« Les destructions visant des antennes de téléphonie ou les réseaux Internet grimpent en flèche »

Albi (Tarn), 14 septembre 2021

Réseaux télécoms : les actes de vandalisme se multiplient
La Tribune, 14 septembre 2021

Depuis environ un an, les dégradations et destructions visant des antennes de téléphonie mobile ou les réseaux Internet fixe grimpent en flèche, privant à chaque fois des milliers de foyers et d’entreprises de moyens de communiquer. Les opérateurs et le gouvernement se mobilisent pour enrayer ce fléau. Décryptage.

C’est presque devenu monnaie courante. Pas une semaine ne se passe sans que les réseaux télécoms, mobiles et Internet fixe, essuient des sabotages, incendies volontaires, dégradations ou vols. Ce week-end, des habitants du Tarn en ont fait les frais. Dans la journée de samedi, une antenne-relais a été incendiée près d’Albi. Résultat : pas moins de 52.000 abonnés de Bouygues Telecom et de SFR se sont retrouvés, en un éclair, dépourvus de téléphonie mobile. S’il y a du mieux, « la situation n’est toujours pas totalement rétablie », explique à La Tribune ce lundi Arthur Dreyfuss, le secrétaire général de SFR et président de la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby du secteur.

Le dirigeant précise que c’est un pylône de TDF qui a subi d’importants dégâts. « Or celui-ci irrigue des pylônes d’autres opérateurs, détaille-t-il. Au total, une soixantaine de sites mobiles ont été impactés. » Cette attaque n’a rien d’un cas isolé. Aux côtés de SFR et de Bouygues Telecom, Orange et Free voient régulièrement leurs installations vandalisées dans tout l’Hexagone. Tous sont confrontés à des dégradations d’antennes. « Chez Orange, en moyenne, environ une antenne par semaine est la cible de vandalisme, précise Cyril Luneau, le directeur des relations avec les collectivités locales de l’opérateur historique.Nous déplorons également des actes de malveillance sur le réseau fixe, dont des vols de câbles en cuivre [essentiels pour apporter la téléphonie et l’ADSL, Ndlr], à hauteur de dix actes par mois. »Il arrive aussi, chez tous les opérateurs, que les points de mutualisation, des installations critiques pour apporter l’Internet fixe à un grand nombre de foyers, soient attaqués.

Albi (Tarn), 14 septembre 2021

Des sabotages en forte hausse en Ile-de-France

« C’est un fléau », alarme Arthur Dreyfuss. « Les réseaux télécoms sont très sensibles parce qu’ils permettent la connectivité des Français, des entreprises, mais aussi de l’ensemble des services d’urgence, rappelle-t-il. Cela fait dix à douze mois que nous constatons une multiplication des actes de vandalisme. » Le dirigeant précise que les territoires les plus touchés sont aussi, bien souvent, « ceux qui souffrent d’une couverture télécoms compliquée, ce qui est très dommageable pour les habitants et les entreprises ». Lesquels sont parfois extrêmement nombreux à en subir les conséquences. Arthur Dreyfuss se rappelle qu’en début d’année, l’incendie d’une antenne-relais près de Limoges a privé plus d’un million de personnes de télévision pendant plusieurs jours.

Toutes les régions sont touchées. Mais depuis la fin du mois d’août, les actes de vandalisme vont crescendo en Ile-de-France. « Plusieurs dizaines de sites ont déjà subi des dégradations », relève le chef de file de la FFT. Qui sont, alors, les responsables de ces attaques ? Jusqu’à présent, les enquêteurs semblaient privilégier les pistes de l’ultra-gauche, des anarchistes ou des anti-5G. L’arrivée de la nouvelle génération de téléphonie mobile a notamment suscité une forte opposition et des débats électriques. A gauche et chez les écologistes, beaucoup craignent encore que cette technologie nuise à la planète, et certains redoutent l’impact des ondes sur la santé. Des thèses complotistes ont également circulé, comme celle d’une propagation du coronavirus par la 5G. En mars dernier, le tribunal correctionnel de Valence a ainsi condamné un résident de Pierrelatte (Drôme), opposé à la nouvelle génération de téléphonie mobile, à trois ans de prison – dont un an ferme -, a rapporté France Bleu. En janvier et février, il avait incendié une antenne-relais et une chambre de télécommunications d’Orange. Cela dit, il apparaît bien difficile, aujourd’hui, de dresser des profils types.

« La question d’un renforcement du dispositif pénal se pose »

Face à ce vandalisme, les opérateurs et le gouvernement se mobilisent. Ce dimanche, Cédric O, le secrétaire d’Etat en charge du Numérique, a « [condamné] fermement » l’incendie du pylône de TDF dans le Tarn sur Twitter. « Avec Gérald Darmanin [le ministre de l’Intérieur, Ndlr], nous agissons aux côtés de l’ensemble des opérateurs pour mettre fin à ces actes inacceptables, dans le cadre de la convention nationale de lutte contre la malveillance visant les réseaux télécoms, qui met en danger des vies humaines », a-t-il insisté. Cette convention « a vocation à être déclinée localement par les préfectures », précise Arthur Dreyfuss. Elle vise à favoriser le partage d’informations entre les opérateurs, les gestionnaires de sites télécoms, la police, la gendarmerie et la justice. L’objectif est que tous puissent réagir au plus vite lorsque des installations sont vandalisées. Mais aussi d’agir de manière préventive. « Dans ce cadre, nous pouvons transmettre à la police et à la gendarmerie, à l’échelle départementale, des listes de sites sensibles, afin qu’une surveillance puisse, dans certains cas, être mise en place », explique le président de la FFT.

A ses yeux, cette convention va « dans le bon sens ». Mais « la question d’un renforcement du dispositif pénal et des sanctions se pose lorsque les auteurs de ces faits extrêmement graves sont retrouvés », poursuit-il. Même son de cloche pour Cyril Luneau : « Nous militons notamment pour une politique pénale adaptée en cas de récidive », affirme-t-il. Le message a été bien reçu par le gouvernement. La balle est désormais dans son camp.


Albi : Oracle s’en mêle

Rappelons que cet incendie volontaire n’a pas été revendiqué. Mais l’on sait que dans plusieurs villes de l’hexagone, des antennes ont été vandalisées par des anti 5G. Pour Albi, mystère ? Mais au mois d’août, un pylône avait déjà été incendié sur la commune d’Albi dans le secteur de l’avenue De Lattre de Tassigny et du Caussels. Ce sont les services de polices d’Albi qui ont été chargés des premières constatations. Puis ces indices partiront à Paris, où une cellule a été mise en place, pour combattre l’ensemble des vandalismes qui touchent les pylônes émetteurs sur le territoire [soit la fameuse cellule Oracle]. Reste que les habitants du Tarn Nord, du Carmausin à l’Albigeois ont connu de vraies galères durant tout le week-end pour travailler, joindre leurs proches, ou plus grave, contacter les services d’urgence.
(La Dépêche du Midi, 14 septembre 2021 – extrait)


Nouvelle vague de destructions sur les réseaux télécoms
Les Echos, 14 septembre 2021

Rentrée agitée pour les opérateurs télécoms. Même si le mouvement anti-5G a perdu de sa vigueur, les dégradations se multiplient sur les réseaux d’Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free en cette rentrée politiquement chargée. Antennes incendiées, vols de câbles cuivre, fibre sectionnée… Le sujet fait son come-back. « Les infrastructures télécoms sont à nouveau les cibles de vandalisme. Ce fléau est quotidien. Les premiers pénalisés sont les Français », regrette Grégory Rabuel, le nouveau PDG de SFR. Samedi, 52.000 abonnés SFR et Bouygues Telecom ont été privés de réseau pendant plusieurs heures près d’Albi. En cause, l’incendie volontaire de deux antennes-relais. Le petit monde des télécoms s’est placé en état d’alerte. Surtout après la panne cet été des numéros d’urgence chez Orange qui avait déjà remis le sujet de la résilience des réseaux sur la table. « Le vandalisme sur les pylônes mobiles est criminel et coupe les populations de services vitaux. Ces actes doivent être punis sévèrement » a tweeté Cédric O, le secrétaire d’Etat au numérique.

Paris touché

Les opérateurs télécoms constatent aussi une nouvelle vague de dégradations à Paris et en petite couronne depuis cet été. La Fédération des télécoms (qui représente tous les opérateurs sauf Free) a enregistré entre 15 et 20 actes de vandalisme dans la région. L’année dernière, une centaine d’incidents avaient été répertoriés. « Il y a effectivement une recrudescence des dégradations en Ile-de-France, notamment sur la fibre », confirme un opérateur.

Le sujet est loin d’être anecdotique. Construire un pylône de téléphonie coûte en moyenne entre 70.000 et 100.000 euros. Avec le raccordement électrique et les antennes à proprement parler, la facture totale peut facilement atteindre 200.000 euros. Les opérateurs ont du mal à établir un portrait-robot des auteurs. « Les motivations sont très diverses, nous n’avons pas d’études sur le sujet, reconnaît Cyril Luneau, directeur des relations avec les collectivités locales chez Orange. Ces individus sont conscients des conséquences de leurs actes pour la sécurité des personnes et la vie socio-économique ». Certains font cependant le lien avec le mouvement anti-vax et anti-passe. La contestation anti-5G battait alors son plein. Mais entre-temps, de nombreuses villes anti-5G ont lâché du lest. 28.000 sites 5G ont été autorisés sur le territoire, selon l’Agence nationale des fréquences. Pour les protéger, les opérateurs comptent notamment sur le nouveau protocole national signé en mars avec les différents ministères concernés (Intérieur, Justice) censé faciliter le partage d’informations. Le secteur plaide aussi pour que les auteurs soient davantage sanctionnés.