Allemagne : des nouvelles de la répression contre les compagnon.nes de Munich

Du nouveau dans l’État de Bavière

Les moulins de la bureaucratie sont lents, mais ils continuent à tourner et parfois, oui, parfois, on nous rappelle qu’il y a encore quelque chose qui se passe dans l’une ou l’autre affaire qui semblait depuis endormie. Dans ce cas-ci, c’est le journal Zündlumpen et les poursuites  entreprises par l’État contre ce journal et quelques anarchistEs, débutées avec un certain retard six mois après son arrêt, qui, aux yeux de la police politique et du parquet antiterroriste qui les tient en laisse, nous rappelle de manière inattendue que quelque chose  tourne encore.

En effet, après que le ministre de l’Intérieur bavarois ait passé des nuits blanches suite à une remarque lapidaire du journal Zündlumpen à propos du fait que l’on était historiquement et théoriquement du côté des régicides et non pas des Rois (smiley), il a lâché la bride de ses chiens du Parquet antiterroriste (Terrorstaatsanwaltschaft, TS), de la Protection de l’Etat (Staatsschutzes, SS) et de la Protection de la Constitution (Verfassungsschutzes, VS), qui sont devenus au fil des ans sa garde personnelle et ont été dressés en conséquence.

Ils ont continué à fouiner dans l’ombre pendant un certain temps, en observant et en espionnant, puis en avril 2022, ils ont fait une descente dans plusieurs appartements, dans des caves, dans une imprimerie et dans la bibliothèque anarchiste Frevel, pour annoncer fièrement dans la presse le résultat de leurs perquisitions. Ils avaient saisi livres sur livres, papier sur papier et même quelques numéros isolés du journal anarchiste munichois Zündlumpen, dont 85 numéros étaient parus. Quelle performance policière !

Deux des trois accusés de l’époque se sont vus ordonner un prélèvement forcé d’ADN au prétexte fallacieux qu’il fallait comparer des traces d’ADN retrouvées sur des documents écrits avec celui des accusés. Un troisième prévenu, qui n’a pas pu être arrêté lors de la descente, n’a toujours pas fait l’objet d’un tel prélèvement d’ADN.
Eh bien, les policiers rusés ont proposé dans un courrier qu’une grande quantité d’argent liquide, qu’ils avaient indûment confisquée à cette personne et qu’ils étaient tenus de lui restituer, puisse être directement retirée chez eux et qu’à cette occasion, cette affaire de prélèvement d’ADN puisse être réglée de manière non bureaucratique. Mais les rouages de la bureaucratie allaient tout de même devoir tourner encore un certain temps.

Lors d’une deuxième tentative, deux flics de la protection de l’État ont été observés par des témoins non identifiés alors qu’ils tentaient de forcer à l’aide d’outils de cambriolage la porte de l’appartement de la troisième personne recherchée, mais ils ont échoué à cause d’une serrure dotée d’un cylindre basique (oui, vous n’êtes pas seulement devenus flics parce que vous étiez trop lâches pour devenir des criminels, vous n’avez manifestement tout simplement pas le niveau, smiley). Dans leur frustration, ces flics ont alors fouillé une nouvelle fois l’appartement des voisins, déjà perquisitionné auparavant, à la recherche de la personne recherchée.
La fois suivante, ils ont été plus malins. Comme ils ne voulaient pas se heurter une nouvelle fois à la porte d’entrée fermée, ils sont venus avec le propriétaire de l’appartement, et celui-ci leur a ouvert la porte avec un double des clés. En vain. La personne recherchée n’a pas été trouvée. Les flics rusés du légendaire service K43 se sont alors dit que le propriétaire devait se charger d’espionner pour eux, et ils lui ont donc téléphoné régulièrement pour savoir où se trouvait la personne recherchée. Mais cela ne les a pas menés au succès escompté.

Entre-temps, non seulement un recours contre la décision de prélèvement forcé de l’ADN a été rejeté par un porteur de toge, mais les flics ont sorti un autre « atout » de leur manche. En effet, quand ils ont fait leur descente dans l’imprimerie susmentionnée, ou plutôt lorsqu’ils l’ont cambriolée, ils ont collecté des centaines de « traces », dont quelques-unes ont livré de  l’ADN – sur des mégots de cigarettes se trouvant dans un cendrier de l’imprimerie. Et voilà, c’est comme ça qu’une des traces d’ADN présente sur un de ces mégots a pu être attribuée à une quatrième personne, et comme il est notoire que fumer une cigarette à proximité d’une machine à imprimer est un crime grave, cette personne est alors devenue un membre supplémentaire de la liste des suspects dans le collimateur des flics. Il s’en est suivi de nouvelles perquisitions, qui ont toutefois dû faire l’objet d’une fuite avant d’être effectuées. En tout cas, les flics n’ont pas pu s’empêcher de penser que cette fois-ci, ils étaient attendus, selon la rumeur qui courait alors. C’était en octobre 2022.

Et depuis, plus rien. Jusqu’à ce que, début février 2024, quelque chose se mette à bouger : une patrouille de police tente de contrôler deux anarchistes à vélo. S’ensuit une course-poursuite presque cinématographique avec plusieurs patrouilles et véhicules civils, qui se termine malheureusement par l’interpellation et l’arrestation des deux fuyards. Avant même de procéder à un contrôle d’identité, et y compris pendant que les deux anarchistEs sont projetés au sol par des flics aux cris sauvages, il est clair qu’ils savaient qui ils étaient en train de poursuivre et d’attraper : « Vous êtes arrêté, il y a un mandat d’arrêt(*) contre vous, Monsieur X, et il y a une ordonnance de prélèvement d’ADN contre vous, Madame Y » ont été leurs premiers mots. Certainement le succès d’une recherche des deux personnes par les services spécialisés, et le hasard improbable mais néanmoins possible qu’une patrouille ait effectivement reconnu les deux anarchistEs recherchés quand ils sont passés à vélo devant eux.
Et voilà : enfin ! Finalement, mais uniquement du point de vue des flics, la personne recherchée depuis avril 2022 a été retrouvée et on pourra enfin lui prélever un échantillon d’ADN. Après quelques tracasseries supplémentaires et toute une série d’accusations plutôt habituelles, les deux anarchistEs ont finalement été relâchés après quatre à cinq heures de garde à vue.

Une fois de plus, il nous a été rappelé de manière brutale que les rouages de la bureaucratie ne s’arrêtent pas de tourner, même avec les traces les plus froides. Mais il y a une chose que les flics n’ont pas eu besoin de nous rappeler : ACAB

Quelques anarchistEs de Bavière qui sont toujours là

Pour lire en détail les vicissitudes précédentes
(déjà traduites en français par sansnom) :
* A propos de raids et d’une procédure §129 contre des anarchistEs et du vol d’une imprimerie (mai 2022)
* De nouvelles perquisitions contre des anarchistes à Munich ! (octobre 2022)
* Derniers développements et contexte autour de la procédure 129 à Munich ou : La persécution des anarchistEs et des mégots au royaume chrétien de Bavière (octobre 2022)

(*) Heureusement, le mandat d’arrêt en question était une sorte d’extorsion de l’État, à savoir un mandat d’arrêt basé sur le fait que l’anarchiste en question n’avait pas répondu à une invitation à se rendre en prison en vue d’une « détention forcée » et qu’il devait soit y être emmené de force, soit payer son amende impayée d’un montant (ridicule) de 10€ pour pouvoir être remis en liberté [en Allemagne, les amendes impayées se convertissent en jours de taule]. Il a donc cédé à ce chantage et, à la fin de la journée, toutes les personnes concernées ont été remises en liberté.

P.S. à tous les lecteurs policiers : Celui qui lit ceci est un idiot – Vieux proverbe chinois –

[Traduit de l’allemand de de.indymedia, 20 février 2024]