Paris : les péniches des Jeux Olympiques et des bourges sur le grill [MàJ]

Quatrième incendie de péniches à Paris : qui en veut au Petrus III ?
Le Parisien, 27 janvier 2024 (extrait)

Une torche à la main, Gérard éclaire ce qu’il reste de l’intérieur de sa vedette hollandaise, amarrée au bout du port de l’Arsenal, quai de la Bastille (Paris XIIe). Bris de verre, suie, odeur de brûlé… Le Petrus III est désormais entouré de barrières. Pour la seconde fois de la semaine, il a été la cible d’une main incendiaire, dans la nuit de vendredi à samedi.

Mais cette fois, les dégâts sont considérables. Qui en veut donc tant au Petrus III, prisé des stars, et retenu pour participer à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, comme le confirme Paris 2024 ? « J’aimerais bien le savoir, et voir cette personne droit dans les yeux », nous répond Gérard, le propriétaire, venu avec sa fille ce samedi 27 janvier au matin pour constater l’ampleur des dégâts.

C’est un plaisancier qui a aperçu de la fumée en pleine nuit. Il a prévenu un vigile et permis d’alerter les pompiers. Les flammes ont été maîtrisées mais l’intérieur est dévasté. Une caméra du port a filmé une personne s’introduisant dans la péniche, elle aurait d’abord fracassé une fenêtre à l’avant, à l’aide d’un gros pavé, puis aurait mis le feu, à l’arrière, sous des banquettes. En un rien de temps. Les images ont été confiées à la police. Le gros pavé a été saisi.

La mauvaise nouvelle s’est répandue en un rien de temps sur les boucles WhatsApp de l’Arsenal. « Le téléphone n’arrête pas de sonner, tout le monde est désolé et se demande comment aider, confie Olivier Péresse-Gourbil, capitaine du port. Des gens dans le port commencent à avoir peur pour leur propre bateau. Malgré les rondes de la police nationale, fluviale, municipale, malgré la présence d’un agent de sécurité en plus, quelqu’un s’est encore attaqué au bateau. »

Voilà une semaine que les péniches sont prises pour cibles dans la capitale. Le premier incendie a visé l’établissement festif « O Vieilles Kanailles » dans la nuit du dimanche 21 au lundi 22 janvier, endommageant son pont supérieur et un escalier. Le lundi 22, le Café Barge, quai de la Râpée, a lui été totalement détruit. Dans le même temps, la vedette hollandaise Petrus III qui a été prise pour cible une première fois dans la soirée du lundi 22 janvier. L’incendie a été rapidement circonscrit, mais le navire a été de nouveau visé dans la nuit de vendredi à samedi.

Le point commun entre tous ces bateaux amarrés à quelques centaines de mètres ? « Aucun n’est habité », explique un plaisancier de l’Arsenal, qui promène son chien ce samedi et ne cède pas à la psychose. « C’est plutôt tranquille ici, on a surtout eu des vols par le passé, mais ça s’est calmé. » L’accès au quai Bourdon est réservé aux plaisanciers munis d’un badge, entre 22 heures à 8 heures, mais quai Bastille, en face, où le Petrus III est amarré, c’est totalement passant, de jour comme de nuit. « C’est un choix de la ville de laisser l’accès par les jardins », détaille un habitué des lieux.

Pourquoi le Petrus III a-t-il été visé deux fois de suite ? Deux autres bateaux à la location sont amarrés tout près. « C’est vraiment terrible que le sort s’acharne sur ce bateau qui est l’un des plus beaux de la Seine », glisse Olivier Jamey, président de la Communauté portuaire de Paris. Un charme prisé des stars. En lune de miel à Paris, lors de l’été 2022, Jennifer Lopez, Ben Affleck et leurs enfants avaient choisi le Petrus pour voguer sur la Seine. Cette embarcation de luxe a notamment accueilli d’autres stars comme Beyoncé, Jeff Bezos, Bradley Cooper ou encore Zinédine Zidane. Des films y ont aussi été tournés.

Le bateau de collection, avec son pont en teck, est arrivé tout droit des Pays-Bas il y a une quinzaine d’années, en passant par la Manche. Pour Paris 2024, cet incendie ne devrait pas occasionner de gêne : au cas où un bateau viendrait à ne plus pouvoir être opérationnel, des remplaçants sont prévus.


Incendies de péniches à Paris : la piste d’un seul pyromane privilégiée
Le Parisien, 7 mars 2024

Derrière la série d’incendies de péniches parisiennes, un seul et même auteur ? Initialement poursuivi pour avoir mis le feu au bateau le Petrus III, le 27 janvier dans le port de l’Arsenal (Paris IVe-XIIe), Ibrahim Z. est désormais suspecté par la justice d’être l’incendiaire du Café Barge le 22 janvier, a-t-on appris ce jeudi lors de l’audience de comparution immédiate où il devait être jugé pour l’ensemble de ces faits. Il est également soupçonné d’une première tentative visant le Petrus III le même jour.

Âgé de 22 ans, le jeune homme avait été présenté une première fois devant le tribunal de Paris le 1er février. Deux jours plus tôt, il avait été arrêté par la police après que son son ADN avait été retrouvé sur une pierre utilisée pour casser la vitre du Petrus III dans la nuit du 26 au 27 janvier. Alors qu’un premier incendie s’était déclaré au sein de cette embarcation prisée des stars quelques jours plus tôt sans occasionner de dégâts, cette fois-ci, l’intérieur du bateau avait été fortement endommagé par les flammes.

Lors de l’interpellation du suspect, les policiers avaient d’ailleurs constaté que ses vêtements dégageaient une odeur d’essence. L’audience avait toutefois été renvoyée à ce jeudi 7 mars pour qu’une expertise psychiatrique soit réalisée et Ibrahim Z. avait été placé en détention provisoire en attendant. « Depuis, il n’y a pas eu d’autres incendies de péniches dans les secteurs », fait remarquer une source proche du dossier. Et surtout, les enquêteurs du commissariat du XIIe arrondissement ont avancé dans leurs investigations.

Selon cette même source, les exploitations des caméras de vidéosurveillance ont permis de raccrocher le suspect à la première tentative d’incendie sur le Petrus III ainsi qu’au sinistre qui a ravagé le Café Barge. Les deux faits se sont produits la même soirée du 22 janvier, contribuant à créer un climat de psychose sur les pontons du port de l’Arsenal. « Sur les images, on voit un jeune homme avec la même silhouette, la même allure et le même vêtement que celui du suspect arrêté quelques jours plus tard, précise-t-elle. On le voit notamment faire le chemin entre les deux bateaux. »

En ce sens, le tribunal a décidé de renvoyer l’affaire à l’instruction, d’autant que l’expertise psychiatrique n’a pas encore été réalisée. « Un passage obligé lorsque l’on soupçonne quelqu’un d’être pyromane », glisse l’avocat désigné pour défendre le jeune homme qui n’était pas présent ce jeudi. En revanche, il ne lui a pas été imputé les faits concernant la péniche « O Vieilles Kanailles », amarrée dans le même secteur et visée par un incendie le 21 janvier. Originaire du Maroc et sans abri, le prévenu conteste les faits qui lui sont reprochés.

« Je suis très surpris par ce qui m’arrive aujourd’hui », avait notamment déclaré le jeune homme lors de sa première comparution. À la sortie du tribunal, la propriétaire du Café Barge s’est dite « à peu près convaincue » qu’Ibrahim Z. était l’auteur des dommages causés à son bateau. « C’est la question du mobile qui interroge », souffle cette dernière, rappelant qu’« il n’y a pas de lien » entre les trois embarcations. Aujourd’hui, elle se dit « dévastée » par l’étendue des dégâts, estimée à près de 2 millions d’euros. « La saison est morte », déplore la victime, qui estime à deux ans la durée des travaux.