Toulouse/Vitry/Cubjac/Rennes : le terrorisme d’État revient à la charge

Sept « membres de l’ultra-gauche » [sic] mis en examen pour terrorisme
Le Parisien, 11 décembre 2020

Il s’agit du premier dossier lié à l’ultra-gauche française ouvert par la justice antiterroriste depuis le fiasco de l’affaire Tarnac. Du jamais vu depuis 12 ans ! Six hommes et une femme âgés de 30 à 36 ans, proches de cette mouvance radicale et soupçonnées de préparer une action en France visant à semer la terreur, ont été interpellés mardi par les policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon des sources proches de l’enquête.

Ce vendredi soir, les sept suspects ont été présentés à un juge antiterroriste puis mis en examen pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Le parquet national antiterroriste (PNAT) a requis le placement en détention provisoire pour six d’entre eux. Les débats devant le juge des libertés et de la détention devaient se prolonger jusque dans la nuit. [Cinq d’entre elles ont été placés en détention provisoire, les deux autres sont sous contrôle judiciaire].

Les sept suspects ont été arrêtés à Toulouse (Haute-Garonne), Cubjac (Dordogne), à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) et à Rennes (Ile-et-Vilaine). Lors des perquisitions, les enquêteurs ont mis la main sur des armes – des fusils de chasses – et des munitions ainsi que sur des substances rentrant dans la composition d’explosifs : acétone, eau oxygénée, acide chlorhydrique… Les suspects étaient dans le collimateur des services de renseignement depuis plusieurs mois en raison de soupçons d’un projet d’action violente, visant notamment forces de l’ordre et militaires. « Ils ont franchi un seuil par rapport à d’autres dossiers, confie un proche de l’enquête. Ils agissaient comme une organisation clandestine, se réunissaient et communiquait entre eux et, surtout, cherchaient à se procurer des armes et avaient fait des essais avec leur armement. » Sur des écoutes, certains ne cachent pas leur volonté de passer à l’acte. Et une petite quantité d’explosifs déjà fabriqués, de type TATP, a été découvert par les policiers.

D’après nos informations, la plupart des suspects sont fichés S pour leur appartenance à l’ultra gauche, dont un homme présenté comme le « meneur du groupe ». En garde à vue à la DGSI, au moins un des suspects a reconnu que le groupuscule envisageait de s’attaquer à des policiers, gendarmes ou militaires. Le PNAT avait initialement ouvert une information judiciaire en terrorisme en avril dernier. « Mais on ne peut pas parler pour l’instant d’attentat déjoué », tempère une autre source au fait des investigations. L’enquête doit encore préciser le degré d’avancement du projet. Aucune date de passage à l’acte ou lieu précis n’a été déterminé à ce stade.

Incendies contre des casernes de gendarmerie à Grenoble, sabotages d’antennes relais… De nombreux dossiers d’actions violentes ou de dégradations dans lesquels la main de l’ultra-gauche est soupçonnée ont été soumis pour évaluation au parquet antiterroriste ces dernières années mais jamais celui-ci s’en était saisi jusqu’à alors. « L’ultragauche est morcelée en groupuscules et s’inscrit dans une stratégie qui consiste pour l’instant à rester sous le seuil de l’association de malfaiteurs terroriste, expliquait en mai dernier source au sein des services de renseignements au Parisien – Aujourd’hui en France. Ses membres ne se considèrent pas encore prêts et ne veulent pas se retrouver sous le radar du PNAT, qui déploie des techniques d’enquêtes plus offensives ».

La justice antiterroriste s’est en effet montrée très prudente sur la question de l’ultra-gauche en raison de la porosité entre les mouvances contestataires violentes et les simples mouvements d’oppositions politiques. L’affaire Tarnac reste encore en mémoire : plusieurs militants, dont le célèbre Julien Coupat, avaient été accusés d’avoir saboté des lignes de train pour semer la terreur. Mais la qualification terroriste avait finalement été abandonnée au bout d’une enquête laborieuse et les principaux suspects avaient bénéficié d’une relaxe lors d’un procès de droit commun. En revanche, plusieurs dossiers d’actions violentes déjouées liées à l’ultra-droite ont été qualifiés de terroristes ces trois dernières années, impliquant souvent d’ancien membres des forces de l’ordre voulant s’en prendre à la communauté musulmane.


Selon les journaflics de BFM à qui la DGSI refourgue ses infos, « Parmi les gardés à vue figure, un militant anarcho-autonomne, qui se serait notamment rendu en Syrie [au Rojava] pour combattre aux côtés des forces kurdes pendant 10 mois… Parmi les armes saisies, on retrouve par exemple des billes d’acier, un fusil de chasse à canon scié, un revolver, un couteau, des carabines et des munitions, notamment des munitions de chasse. »