Biélorussie/Russie : des nouvelles de la « guerre du rail »

Stopper
les wagons
traduit du russe du site anarchiste a2day, 15 avril 2022

Le 14 avril 2022, les groupes de partisans “Busly lyatsyats” [Буслы ляцяць, soit Les cigognes en vol *]  rapportent avoir mené des actions de guérilla dans les régions de Smolensk et Briansk (Russie), à une cinquantaine de kilomètres de la frontière Biélorusse, afin de ralentir le transport ferroviaire des troupes de Poutine. À la suite d’actions menées à bien, des dispositifs de signalisation, de centralisation et de blocage ont été détruits sur plusieurs tronçons ferroviaires. Plusieurs armoires de relais de signalisation sont détruites.

A cette fin, des engins incendiaires artisanaux ont été installés dans les armoires-relais du système de signalisation ferroviaire, déclenchés à l’aide d’un retardateur par minuterie, avant de brûler complètement l’équipement interne des armoires.

Il y a également eu d’autres actions contre le chemin de fer russe, dont personne, à notre connaissance, n’a pris la responsabilité. Il peut s’agir soit de partisans de la résistance russe ou biélorusse, soit de saboteurs ukrainiens. L’objectif est maintenant le même : arrêter l’agression et affaiblir l’État russe autant que possible, ce qui pourrait donner à la population une chance de faire une révolution sociale et de structurer la société sur des principes différents.

Récemment, on a appris la détention de trois Biélorusses pour avoir provoqué un incendie des armoires relais entre les gares de Borisov et Novosady, qui s’est produit le 25 mars. Les saboteurs sont tombés sur un groupe de troupes intérieures qui se trouvaient en patrouille dans la forêt, et ont ouvert le feu pour tuer [NdT : de plus, la nuit du 30 mars, trois habitants de Bobruisk, âgés de 27 à 28 ans ont été arrêtés puis un autre le 1er avril dans le district de Borisov, accusés par le ministère de l’Intérieur biélorusse d’avoir commis les sabotages de voies ferrées du 25 mars à Borisov et du 28 mars dans le district d’Osipovichi. Trois des quatre ont été blessés par les flics lors de leur arrestation puis hospitalisés, notamment après avoir reçu une balle dans les genoux].

Stopper les wagons

Et pourtant, malgré le danger, on signale de nouvelles attaques, la guerre du rail continue. Les membres du collectif “Останови вагоны” [Stopper les wagons, voir leur site ici, dont l’un des slogans est « En sabotant les voies du chemin de fer, vous sauvez des vies des deux côtés du front !« ] publient des informations actualisées sur la circulation des trains en Russie et donnent des conseils sur les actes de sabotage. Non systématique. Fragmenté. Sans un seul centre de commandement. Dans toute la Russie !

Un énorme train de marchandises peut être arrêté par une seule personne – avec un fil de fer et des gants en caoutchouc.

Étant donné que le carburant et les munitions pour la guerre sont acheminés des dépôts militaires de toute la Russie, il est important que la résistance soit PARTOUT.

Avant tout, il est important d’arrêter le trafic ferroviaire dans les régions à partir desquelles des équipements militaires, des missiles et des bombardiers décollent vers l’Ukraine :

  • Lignes ferroviaires vers la Biélorussie
  • Toutes les lignes des croisements ferroviaires de Moscou et de Saint-Pétersbourg
  • Région de Belgorod
  • Région de Bryansk
  • Région de Volgograd
  • Région de Voronezh
  • Région de Kaluga
  • Région de Krasnodar
  • Région de Lipetsk
  • Région de Rostov
  • Région de Saratov
  • Région de Stavropol
  • Région de Crimée

Plus spécifiquement

Les chercheurs de la Conflict Intelligence Unit publient périodiquement des photographies et des rapports sur les mouvements observés des forces. Des mouvements ont déjà été enregistrés :

▪️Rostov-sur-le-Don, sur la route de Sibirtsevo (Primorsky Krai)
▪️Krasnoye Selo (Saint-Pétersbourg, district de Krasnoselsky)
▪️Maslovka (banlieue de Voronezh)
▪️Veselaya Lopan (Région de Belgorod)
▪️Selyatino (Région de Moscou, Moscou-Briansk)
▪️Kubinka-2 (région de Moscou, grand anneau du chemin de fer de Moscou)
▪️Alekseyevka (région de Belgorod)
▪️Krasny Bor (région de Smolensk)
▪️Yelnya (région de Smolensk)
▪️Novozybkov (région de Briansk)
▪️Konosha (Archangelsk Oblast)
▪️Cheryokha (région de Pskov)
▪️Volokolamsk
▪️Khabarovsk
▪️Tyumen
▪️ Tula

Bien entendu, cette liste n’est pas exhaustive. L’équipement, le carburant et les munitions pour la guerre sont acheminés depuis les dépôts militaires de toute la Russie. Il est donc important que la résistance agisse PARTOUT.

Des conseils simples de la part de la résistance ferroviaire :

Blocage des signaux automatiques

Si vous « court-circuitez » deux rails avec un fil, l’automatisation reçoit un signal indiquant que la voie est occupée et le feu passe au rouge.

1. Utilisez n’importe quel fil épais (avec ou sans gaine isolante)
2. Enrouler les deux extrémités des fils autour des rails
3. Portez des gants en caoutchouc pour vous protéger.

Il est très important que le fil entre en contact avec les deux rails !

Rails huilés

1. Trouvez un tronçon de chemin de fer qui monte (c’est l’étape la plus difficile).
2. Lubrifiez les rails avec de l’huile (n’importe quelle huile fera l’affaire), de la graisse ou du savon liquide.
3. Veillez à graisser les DEUX rails sur au moins 200 m – cela augmentera les risques de déraillement. Cette méthode ne doit jamais être utilisée contre des civils.

Train de véhicules blindés russes près de la gare de Brest-Yuzhny (Biélorussie)

Détruire l’armoire-relais

Requis :
1. Localiser l’armoire-relais
2. Ouvrir la porte avec un pied de biche.
3. Verser un liquide inflammable (essence, kérosène) sur l’équipement
4. Mettre le feu
5. S’échapper avec succès.

Si vous ne trouvez pas d’essence, peu importe, l’équipement peut être détruit de toute autre manière appropriée, y compris avec une masse. Ensuite, la méthode d’action ressemble à ceci :

1. Trouver l’armoire à relais
2. Entrer
3. Détruire le matériel par tous les moyens nécessaires
4. S’échapper avec succès

Vandalisme lumineux

Détruire les feux de signalisation des chemins de fer. N’importe quel marteau, masse, pied-de-biche ou même une pierre assez lourde fera l’affaire.

Cela perturbera le trafic ferroviaire et bloquera l’approvisionnement de guerre vers l’Ukraine.

Détruire un aiguillage

La première chose à faire est de le trouver. Ils sont toujours présents avant les bifurcations, particulièrement nombreuses à l’approche des villes et des grands carrefours ferroviaires. La méthode la plus « simple » consiste à utiliser 1 kg d’explosifs. Vous pouvez également utiliser une masse ou un pied de biche à la place des explosifs.

N’oubliez pas de prendre des précautions !


NdT :  sur Busly lyatsyats (Biélorussie)
et les sabotages ferroviaires

* En décembre 2021, le groupe Les cigognes en vol (Busly lyatsyats, les cigognes étant le symbole du printemps et du renouveau) a été déclaré « terroriste » sur l’Etat biélorusse, accusé de la destruction de dizaines de caméras de vidéosurveillance dans la capitale Minsk, de dommages sur des véhicules et des biens des forces de sécurité, de l’incendie d’infrastructures et le blocage de voies ferrées.

Busly lyatsyats est l’une des composantes de l’opposition informelle au régime biélorusse nommée Supratsiv (Супраціву, Résistance), elle-même née en mai 2021 suite à la répression qui a suivi la réélection de Loukachenko. Un autre groupe connu du réseau Supratsiv, se nomme CyberPartisans, des hackers volontaires qui ont revendiqué le piratage du réseau interne des chemins-de-fer biélorusses des 27 février et 2 mars dernier, extrayant toutes les données sur le mouvement de troupes russes et le bloquant en partie. Dans une récente interview à un journal d’opposition (Nasha Niva, 24 avril), une ses porte-parole a annoncé travailler en coordination avec les Forces armées ukrainiennes.

En tout cas, toujours est-il que si Busly lyatsyats revendique ses sabotages de voies ferroviaires dans des messages vidéos (dont les deux derniers à Smolensk et Briansk en territoire russe, réalisés à cinquante kilomètres de la frontière)… la plupart restent de toute façon anonymes, généralement attribués par les autorités à de simples habitants ou à des cheminots. Selon le Ministère de l’Intérieur biélorusse, au 6 avril,  « plus de 80 attentats terroristes [auraient] été commis contre l’infrastructure du chemin de fer biélorusse », et « une quarantaine de personnes ont été arrêtées pour suspicion de sabotage sur les voies ferrées ».

Enfin, notons que la Biélorussie a une longue histoire de sabotage ferroviaire, qui est encore enseignée dans les écoles avec une fierté toute nationaliste, et connue sous le nom de « guerre du rail ». Cette dernière y est par exemple qualifiée comme «  la plus réussie des tactiques déployées par les résistants qui ont ouvert la voie aux troupes soviétiques pour chasser les troupes nazies », ce qui a peut-être réveillé des vocations dans une partie de la population. Lorsque l’Union soviétique a en effet commencé à attaquer les lignes de ravitaillement des forces d’invasion allemandes à l’été 1943, les chemins de fer furent leur cible principale, et plus de 20 000 attentats ont ainsi été perpétrés rien qu’en août 1943, dont la majorité dans l’actuelle Biélorussie.


Chronologie de sabotages ferroviaires en Biélorussie
depuis le début la guerre
(février/mars)

Journal d’opposition Nacha Niva (Biélorussie), 7 avril 2022

Le 26 février, sur le tronçon Verkhi-Vereytsy dans la région de Mogilev, le dispositif d’automatisation et de télémécanique du système de signalisation (signalisation, centralisation et blocage) a été désactivé.

Le 27 février, la même chose s’est produite près de la gare de Borisov.

Le 28 février, au point d’arrêt de Sineva (service ferroviaire de Baranovichi), une armoire relais a été incendiée. En conséquence, les feux de circulation et les aiguillages de cette section ont été hors service pendant un certain temps.

Le 28 février, le même sabotage a eu lieu sur le tronçon Ostankovichi-Zherd (région de Gomel).

Le 1er mars, il y a eu des problèmes de circulation des trains sur le tronçon Mogilev-2 – Buinichi en raison d’un court-circuit de voie.

Le 14 mars, sur le tronçon Domanovo – Lesnoye (branche Brest du chemin de fer), l’armoire relais est rendue inutilisable. Le feu de circulation s’est éteint.

Le 16 mars, sur le tronçon Farinovo – Zagatya (région de Vitebsk), une armoire de relais de signalisation a été incendiée. Les feux de circulation et les aiguillages de chemin de fer dans cette zone sont temporairement tombés en panne.

Le 16 mars, à la gare Orsha-Centralnaya, six transformateurs de signalisation de type SOS2-50 ont été démantelés et retirés de l’armoire-relais. Le feu de signalisation de sortie a été défectueux pendant plusieurs heures.

Le 25 mars, sur le tronçon Borisov-Novosady, deux armoires relais ont été incendiées (sens pair et sens impair).

Le 28 mars, sur le tronçon Osipovichi-1 – Vereytsy (près du point d’arrêt Sovetsky), les feux de circulation n ° 2 (sens pair) et n ° 3 (sens impair) ont été éteints. Le dispositif de signalisation de cette zone a été désactivé en mettant le feu à deux armoires relais.

Le 30 mars, sur le tronçon Savichy-Berezina (tronçon Osipovichi-Gomel), près de l’arrêt Babina, deux armoires relais ont été ouvertes (l’une d’entre elles a été incendiée).