Des nouvelles policières de l’enquête sur les sabotages contre les J.O.

[Chacun sait que les grandes agences de presse internationales sont liées aux Etats, et notamment à leurs services de renseignement. Et Reuters, fondée en 1851 à Londres puis redevenue un des géants du marché depuis son rachat par le groupe canadien Thomson en 2007, n’échappe pas à la règle. Forte de cette position, elle a sorti hier une longue dépêche « exclusive » qui lève un petit coin de voile sur l’enquête à propos des sabotages qui ont frappé l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Titrée « Exclusive: France seeks FBI help in probe of high-speed train sabotage hours before Olympics », nous avons pensé que ce document de Reuters puisé aux sources nord-américaines pourrait intéresser des lecteurs curieux. En voici la traduction de l’anglais à titre d’information, puisqu’elle n’avait pas réussi à franchir les vagues de l’océan Atlantique jusque là (les liens sont de nous).]

Exclusif : La France demande l’aide du FBI pour enquêter sur le sabotage des trains à grande vitesse quelques heures avant les Jeux Olympiques

PARIS, Aug 7 (Reuters) – La police française, qui enquête sur le sabotage de lignes ferroviaires à grande vitesse quelques heures avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, a demandé l’aide du FBI américain, ont déclaré deux sources ayant une connaissance directe de l’enquête française.

Les enquêteurs ont fait appel au FBI après que des médias, dont Reuters, ont reçu un email que la police pense avoir été envoyé par les auteurs. Cet email contenait une liste décousue de griefs, mais ne revendiquait pas explicitement la responsabilité de l’attaque.
Le mail, signé par « une délégation inattendue », a été envoyé à partir d’une adresse riseup.net, un collectif basé à Seattle qui dit fournir « la communication et des ressources informatiques aux alliéEs engagéEs dans les luttes contre le capitalisme et les autres formes d’oppression ».

Les saboteurs ont utilisé des engins incendiaires sur quatre lignes de TGV se dirigeant vers Paris, provoquant un chaos dans les transports quelques heures avant qu’un public mondial ne suive le défilé des athlètes olympiques le long de la Seine, le 26 juillet.
Aucune arrestation n’a eu lieu. Les autorités françaises soupçonnent des groupes d’extrême gauche nationaux, mais n’excluent pas une implication étrangère.
Comme riseup.net est basé aux États-Unis, la police française a demandé au FBI de pousser cette organisation à identifier le titulaire du compte de messagerie, ont déclaré les deux sources à Reuters.
Le FBI s’est refusé à tout commentaire.
Riseup n’a pas répondu à une demande de commentaire par email.
Le FBI devrait assigner Riseup à livrer les détails, mais il est peu probable que Riseup s’exécute.

« Nous nous battrons activement avec n’importe quelle tentative pour citer ou pour acquérir autrement n’importe quelles informations ou registres d’activité sur les utilisateurs », peut-on lire sur son site web. « Nous ne partageons aucune des données de nos utilisatrices et utilisateurs, avec personne. »
Dans une interview accordée en 2020 au groupe anarchiste biélorusse Pramen, Riseup a déclaré qu’il n’avait jamais répondu à une demande juridique étrangère.
« Nous recevons régulièrement des demandes juridiques du monde entier. Nous ne sommes pas tenus d’y répondre, et notre politique est donc de ne pas le faire. »
Toutefois, le FBI a déjà délivré des mandats à Riseup.
En 2012, des agents du FBI ont saisi un serveur utilisé par Riseup dans le cadre d’une enquête sur des alertes à la bombe. En 2017, Riseup s’est plié à contrecœur à deux mandats du FBI visant à obtenir l’identité de comptes impliqués dans des actes d’extorsion.

Les auteurs de l’email se sont insurgés contre les secteurs français de l’armement, de l’énergie et du nucléaire, et ont critiqué un réseau de TGV qui ne profiterait qu’à « quelques privilégiés ». Ils ont déclaré que l’impact des attaques – « gâcher les voyages des touristes ou perturber les départs en vacances » – était minime par rapport à l’héritage d’un système de transport qui a « toujours été un moyen de colonisation de nouveaux territoires ».

Des empreintes digitales étrangères ?

Les deux sources ont déclaré que les enquêteurs français n’avaient pas encore trouvé de preuves solides d’une implication étrangère.
Une source a déclaré que la police cherchait un lien possible avec un piratage du système ferroviaire polonais en 2023, que les services de renseignement polonais pensaient initialement avoir été effectué par la Russie.
En décembre, un tribunal polonais a condamné 14 citoyens ukrainiens, biélorusses et russes pour espionnage au profit de la Russie. Les agents surveillaient les transports ferroviaires d’armes à destination de l’Ukraine via la Pologne et prévoyaient de les perturber.
La France a accusé la Russie de mener une campagne de désinformation concertée pour semer le chaos à l’approche des Jeux olympiques, qui en sont à leur deuxième semaine. La police française a arrêté en juillet un Russe soupçonné de vouloir déstabiliser les Jeux olympiques.
Le ministère russe des affaires étrangères n’a pas répondu à une demande de commentaire formulée après ce sabotage.

La police n’a pas encore établi de lien avec un sabotage similaire du réseau de télécommunications français deux jours après les attaques contre le TGV, ont indiqué les sources. Bien qu’il s’agisse dans les deux cas d’engins incendiaires, une source a déclaré que les matières explosives utilisées étaient différentes.

L’une des pistes d’enquête concerne le matériel explosif retrouvé sur une ligne de TGV près de Marseille le 8 mai, le jour même de l’arrivée de la flamme olympique dans la ville. Le matériel explosif était presque identique à celui utilisé lors des attaques du 26 juillet, a indiqué la source.
Le parquet d’Aix-en-Provence a confirmé l’ouverture d’une enquête, mais n’a pas souhaité faire d’autres commentaires.

La police française enquête [aussi] sur d’anciens employés de l’opérateur ferroviaire public SNCF, ainsi que sur des sous-traitants, mais l’une des sources a déclaré qu’une grande partie des connaissances nécessaires pour entreprendre le sabotage du TGV peut facilement être trouvée en ligne.

La police française est également en discussion avec ses homologues italiens, allemands et espagnols, car les attaques pourraient avoir été coordonnées avec des groupes anarchistes de l’étranger, a ajouté la source.
Les cellules d’extrême gauche et anarchistes s’opposent typiquement à l’État et au capitalisme et intègrent de plus en plus les préoccupations environnementales dans leur idéologie, selon les responsables français.
Elles sont difficiles à pénétrer, d’après les deux sources.
Leurs membres vivent souvent hors-réseau [off-grid] et sont paranoïaques à l’égard des gens de l’extérieur. Ils évitent les canaux de communication traditionnels et pratiquent une hygiène numérique irréprochable. Comme leurs attaques sont généralement non létales, elles sont moins prioritaires pour les services de sécurité qui se concentrent principalement sur les militants islamistes meurtriers.