qui vit seul au milieu du désert. Quant aux autres, citoyens de la société, « évidemment il n’y a pas d’alternative pour ces gens à l’obligation, mais à l’obligation, celle sérieuse, c’est-à-dire l’obligation qui t’envoie les carabiniers chez toi pour te prendre ». L’affirmation péremptoire a fait pouffer de rire la journaliste de service qui l’accueillait (et pas pour son italien laborieux).
Une semaine plus tard, le général d’armée auquel le gouvernement a confié la tâche de guider la guerre contre le redoutable virus a déclaré que lui et ses troupes sont prêts : en même temps que le Père Noël, il « fera les vaccinations maison par maison ». En plus des personnes âgées perdues dans les villages les plus reculés, les militaires sont « prêts à vacciner tout le public » — le public des enfants…
A distance du monde
Les saisons changent
les jours sont similaires
divers épilogues
possibles rêves invisibles
routes inconnues
nuits imprévisibles
Si la vie a une valeur quantitative, il est évident que la science et la technique deviennent les religions de la domination. Le monde s’arme, progressant vers l’abîme. Aujourd’hui, on admet de façon inéluctable qu’il produise soin et contrôle totalisant contre une maladie incurable. Quelqu’un s’interroge-t-il sur comment la technologie semble à la fois toujours plus à la pointe et incontestable mais en même temps aussi vulnérable ? Quelque chose d’invisible et d’imperceptible est en train de faire s’écrouler une partie du système. Et vu que ce monde est basé sur le rapport millénaire entre pouvoir et servitude, nous sommes en train de tomber avec lui.
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Transportés par le vent
En quête assidue d’ « un équilibre entre responsabilité économique, responsabilité Sociale et responsabilité environnementale», le groupe Agsm de Vérone (Italie) est une entreprise qui affirme avoir quelque scrupule de conscience. Son objectif est évidemment d’obtenir du profit, mais elle veut le faire de manière propre, de manière quasi éthique oserait-on dire. Active dans le secteur de l’énergie, cette société ne veut rien avoir à faire avec le pétrole, le gaz ou le nucléaire. Non Monsieur, « puisque le développement durable est dans l’ADN du Groupe Agsm», sa spécialité sera l’exploitation des prétendues ressources renouvelables. Même le soleil, l’eau et le vent peuvent alimenter la Méga-Machine qui est en train de ravager la planète ! Un de ses derniers projets est ainsi la construction d’un grand champ d’éoliennes sur le mont Giogo, dans la zone du Mugello en Toscane. Agsm a présenté le projet il y a un an, lançant l’envoi des autorisations procédurales menées par la région, auxquelles ont participé 44 organismes, sans oublier un « débat ouvert avec les citoyens» qui s’est conclu le 24 août dernier. Il s’est terminé parce qu’il a mis tout le monde d’accord ? Non, bien sûr, il s’est terminé parce que ce genre de débat n’est qu’une formalité ennuyeuse à expédier en vitesse avant de passer aux choses plus lucratives.
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Une petite pensée
traduit de l’italien de finimondo, 27 juillet 2020
C’est celle qu’ont eu les enquêteurs qui s’occupent de la flambée inattendue qui s’est produite le 27 avril en plein confinement en périphérie de Lecce, contre l’entreprise Parsec 3.26. Et vu que Finimondo avait publié un texte (traduit ici) dans lequel il ne condamnait et ne s’indignait pas de ce qui était arrivé, bien au contraire, et vu que ses animateurs ne vivent pas trop loin du siège de cette entreprise dont la raison sociale et économique est celle d’incarner Big Brother, savez-vous que 1+1+…
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Rien, à Nantes
traduit de l’italien de finimondo, 18 juillet 2020
Depuis combien de temps ils nous disent, ils nous répètent, ils nous préviennent que rien ne sera plus comme avant ? Que nous sommes en train de traverser une période historique inédite, en devant affronter des événements qui changeront totalement notre vie, dans ses aspects majeurs comme mineurs ?
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Aucune normalité
« Du jamais-vu en vingt ans », a déclaré mercredi 6 mai un haut dirigeant d’une compagnie de téléphonie française. A quoi faisait-il référence ? A la panique nationale qui se déchaîne en cette période de pandémie, aux profits que son entreprise tirera grâce au confinement qui contraint des millions d’usagers à rester coller devant des dispositifs électroniques depuis des semaines, à l’effondrement du niveau de pollution de l’air lié à la quarantaine… ? Non, il faisait référence à toute autre chose : au sabotage qui s’était produit le jour précédent en Île-de-France, la région où se trouve la capitale du pays avec ses ministères politiques et ses sièges de centres financiers et économiques. Un sabotage défini comme « intentionnel à grande échelle », qui s’est en plus produit 48 heures après qu’un journal parisien ait lancé l’alerte publique sur la « reprise de l’action directe » à travers tout l’hexagone contre les (infra)structures de la domination.
La mesure de confinement décrétée le 17 mars dernier par le gouvernement français pour endiguer la pandémie n’a en effet pas permis de stopper l’offensive – d’usure pourrait-on dire – qui se poursuit depuis des années contre le pouvoir sur tout le territoire. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, des centaines d’attaques ont eu lieu ces dernières années non seulement contre des casernes, des banques et des entreprises, mais aussi et surtout contre les moyens techniques qui permettent le fonctionnement normal de ce monde : pylônes, relais, parcs éoliens, antennes, centrales électriques et transformateurs de tous types… Des actions simples, à la portée de tous les enragés, menées avec les moyens les plus disparates, et justement pour cela tenues à l’écart des feux des projecteurs nationaux afin de neutraliser leur mauvais exemple, en les reléguant à de négligeables faits divers locaux. Ainsi, pendant que tout un chacun écoutait (tremblant ou réjoui) le bruit sourd des vitrines brisées qui tombaient dans les centre-villes au cours des grandes manifestations hebdomadaires, presque personne n’entendait croître jour après jour la forêt obscure de la révolte anonyme. Snobées par les aspirants stratèges des mouvements sociaux qui ont besoin de consensus, les actions directes n’ont été soutenues et amplifiées que par ceux qui ne font pas d’investissements pas sur la colère.
2017 : A quoi sert l’énergie ?
« Ils protestent contre l’énergie qui passe devant leur maison, mais ils la veulent bien chez eux ! » s’époumone ces jours-ci un philistin national-populaire face à ce qui est en train de secouer un petit village des Pouilles et de s’amplifier dans le reste de la région. Les affrontements entre forces de l’ordre et opposants se déroulent devant le site qui accueillera le chantier du Tap (Trans-Adriatic Pipeline), un gazoduc de 3000 kilomètres qui partira d’Azerbaïdjan jusqu’en Turquie (Tanap: Trans-Anatolian Natural Gas Pipeline), avant de passer en Grèce et en Albanie, de traverser la mer adriatique et d’accoster sur le littoral de Lecce. Dans cette lutte où il n’est pas toujours facile de comprendre où finit la raison et où commence le prétexte, le Salento n’est pas tout seul.
Standing Rock, par exemple, est une réserve indienne dans le Dakota du Nord, aux Etats-Unis. Hythe en revanche, est un petit village de moins de mille âmes, perdu au nord de l’Alberta, au Canada. Si on quitte le nouveau continent pour se déplacer en Europe, on tombe en Allemagne sur Niederzier, une commune de 15 000 habitants en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. En France aussi, nous viennent en tête plusieurs endroits, comme la Haute-Durance, dans les Hautes-Alpes, à la frontière avec le Piémont. Ou encore de petits bourgs en Bourgogne, en Haute-Vienne, dans la Loire, ou encore non loin de Paris. Tandis qu’en Finlande on pourrait citer Pyhäjoki ou le golfe de Botnie. Quel est le fil noir qui réunit tous ces points géographiques ? Pas seulement le fait que là aussi soient en construction – ou déjà en activité depuis des années, comme dans le cas allemand – des installations pour exploiter des ressources énergétiques, mais que ces projets voulus et imposés d’en haut rencontrent de fortes résistances d’en bas, avec des formes de lutte qui sortent souvent de l’étroitesse du légalisme pour déboucher sur une révolte ouverte (passant de la tristesse des pétitions à l’ivresse du sabotage). Pourtant, en tant que synonyme de force qui permet à la vie de se manifester, l’énergie ne court quasi pas le risque d’être remise en question. Tous la réclament, parce que personne n’aime la faiblesse, l’immobilisme, la paralysie (qui accompagnent le manque d’énergie). Ceci fait que l’accumulation d’énergie, l’extraction et l’exploitation de ses sources soit universellement perçu comme une évidence, toujours positive et donc bienvenue. On peut critiquer le recours à une source d’énergie particulière, jugée empoisonnante et dangereuse – comme celle atomique – mais pas le besoin en soi d’énergie. Ceci explique pourquoi d’un côté beaucoup d’opposants tendent plus à critiquer l’arrogance décisionnelle et les choix techniques portés par les différents projets énergétiques plutôt que leur objectif, et d’un autre côté que les concepteurs de ces projets affichent une sacrée stupeur chaque fois qu’on ose entraver ce qui à leurs yeux représente plus ou moins la continuation de la vie sur terre.
Invisible mais vrai
Il n’aura pas échappé à certains que les Champs-Elysées en flammes de samedi dernier peuvent être considérés comme une magnifique commémoration de la Commune de Paris. Qui sait combien y ont pensé. « Paris respirait !… Partout s’agitait une vie intense… Adieu au vieux monde et à la diplomatie » écrivait Louise Michel à propos des événements qui ont débuté le 18 mars 1871 à Paris. « La Commune a été la plus grande fête du XIXe siècle » – commentèrent un siècle plus tard les situationnistes. « Ça a été fantastique, d’une joie impressionnante » – nous a écrit un anonyme compagnon à propos du 16 mars 2019 à Paris. L’ivresse de la révolte, dans l’assaut contre le pouvoir et ses petites mortifications quotidiennes, est un plaisir qui n’a pas besoin de chefs… Ah oui, au fait, et les chefs ?
Quelle tristesse, même les leaders révolutionnaires ne sont plus ceux d’autrefois. Si le 18 mars 1871 l’aspirant général de l’insurrection Blanqui ne put participer au soulèvement, c’est parce qu’il se trouvait en prison. Craignant son influence sur un climat social désormais incandescent, le chef du gouvernement Thiers avait pris des mesures et l’avait fait arrêter la veille. Eh bien, il semble que le 16 mars 2019, même l’autoproclamé héritier de Blanqui n’a pu (tenter de) chevaucher la révolte dans les rues de Paris. Mais pour une raison bien plus vulgaire : il était (et est toujours) en tournée à travers l’Italie pour vendre sa marchandise imprimée.
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