Le chiffre du jour : plus de 700

Parmi l’ensemble des mesures policières mises en œuvre à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris, il en est une qui fait beaucoup moins de bruit, sur laquelle un article publié dès mars 2024 (Au programme des JO : perquisitions administratives et assignations à résidence…) revenait déjà : les « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (Micas).

Les MICAs, c’est quoi cette merde ?

Ce dispositif administratif des Micas est directement issu de l’état d’urgence de 2015, qui a été pérennisé en 2017 par la loi dite « sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme » (Silt). Il se base sur le soupçon étatique qu’un « comportement » particulier « constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public », ou que cette personne « adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes ». Avec pour conséquence la délivrance d’une Mica, soit une assignation à résidence allant jusqu’à trois mois (renouvelable), ainsi que des perquisitions administratives et une obligation de pointage quotidien au comico, le tout sur la simple base de notes blanches des services de renseignement. Des mesures directement prononcées par le ministère de l’Intérieur à l’encontre de la personne concernée avec application immédiate (puis susceptibles d’un recours devant le tribunal administratif).

Le 17 juillet dernier, à une dizaine de jours de l’ouverture des Jeux Olympiques, le ministre de l’Intérieur sortait un premier chiffre de 155 Micas promulguées par ses services afin de « maintenir à distance » des J.O. (cérémonie d’ouverture ou passage de la flamme) des personnes « considérées comme très dangereuses ou pouvant potentiellement passer à l’acte ». Ce qui faisait déjà le plus grand nombre de Micas distribuées par l’Etat depuis l’état d’urgence de 2015, avec cette précision du ministère donnée à des journaflics : « les personnes suivies [sont] toutes proches des mouvances d’extrême droite, d’extrême gauche et islamistes » (L’Express, 24/7). Un nombre de 155 qui, on s’en doute allait être amené à augmenter considérablement au fil des jours.

Les divers prétextes utilisés par les services de renseignement

Au détail et selon ce qui est sorti publiquement, les éléments utilisés dans le grand fourre-tout olympique pour justifier cette vague de Micas, a pu être de vieilles condamnations (jusqu’à une dizaine d’années en arrière, pour « terrorisme » mais pas exclusivement). Et lorsque les individus avaient un casier vierge, ont plutôt été utilisés leurs vidéos et posts publiés/relayés ces derniers mois sur les réseaux sociaux (qualifiés au choix par les services de renseignement de « menace d’une particulière gravité » ou « d’apologie du terrorisme »), ou le fait d‘avoir été lié à une association aujourd’hui dissoute par l’Etat, ou encore en utilisant tout ce qui peut traîner dans un fichier policier (comme avoir été entendu comme témoin dans une affaire sensible, ou suite à une altercation de voisinage classée sans suite), et bien entendu le fait d’avoir de mauvaises fréquentations (par exemple s’être liée d’amitié en prison avec une codétenue incarcérée pour « terrorisme », ou avoir en sa possession le numéro de téléphone d’une personne, sans pour autant lui avoir parlé, qui elle-même est soupçonnée d’être « liée à des affaires de terrorisme ».)

A ce jour, seules huit contestations devant le tribunal administratif ont abouti à l’annulation d’une Mica olympique, sachant que les délais impartis pour un recours sont brefs, et que les tribunaux prennent à l’inverse leur temps pour rendre une décision, histoire que les assigné.es à résidence le restent au moins le temps des J.O. En général, ces assignations administratives olympiques ont été prononcées dans la commune où réside la personne, avec un pointage matinal quotidien au commissariat. Certaines ont reçu une assignation de la durée maximum de trois mois, et d’autres uniquement de la durée des Jeux Olympiques. De plus, la plupart ont été perquisitionnées (ce qui se nomme « visite domiciliaire » dans ce cas).

Les premières condamnations pour non-respect des MICAs

Concernant les condamnations pour qui n’a pas respecté les Micas olympiques, à propos desquelles les infos sont chiches, voici quelques exemples récents :

* un homme a été condamné le 26 juillet par le tribunal correctionnel de Cahors pour avoir violé à deux reprises la MICA prise à son encontre par le ministère de l’Intérieur. La première fois il a été signalé par les flics en train de boire un coup à la terrasse d’un café, et la seconde dans les rues d’une grande ville voisine où il se rendait pour raison médicale (à chaque fois en dehors du périmètre assigné). Le procureur a requis 5 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, et les juges lui ont filé 5 mois ferme avec bracelet électronique (Détention à Domicile sous Surveillance Électronique, DDSE).
* un homme auquel une MICA avait été signifiée le 11 mai dernier pour 91 jours, en vue des Jeux Olympiques, s’est tapé un contrôle d’identité le 3 juin en dehors de Montpellier où il était assigné à résidence, alors qu’il était en train de pêcher avec des amis à quelques kilomètres de là. Immédiatement placé en détention préventive, il est passé au tribunal le 19 juin : le procureur a requis 2 ans de prison ferme, et les juges lui ont filé 6 mois de prison ferme avec maintien en détention.
* un homme qui ne découvre qu’à l’aéroport qu’il fait l’objet d’une MICA parce qu’elle a été formulée à une ancienne adresse, se rend le jour même chez son avocat en dehors du périmètre d’assignation, et est arrêté en pleine rue devant chez ce dernier. Puis, pour avoir mordu sur la limite entre deux grands départements (Paris et le Val-de-Marne) en allant faire ses courses, alors qu’il était assigné dans l’un d’eux, il écope de 3 mois avec sursis. Finalement, c’est l’un des rares qui a réussi a faire annuler une Mica olympique, le 30 juillet dernier devant le tribunal administratif de Paris.

Au total, selon un bilan officiel sorti le 2 août à la fin de la première semaine des J.O. par le ministre de l’Intérieur, lors d’un déplacement au comico de Saint-Denis : il y a déjà « plus de 700 mesures administratives » (Micas) qui ont été prononcées en lien avec les Jeux Olympiques « depuis le début de l’année », et qui ont été suivies de « centaines de visites domiciliaires »

[Synthèse de la presse nationale, 8 août 2024]